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31 août 1888. La prostituée Polly Nichols accomplit sa dernière passe avec Jack l’Éventreur.

lundi 31 août 2015

Retrouvée sauvagement assassinée, la prostituée Polly Nichols est la première victime du plus célèbre tueur en série de tous les temps.
Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Nuit du 31 août 1888. Nous sommes dans le quartier sordide de Whitechapel, il fait un froid à ne pas mettre une pute dehors... À croire que l’hiver s’est trompé de saison. Des éclairs ne cessent de zébrer le ciel. Un smog aussi épais qu’un pudding de Noël empêche d’y voir à plus de dix mètres. Au fond de son lit, le prince Charles se presse peureusement contre le flanc de Camilla... Dans ces bas-fonds londoniens où même Beigbeder hésiterait à s’aventurer, un homme tire une petite charrette. Il s’agit de Charles Cross, lequel recherche un client désireux de faire transporter sa marchandise. À 3 h 40, la lueur blafarde de sa lampe éclaire le corps d’une femme gisant sur le sol, morte. Il s’arrête, effaré, fait signe à un autre charretier qui passe par là de s’approcher de la femme qui a les jupes relevées. Pourtant, il n’y a aucun Sofitel dans les parages... Du sang, partout. Le visage et les mains sont froids ; en revanche, les jambes sont encore chaudes. Elle a dû avoir un malaise, une attaque, se disent les deux charretiers. L’autre, dénommé Robert, pense même qu’elle respire encore.

Ils remettent ses vêtements en place, question de dignité. Il ne s’agit pas d’une future Miss France... En courant donner l’alerte, ils tombent sur le policier Jonas Mizen, qui les suit à toute allure, sa lampe à la main. Devant le cadavre, ils trouvent un autre policier, John Neil, arrivé entre-temps. Alerté par le bruit, le légiste Rees Ralph Llewellyn, logeant à proximité, accourt. Il atteste que la femme est bel et bien morte une trentaine de minutes plus tôt, mais certainement pas à la suite d’un malaise. Le Dr House applaudit devant tant d’expertise. C’est un meurtre d’une horreur sans nom. Selon le légiste, la victime a expiré quasi immédiatement après un coup de lame porté à la gorge. Sa langue a été lacérée, il lui manque cinq dents et elle présente de multiples contusions à la mâchoire, probablement dues à des coups de poing. Son cou est doublement incisé d’une oreille à l’autre, probablement avec un scalpel ou un couteau tranchant. Un vrai travail de chirurgien ou de boucher méticuleux. Le bas de son abdomen est gravement mutilé. De profondes blessures entourent ses organes génitaux, laissant penser, à première vue, que le meurtrier est gaucher. Autant de détails bientôt relatés par le Times, dont la lecture déclenche une vague de terreur dans le quartier. Personne n’a rien vu, personne n’a rien entendu. Cela s’est pourtant passé sous les fenêtres de la veuve Green, qui raconte s’être couchée vers onze heures du soir et, malgré un sommeil léger, n’avoir été réveillée que par l’arrivée de la police. Ses voisins d’en face, les Purkiss, n’en savent pas davantage.

Prostituée alcoolique mère de cinq enfants

Qui est la victime ? La police découvre vite qu’elle s’appelle Mary Ann Nichols, surnommée Polly. Elle est âgée de 43 ans, mais en parait dix de moins grâce à des injections de Botox recommandées par Nicole Kidman. Polly s’est séparée de son mari, William Nichols, quelques années auparavant, lui abandonnant la garde de leurs cinq gosses. Il lui versait une maigre pension, comme la loi l’y oblige, jusqu’à ce qu’il découvre qu’elle tapinait pour mettre du beurre dans les épinards et, surtout, de l’alcool dans son verre... Pas question de raquer pour une putain alcoolo ! Le 31 août 1888, vers 1 h 30 du matin, après avoir zoné un moment dans le quartier à la recherche d’un client, Polly rentre à moitié pétée à la pension de famille dite White House, où elle crèche avec Emily Holland, une autre prostituée devenue son amie la plus fidèle.

La logeuse refuse de la laisser entrer, car elle n’a pas de quoi payer sa nuit. Polly ironise : "Je trouverai bien vite quelqu’un ! Regardez donc mon beau chapeau !" Il faut vraiment qu’elle trouve une dernière passe si elle veut dormir dans un lit. Il y a certainement un joueur de l’équipe de France de foot encore en vadrouille, même s’il caille et que l’orage est toujours en train de grogner. À 2 h 30, elle croise Emily, qui revient des docks. Polly lui confirme que dans la journée elle a gagné au moins trois fois le prix de son lit, mais qu’ayant tout bu elle doit bosser encore. Cela précisé, elle s’éloigne en titubant dans la rue de Whitechapel. À 3 h 15 le policier John Thain emprunte Buck’s Row. Rien à signaler. Quelques minutes plus tard, même constat pour le sergent Kerby de Scotland Yard. Pourtant, dans la demi-heure qui suit, c’est dans cette même zone que Mary Ann Nichols rencontre la gloire en devenant la première victime de Jack l’Éventreur.

Boucheries

Le 8 septembre, c’est au tour d’Annie Chapman, une autre prostituée, de se faire rectifier dans une cour de Hanbury Street. La scène du crime est pire que la première, la victime est si profondément égorgée que sa tête se détache presque du corps. Elle est étripée, son utérus prélevé... C’est la panique à Whitechapel parmi le millier de prostituées du coin. Le tueur de Whitechapel is born ! Le 30 du même mois, rebelote, Elizabeth Stride est trouvée égorgée dans la cour d’un club, ainsi que Catherine Eddowes la même nuit à Mitre Square. Cette dernière est découverte le ventre ouvert, éviscérée, foie coupé en morceaux, utérus disparu, visage marqué d’un "V" taillé à la lame... Une vraie boucherie. Et de quatre ! Hugh Grant, amateur de prostituées, est un temps suspecté avant d’être relâché... Le 9 novembre, Mary Jane Kelly, la cinquième et dernière victime attribuée officiellement au fameux Jack the Ripper, est retrouvée morte chez elle. Un meurtre encore plus violent que les autres, le chef-d’oeuvre du serial killer, avec une mise en scène : abdomen et cuisses dépecés, seins coupés à la base, visage si mutilé que la victime est méconnaissable. Des lambeaux de chair sont entreposés sur une table. Tous les viscères ont été arrachés et éparpillés autour du corps. Le coeur, en revanche, a disparu... D’une atrocité indescriptible !

Les flics sont aux abois, des milliers de personnes sont interrogées. Le tueur utilise toujours le même modus operandi. Il se fait passer pour un client, attire ses proies vers des coins calmes, les égorge pour les tuer et les mutiler tranquillement post mortem. Malgré les nombreux suspects, plus d’une centaine, souvent bouchers, ouvriers des abattoirs, chirurgiens ou médecins, capables selon la police d’une telle précision dans les gestes, le coupable ne sera jamais identifié, jamais arrêté. Aujourd’hui encore, plus d’un siècle après ses méfaits, il fait toujours couler de l’encre dans la presse, stimule les écrivains, les cinéastes, et peut-être même inspire-t-il des carrières d’assassin. Jack reste le tueur en série le plus célèbre de la planète. L’analyse ADN, menée en 2014j d’une tache de sperme trouvée sur un châle ayant appartenu à Elizabeth Stride, désigne comme coupable le juif polonais, barbier, Aaron Kominski, déjà soupçonné à l’époque.


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