MosaikHub Magazine

Mourir sans dire au revoir à son bébé

jeudi 20 août 2015

La nouvelle n’a pas fait grand bruit. Samedi 1er août, six personnes, dont Jimmy Marcellus, père d’un bébé de deux mois, meurent dans un accident de la circulation à Pèlerin 2. Les freins d’un trailer auraient lâché. L’absence d’inspection technique de véhicules de fort tonnage refait surface pour hanter des chefs prompts à ne faire que des communiqués à chaque drame en Haïti où de janvier 2015 à aujourd’hui 2 384 accidents ont été dénombrés pour 116 morts recensés.

Jimmy Marcellus, 34 ans, est à bord d’une Jeep Toyota grise immatriculée AA 79303 avec quatre autres occupants, dont son beau-frère, Lucner St-Jean. Le véhicule, en milieu de soirée, samedi 1er août, se dirige vers Thomassin, où Jimmy Marcellus, rentré de Boston, aux USA, devait retrouver sa femme, nourrice d’un bébé de deux mois. Une petite fille. Il était loin d’imaginer qu’il n’allait plus revoir sa famille, le sourire de son enfant qui illumine ses journées. Sur la route, à hauteur de Pèlerin 2, un trailer Mack TM 09032 dont les freins ont vraisemblablement lâché broie son véhicule. Jimmy Marcellus, Lucner Saint-Jean, Joseph Julio Emmanuel Jean-Claude et Junel Altero meurent sur le coup. Parmi les cinq occupants de la Toyota, il n’y a qu’un seul survivant. L’assistant du conducteur du trailer qui venait de faire une livraison est mort dans l’accident ainsi qu’une personne à bord d’une camionnette percutée sur le côté droit. Le bilan de l’accident aurait pu être plus lourd, confie Louis Cadeau, haleine éthylique, une vieille casquette sur le citron. « Je buvais là ce soir quand le camion dévalait la pente. J’ai été percuté par un arbre », explique-t-il le lundi 17 août au journal avant d’aller s’occuper de ses porcs. Au flanc de ce monticule où une buvette sert du bois cochon et autres clairins trempés, on n’accable pas le conducteur qui a sauté de son véhicule avant l’impact et pris la poudre d’escampette. « Il a perdu le contrôle du trailer depuis Thomassin 5. Il s’est battu pour diriger le véhicule ici », raconte un autre résident, chauffeur de tap-tap à ses heures. Anéanties par cette perte, les familles de Jimmy Marcellus et de Lucner St Jean ont constitué un cabinet d’avocat, révèle l’oncle de Jimmy Marcellus, l’agronome Sergo Augustin. « Le trailer responsable de l’accident n’avait pas d’assurance et n’était pas inspecté depuis 2 ans », indique-t-il au journal. Le commissaire principal Goodson Jeune, responsable de la Direction de la circulation et de la police routière, confie « qu’il y a une inspection visuelle et non technique des véhicules ». L’Etat haïtien n’a pas encore doté la DCPR de ces équipements. Ouvert et très affable, Goodson Jeune souligne que lui et ses 400 hommes, mobilisés uniquement dans les communes composant la communauté urbaine de Port-au-Prince, sont dévoués et prêts à faire ce travail. Pour illustrer ses limites, Goodson Jeune confie ne pas avoir d’emprise sur les services de circulation qu’il y a dans les commissariats à travers le pays. « Je donne des fiches de contravention à Gressier. Cela s’arrête là. On ne me fournit pas de rapports », illustre-t-il. Pour Goodson Jeune, il est indispensable qu’au niveau des directions départementales que l’on renforce les consignes de prévention, de contrôle de véhicules surchargés et à risque pour éviter des drames évitables. En 2014, 142 personnes ont péri dans des accidents de la circulation. Cette même année, 4 223 accidents de véhicules ont été recensés à travers le pays. De janvier 2015 à aujourd’hui, 2 384 accidents ont été dénombrés pour 116 morts, confie un policier en poste au bureau des accidents installé à l’OAVCT. Ces données concernent les cas déclarés par le propriétaire ou le conducteur du véhicule. Par exemple, l’accident survenu dans le Nord n’est pas encore recensé ainsi que les 18 morts et 32 blessés constatés, selon ce policier qui maîtrise le décret du 26 mai 2006 et l’article 273 prévoyant la suspension ou le retrait définitif du permis de conduire d’un chauffeur dont la responsabilité est établie dans le cas d’un accident grave. Pour l’instant, après l’accident enregistré dans le Nord, le président Michel Martelly a souhaité l’ouverture d’une enquête et Evans Paul, chef du gouvernement, appelé la population à plus de responsabilité dans l’usage des transports en commun. Aucun de ces deux hauts responsables d’Etat n’a abordé les problèmes réels de l’insécurité routière. Peu après l’accident survenu dans les parages de la TNH il y a quelques années, les chefs avaient admis qu’on n’effectuait plus d’inspection des véhicules depuis plus de 15 ans. Les multiples drames n’ont pas poussé les TPTC, le MPCE, le ministère de la Justice à aborder de manière sérieuse l’insécurité routière. Sur les routes nationales, les policiers ressemblent plus à des vacanciers qu’à des agents de l’ordre capables de dissuader la surcharge de véhicules ou coller des contraventions à des véhicules. Entre-temps, le consensus est parfait pour que nos routes demeurent des cimetières, des broyeurs de vies et de rêves… Roberson Alphonse


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