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Les mathématiques, la clé d’un trafic fluide ?

vendredi 31 juillet 2015

Si vous prenez la route ce week-end à l’occasion du grand chassé-croisé de l’été et que les centaines de kilomètres de bouchons attendus vous angoissent, rassurez-vous : des mathématiciens tentent d ?alléger vos souffrances en définissant des systèmes de régulation du trafic.

Dynamique des fluides, équations aux dérivées partielles, théorie des jeux : autant d’outils mathématiques qui nous dépassent mais pourraient éviter aux automobilistes de rester coincés dans leur voiture...et à l’économie française d’en pâtir.

Les embouteillages ont coûté 17 milliards d ?euros à l’économie française en 2013, et devraient peser à hauteur de 22 milliards d’ici 2030, selon une étude signée du fournisseur d’information routière INRIX et du Centre for Economics and Business Research (Cebr). Soit plus que le trou de la Sécu en 2014.

Paola Goatin, mathématicienne à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), a été mandatée par l’Union européenne pour chercher à résoudre ce casse-tête du bouchon.

"J’étudie des équations qui décrivent l’écoulement d’un gaz ou d’un fluide", explique-t-elle à l’AFP. "Que ce soient des routes avec des voitures ou des tuyaux avec de l’eau dedans, du point de vue mathématique, ça ne change pas grand-chose".

Seul hic : les mouvements des fluides sont régis par des lois physiques assez stables, alors que les comportements humains sont imprévisibles.

On intègre donc dans les équations 3 ou 4 paramètres "stables" comme la vitesse autorisée, la vitesse à laquelle se propage un bouchon, le nombre maximal de voitures que la voie peut accueillir. Puis on obtient un modèle qui reproduit le comportement moyen sur la route, et sert de base pour optimiser, à coups de variables, le temps passé dans son véhicule.

- ’comportement égoïste’ -

Pour réguler le trafic on peut par exemple jouer sur la vitesse maximale autorisée, même de façon ponctuelle. Sur un axe à plusieurs points d ?accès, on peut installer des feux pour faire varier la densité des nouveaux arrivants.

Le bon sens pourrait inciter à rajouter des routes. Mais ce n’est pas si simple : à Stuttgart à la fin des années 1960, de gros travaux d’extension du réseau routier avaient créé des embouteillages monstres, aboutissant à la fermeture de la section toute neuve.

C’est "le paradoxe de Braess" développé par le mathématicien éponyme. En substance : si la ville décide de construire une nouvelle route (qu’on appelle A) nettement plus rapide que les voies existantes (qu’on appelle B et C), tous les automobilistes vont opter pour la solution A. Un bouchon se forme et au final, les conducteurs mettent plus de temps en empruntant A qu’en se répartissant sur les voies B et C.

Sa théorie s’est depuis confirmée. En 1990, la municipalité de New York ferme la 42ème rue, un des principaux axes de Big Apple : la circulation dans Manhattan devient plus fluide. A Séoul, la destruction d’une voie express a permis d’améliorer la circulation globale.

"Logique" pour Guillaume Carlier, professeur en Mathématiques Appliquées à l ?Université Paris IX Dauphine : "Les automobilistes ont un comportement égoïste, il y a un conflit entre intérêt individuel et efficacité pour la collectivité".

Ces études du trafic routier "ne sont pas assez prises en compte par les décideurs mais elles sont en revanche utilisées par des ingénieurs spécialistes du transport (au ministère des transports, à la RATP, au Syndicat des transports d’Île-de-France ?)", note Guillaume Carlier.

"Les recherches que nous faisons visent à exploiter au mieux le réseau routier existant pour ne plus construire de nouvelle route", précise Paola Goatin. "Mais il faudra aussi faire intervenir d’autres facteurs comme les transports en commun, le covoiturage ? La voiture ne doit plus être le premier choix. Quand le réseau est saturé, il est saturé", conclut la mathématicienne.


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