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L’élite et le cimetière

lundi 13 juillet 2015

Il y a de cela longtemps, au maire de Port-au-Prince venu solliciter sa contribution pour ériger la clôture du cimetière de la capitale, un homme d’affaires dit : - « Pourquoi voulez-vous ériger un mur d’enceinte, magistrat ? » - « Ceux qui sont dehors ne veulent pas entrer et ceux qui sont dans le cimetière ne peuvent pas en sortir… » Imparable, la logique de l’homme d’affaires pour éviter de verser l’obole. Ah oui, les hommes d’affaires de ce pays ont des ressources insoupçonnées. Cette semaine le Listin Diario, quotidien de la République dominicaine, a sorti un article ¿A qué le huyen los haitianos cuando deciden venir a RD ? (http://www.listindiario.com/la-republica/2015/07/08/379431/a-qu-le-huyen-los-haitianos-cuando-deciden-venir-a-rd) pour fustiger la faiblesse des investissements des riches haïtiens en Haïti. Le journal explique que cela provoque l’installation de milliers d’Haïtiens en République dominicaine. Si les hommes d’affaires haïtiens ou ceux qui s’enrichissent en Haïti s’occupaient bien de leur gagne-profit, Haïti se porterait mieux, laisse croire le journal tout en soulignant que 10% des Haïtiens les plus riches détiennent 70% des ressources d’Haïti. Il ne fait pas de doute que si l’Etat haïtien et les acteurs économiques en mesure de peser sur les résultats s’y prenaient mieux, Haïti se porterait autrement et nos compatriotes, leur force de travail, ne seraient pas en vadrouille de l’autre côté de la frontière. Se faire faire la leçon n’est jamais agréable. Avoir les Dominicains comme professeurs ajoute à l’incompétence de nos élites. Qui prend la peine de faire le décompte de nos forces et de nos potentialités et les exploite pour le bien de notre pays ? Haïti ne peut pas continuer sur la lancée des dernières décennies avec des gouvernements qui ne réussissent dans aucun domaine et des hommes d’affaires qui se contentent de peu ou ramassent leur bille le plus vite qu’ils le puissent, pour aller investir ailleurs. Les élites haïtiennes se croient intelligentes et laissent pour plus tard les problèmes, laissent aux autres les responsabilités qu’elles refusent d’assumer. Elles collectionnent les rendez-vous manqués et les échecs, sans trop penser aux conséquences. Elles se croient même intelligentes, notre riche élite et celle au pouvoir. L’intelligence n’est pas de se sortir d’une pirouette d’un mauvais pas, mais d’anticiper le destin funeste qui attend au bout de la route. Ce pays ressemble chaque jour davantage au grand cimetière de Port-au-Prince. Il est abandonné par les élites de la ville. Personne ne veut y entrer, personne ne veut y rester, bientôt, personne n’en sortira.
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