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2 juillet 1816. Sur les 152 naufragés du radeau de La Méduse, 142 périssent noyés, dévorés ou tués.

jeudi 2 juillet 2015

Tous les détails horribles et révoltants de ce naufrage devant la côte du Sénégal par la faute d’un aristo incapable

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Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Avant de lui confier le commandement de La Méduse, les autorités prennent bien soin de répéter plusieurs fois au capitaine Hugues Duroy de Chaumareys, 50 ans, de passer très au large de la côte avant Dakar. On le lui serine à nouveau à bord. Mais non, ce vieil imbécile d’émigré qui n’a pas navigué depuis 25 ans, et qui ne doit son commandement qu’à sa particule n’en fait qu’à sa tête. Sans écouter ses officiers, il fonce droit sur la côte, empalant sa frégate sur le banc d’Arguin. Enchanté par une telle connerie, Cyril Hanouna invite les passagers à faire la danse de la sardine...

C’est ainsi que le 2 juillet 1816, à 15 h 15 très exactement, La Méduse s’échoue. Le géographe et ingénieur Alexandre Corréard, présent à bord, raconte : "Cet accident répandit sur la frégate la plus sombre consternation. S’il s’est rencontré quelques hommes assez fermes au milieu de tout ce désordre, ils ont dû être frappés des altérations profondes empreintes sur toutes les physionomies : quelques personnes étaient méconnaissables. Ici l’on voyait des traits retirés et hideux ; là un visage qui avait pris une teinte jaune et même verdâtre... Il semblait que la terrible Gorgone dont nous portions le nom eût passé devant eux." La même ambiance qu’à l’UMP le jour où Lavrilleux mange le morceau à propos de Bygmalion.

"La Machine"

La Méduse est partie deux semaines plus tôt de l’île d’Aix pour prendre possession des comptoirs du Sénégal que les Britanniques viennent de rétrocéder à la France. Deux autres navires l’accompagnent. Outre l’équipage, elle embarque des scientifiques, des fonctionnaires, des colons et de nombreux soldats, d’anciens bagnards libérés à condition de s’enrôler.

Après de vaines tentatives pour renflouer le navire, son abandon est décidé, le 5 juillet au petit matin. L’eau envahit déjà les cales. Les six canots de sauvetage étant trop petits pour recueillir les quatre cents marins et passagers, un radeau est bricolé à la hâte avec les mâts de hune et des vergues, sous la direction de Freddy de Koh-Lanta... L’embarquement à bord des canots et du radeau se fait dans un désordre indescriptible. Avec la même précipitation que les adhérents de l’UMP s’enfuyant de leur partie naufragé... Ivre, le commandant Duroy de Chaumareys est dépassé. Dans l’affolement, on oublie de prendre les tonneaux de biscuits spécialement préparés, mais pas les tonneaux de pinard offerts par Depardieu...

Cent vingt-deux soldats et officiers prennent place sur le radeau, avec vingt-neuf marins et passagers, et une femme cantinière. "La Machine", le surnom du radeau, s’enfonce sous l’eau sous le poids de ses passagers. Guy Carlier est jeté à l’eau sans que cela y change grand-chose... Les naufragés sont obligés de rester debout, serrés les uns contre les autres. Hormis l’ingénieur Corréard, qui ne veut pas abandonner ses ouvriers, et deux ou trois officiers, tous les gradés embarquent dans les canots.

Tempête

Ainsi, le futur gouverneur du Sénégal, sa femme et sa fille accaparent la plus grande embarcation avec une poignée d’officiers qui repoussent, sabre à la main, les malheureux voulant monter à bord. Finalement, dix-sept hommes sont abandonnés sur l’épave de La Méduse. Trois chaloupes s’arriment à "La Machine" pour la haler vers la terre ferme, peu éloignée. Mais le radeau dérive, entraînant les canots au large. Ce qui conduit les officiers à larguer le radeau, au grand désespoir des naufragés qui vocifèrent et menacent leurs camarades. Mais rien n’y fait. Voilà le radeau seul au milieu de l’océan. À bord, pas une ancre, pas un compas, pas une carte. Un gréement est improvisé avec un semblant de voile. Comme la mer, ça creuse, les hommes dévorent les rares biscuits emportés. Bientôt, il ne reste plus que du vin à bord.

À la tombée du jour, la mer entame une rumba endiablée. Le ciel se mêle à la danse en lâchant les grandes eaux. Les naufragés passent une nuit d’enfer. Ils s’agrippent désespérément au frêle esquif pour ne pas être emportés par les vagues. Au matin, le spectacle est effrayant. Une douzaine d’hommes dont les jambes ont glissé entre les poutres du radeau se sont retrouvés coincés et sont morts noyés. D’autres ont carrément été emportés par la mer. Ce sont encore les plus heureux, car ils n’auront pas à vivre la géhenne à venir. Pour abréger leurs souffrances, un boulanger et deux mousses se jettent à l’eau après des adieux déchirants.

Par bonheur, la journée est belle et redonne espoir à ceux qui ne croyaient plus à la venue des secours. Mais le soir tombe sans qu’une seule voile apparaisse à l’horizon. L’océan pique à nouveau une colère nocturne. Des montagnes d’eau frappent violemment les passagers qui se rassemblent au centre du radeau. Ceux qui n’y parviennent pas sont happés et disparaissent à jamais. "C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme. Tatatin...", griffonne Renaud sur un bout de papier.

Les cadavres "coupés par tranches"

Voyant leur dernière heure venue, des soldats et des marins décident de se saouler une dernière fois la gueule. Ils y vont à fond la gamelle pour une fois que c’est gratuit. Certains sont tellement ivres qu’ils hâtent leur fin en détruisant le radeau. Un hercule asiatique saisit une hache pour trancher les cordages liant les poutres. Les autres naufragés, pas encore décidés à serrer la pince à saint Pierre s’opposent à la folie des soldats. C’est une bagarre générale. On s’entretue durant toute la nuit. Les requins tournant autour du radeau happent les morts au fur et à mesure qu’ils tombent à l’eau. La cantinière et son époux sont jetés à l’eau par les révoltés. Les autres les repêchent. Après une trêve, la bataille reprend de plus belle.

Au petit matin, soixante-quatre naufragés ont disparu dans la tourmente nocturne. Au moins, les survivants disposent-ils de davantage de place. Il reste trois barriques de vin, mais des enragés en balancent deux à l’eau. En revanche, il n’y a plus rien à manger sinon... Sinon de la bonne viande bien rouge appartenant aux cadavres. Laissons la parole à Corréard : "Les infortunés que la mort avait épargnés dans la nuit désastreuse que nous venons de décrire se précipitèrent sur les cadavres dont le radeau était couvert, les coupèrent par tranches, et quelques-uns même les dévorèrent dans l’instant."

Une fois rassasiés, les naufragés taillent encore des morceaux pour les faire sécher au soleil. Quelques-uns néanmoins refusent de toucher à ce mets délectable, préférant mastiquer les baudriers des sabres, le linge, et jusqu’aux chapeaux. Un marin tente même d’ingurgiter ses excréments, mais doit y renoncer par dégoût. Encore un qui n’a pas participé à Un dîner presque parfait...

"Expédient horrible"

Troisième nuit. Pour la première fois, la mer reste calme. Mais, à bord du radeau, certains esprits se mettent à dérailler. Un homme saute à l’eau après avoir crié : "Ne craignez rien, je pars pour vous chercher du secours, et dans peu vous me reverrez." Un autre empoigne un sabre avant de sauter sur un compagnon d’infortune pour lui demander une aile de poulet et du pain. La quatrième aube se lève avec une dizaine de victimes supplémentaires. Neuf corps finissent à l’eau, le dixième sert de petit déjeuner. Durant la nuit, des poissons volants se sont abattus sur les naufragés. Les candidats de Top Chef improvisent un barbecue avec un peu de poudre à canon... Des gourmands profitent du feu pour se faire griller un steak. Il ne manque qu’un verre de mousseux et des Apéricube pour que la fête soit complète...

Pourtant, dès que la nuit tombe, c’est à nouveau l’horreur. Les soldats tentent encore de massacrer leurs compagnons. Le cinquième jour se lève avec seulement trente survivants. Un sur quatre ! Les sixième et septième jours s’écoulent sous le soleil, sans qu’aucun secours se dessine à l’horizon. Deux soldats sont surpris en train de boire en douce dans le dernier tonneau de vin. Ils sont balancés à la flotte ! Ils peuvent désormais boire tout leur soûl.

Le dernier tonneau de vin est presque vide. Les naufragés qui présentent la meilleure condition physique se demandent s’il est vraiment nécessaire de continuer à partager le reste du vin avec les plus faibles qui semblent promis à une mort prochaine. Bien sûr que non. Une douzaine de mourants sont aussi sec balancés par-dessus bord. "Trois matelots et un soldat se chargèrent de cette cruelle exécution ; nous détournâmes les yeux et nous versâmes des larmes de sang sur le sort de ces infortunés." "Parmi eux, note Corréard, il y avait la misérable cantinière et son mari. Cet expédient horrible sauva les quinze qui restaient." Toujours aucun secours en vue.

Sauvés par hasard

Le dixième jour, des requins, attirés par l’odeur, cernent le radeau. Les survivants ne peuvent même plus compter sur la chair humaine qui commence à ne plus être consommable. Certains se mettent à boire leur urine qu’ils font refroidir dans de petits gobelets. On se croirait à l’arrivée d’une étape du Tour de France, sauf qu’il s’agit d’une urine biologique, vierge de toute amphétamine. Les naufragés se volent leurs verres, ce qui leur permet de constater que toutes les urines n’ont pas le même goût. Depardieu opine...

Le douzième jour, un navire apparaît à l’horizon, avant de disparaître sans voir les naufragés. Le lendemain, sauvés ! Un brick court droit sur le radeau. C’est l’Argus, l’un des navires accompagnant La Méduse. C’est le hasard qui organise cette rencontre, car à Dakar on croyait depuis longtemps les passagers du radeau engloutis par l’océan. L’Argus retournait récupérer sur La Méduse 90 000 francs oubliés. Les quinze survivants du radeau sont hissés à bord. Ils sont loin d’être tirés d’affaire. Cinq d’entre eux meurent d’épuisement quelques jours après leur arrivée à Saint-Louis.

Conseil de guerre

Cela fait longtemps que les autres naufragés ayant pris place à bord des canots sont arrivés. L’embarcation du capitaine a rallié le port après seulement quatre jours de navigation. Quant aux autres canots, ils se sont échoués sur la côte, obligeant leurs passagers à effectuer une marche épuisante de quinze jours qui a coûté la vie à plusieurs d’entre eux.

Il reste enfin les dix-sept malheureux abandonnés sur la frégate. Deux sont morts à bord, et douze se sont noyés en tentant de gagner la terre sur un radeau. L’Argus ne trouve donc plus qu’à bord de l’épave trois quasi-cadavres ayant survécu à cinquante-deux jours d’attente. De retour en France, le capitaine Chaumareys est traduit devant le conseil de guerre pour être dégradé et condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement. Pas cher payé pour tant de souffrance.

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Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Avant de lui confier le commandement de La Méduse, les autorités prennent bien soin de répéter plusieurs fois au capitaine Hugues Duroy de Chaumareys, 50 ans, de passer très au large de la côte avant Dakar. On le lui serine à nouveau à bord. Mais non, ce vieil imbécile d’émigré qui n’a pas navigué depuis 25 ans, et qui ne doit son commandement qu’à sa particule n’en fait qu’à sa tête. Sans écouter ses officiers, il fonce droit sur la côte, empalant sa frégate sur le banc d’Arguin. Enchanté par une telle connerie, Cyril Hanouna invite les passagers à faire la danse de la sardine...

C’est ainsi que le 2 juillet 1816, à 15 h 15 très exactement, La Méduse s’échoue. Le géographe et ingénieur Alexandre Corréard, présent à bord, raconte : "Cet accident répandit sur la frégate la plus sombre consternation. S’il s’est rencontré quelques hommes assez fermes au milieu de tout ce désordre, ils ont dû être frappés des altérations profondes empreintes sur toutes les physionomies : quelques personnes étaient méconnaissables. Ici l’on voyait des traits retirés et hideux ; là un visage qui avait pris une teinte jaune et même verdâtre... Il semblait que la terrible Gorgone dont nous portions le nom eût passé devant eux." La même ambiance qu’à l’UMP le jour où Lavrilleux mange le morceau à propos de Bygmalion.

"La Machine"

La Méduse est partie deux semaines plus tôt de l’île d’Aix pour prendre possession des comptoirs du Sénégal que les Britanniques viennent de rétrocéder à la France. Deux autres navires l’accompagnent. Outre l’équipage, elle embarque des scientifiques, des fonctionnaires, des colons et de nombreux soldats, d’anciens bagnards libérés à condition de s’enrôler.

Après de vaines tentatives pour renflouer le navire, son abandon est décidé, le 5 juillet au petit matin. L’eau envahit déjà les cales. Les six canots de sauvetage étant trop petits pour recueillir les quatre cents marins et passagers, un radeau est bricolé à la hâte avec les mâts de hune et des vergues, sous la direction de Freddy de Koh-Lanta... L’embarquement à bord des canots et du radeau se fait dans un désordre indescriptible. Avec la même précipitation que les adhérents de l’UMP s’enfuyant de leur partie naufragé... Ivre, le commandant Duroy de Chaumareys est dépassé. Dans l’affolement, on oublie de prendre les tonneaux de biscuits spécialement préparés, mais pas les tonneaux de pinard offerts par Depardieu...

Cent vingt-deux soldats et officiers prennent place sur le radeau, avec vingt-neuf marins et passagers, et une femme cantinière. "La Machine", le surnom du radeau, s’enfonce sous l’eau sous le poids de ses passagers. Guy Carlier est jeté à l’eau sans que cela y change grand-chose... Les naufragés sont obligés de rester debout, serrés les uns contre les autres. Hormis l’ingénieur Corréard, qui ne veut pas abandonner ses ouvriers, et deux ou trois officiers, tous les gradés embarquent dans les canots.

Tempête

Ainsi, le futur gouverneur du Sénégal, sa femme et sa fille accaparent la plus grande embarcation avec une poignée d’officiers qui repoussent, sabre à la main, les malheureux voulant monter à bord. Finalement, dix-sept hommes sont abandonnés sur l’épave de La Méduse. Trois chaloupes s’arriment à "La Machine" pour la haler vers la terre ferme, peu éloignée. Mais le radeau dérive, entraînant les canots au large. Ce qui conduit les officiers à larguer le radeau, au grand désespoir des naufragés qui vocifèrent et menacent leurs camarades. Mais rien n’y fait. Voilà le radeau seul au milieu de l’océan. À bord, pas une ancre, pas un compas, pas une carte. Un gréement est improvisé avec un semblant de voile. Comme la mer, ça creuse, les hommes dévorent les rares biscuits emportés. Bientôt, il ne reste plus que du vin à bord.

À la tombée du jour, la mer entame une rumba endiablée. Le ciel se mêle à la danse en lâchant les grandes eaux. Les naufragés passent une nuit d’enfer. Ils s’agrippent désespérément au frêle esquif pour ne pas être emportés par les vagues. Au matin, le spectacle est effrayant. Une douzaine d’hommes dont les jambes ont glissé entre les poutres du radeau se sont retrouvés coincés et sont morts noyés. D’autres ont carrément été emportés par la mer. Ce sont encore les plus heureux, car ils n’auront pas à vivre la géhenne à venir. Pour abréger leurs souffrances, un boulanger et deux mousses se jettent à l’eau après des adieux déchirants.

Par bonheur, la journée est belle et redonne espoir à ceux qui ne croyaient plus à la venue des secours. Mais le soir tombe sans qu’une seule voile apparaisse à l’horizon. L’océan pique à nouveau une colère nocturne. Des montagnes d’eau frappent violemment les passagers qui se rassemblent au centre du radeau. Ceux qui n’y parviennent pas sont happés et disparaissent à jamais. "C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme. Tatatin...", griffonne Renaud sur un bout de papier.

Les cadavres "coupés par tranches"

Voyant leur dernière heure venue, des soldats et des marins décident de se saouler une dernière fois la gueule. Ils y vont à fond la gamelle pour une fois que c’est gratuit. Certains sont tellement ivres qu’ils hâtent leur fin en détruisant le radeau. Un hercule asiatique saisit une hache pour trancher les cordages liant les poutres. Les autres naufragés, pas encore décidés à serrer la pince à saint Pierre s’opposent à la folie des soldats. C’est une bagarre générale. On s’entretue durant toute la nuit. Les requins tournant autour du radeau happent les morts au fur et à mesure qu’ils tombent à l’eau. La cantinière et son époux sont jetés à l’eau par les révoltés. Les autres les repêchent. Après une trêve, la bataille reprend de plus belle.

Au petit matin, soixante-quatre naufragés ont disparu dans la tourmente nocturne. Au moins, les survivants disposent-ils de davantage de place. Il reste trois barriques de vin, mais des enragés en balancent deux à l’eau. En revanche, il n’y a plus rien à manger sinon... Sinon de la bonne viande bien rouge appartenant aux cadavres. Laissons la parole à Corréard : "Les infortunés que la mort avait épargnés dans la nuit désastreuse que nous venons de décrire se précipitèrent sur les cadavres dont le radeau était couvert, les coupèrent par tranches, et quelques-uns même les dévorèrent dans l’instant."

Une fois rassasiés, les naufragés taillent encore des morceaux pour les faire sécher au soleil. Quelques-uns néanmoins refusent de toucher à ce mets délectable, préférant mastiquer les baudriers des sabres, le linge, et jusqu’aux chapeaux. Un marin tente même d’ingurgiter ses excréments, mais doit y renoncer par dégoût. Encore un qui n’a pas participé à Un dîner presque parfait...

"Expédient horrible"

Troisième nuit. Pour la première fois, la mer reste calme. Mais, à bord du radeau, certains esprits se mettent à dérailler. Un homme saute à l’eau après avoir crié : "Ne craignez rien, je pars pour vous chercher du secours, et dans peu vous me reverrez." Un autre empoigne un sabre avant de sauter sur un compagnon d’infortune pour lui demander une aile de poulet et du pain. La quatrième aube se lève avec une dizaine de victimes supplémentaires. Neuf corps finissent à l’eau, le dixième sert de petit déjeuner. Durant la nuit, des poissons volants se sont abattus sur les naufragés. Les candidats de Top Chef improvisent un barbecue avec un peu de poudre à canon... Des gourmands profitent du feu pour se faire griller un steak. Il ne manque qu’un verre de mousseux et des Apéricube pour que la fête soit complète...

Pourtant, dès que la nuit tombe, c’est à nouveau l’horreur. Les soldats tentent encore de massacrer leurs compagnons. Le cinquième jour se lève avec seulement trente survivants. Un sur quatre ! Les sixième et septième jours s’écoulent sous le soleil, sans qu’aucun secours se dessine à l’horizon. Deux soldats sont surpris en train de boire en douce dans le dernier tonneau de vin. Ils sont balancés à la flotte ! Ils peuvent désormais boire tout leur soûl.

Le dernier tonneau de vin est presque vide. Les naufragés qui présentent la meilleure condition physique se demandent s’il est vraiment nécessaire de continuer à partager le reste du vin avec les plus faibles qui semblent promis à une mort prochaine. Bien sûr que non. Une douzaine de mourants sont aussi sec balancés par-dessus bord. "Trois matelots et un soldat se chargèrent de cette cruelle exécution ; nous détournâmes les yeux et nous versâmes des larmes de sang sur le sort de ces infortunés." "Parmi eux, note Corréard, il y avait la misérable cantinière et son mari. Cet expédient horrible sauva les quinze qui restaient." Toujours aucun secours en vue.

Sauvés par hasard

Le dixième jour, des requins, attirés par l’odeur, cernent le radeau. Les survivants ne peuvent même plus compter sur la chair humaine qui commence à ne plus être consommable. Certains se mettent à boire leur urine qu’ils font refroidir dans de petits gobelets. On se croirait à l’arrivée d’une étape du Tour de France, sauf qu’il s’agit d’une urine biologique, vierge de toute amphétamine. Les naufragés se volent leurs verres, ce qui leur permet de constater que toutes les urines n’ont pas le même goût. Depardieu opine...

Le douzième jour, un navire apparaît à l’horizon, avant de disparaître sans voir les naufragés. Le lendemain, sauvés ! Un brick court droit sur le radeau. C’est l’Argus, l’un des navires accompagnant La Méduse. C’est le hasard qui organise cette rencontre, car à Dakar on croyait depuis longtemps les passagers du radeau engloutis par l’océan. L’Argus retournait récupérer sur La Méduse 90 000 francs oubliés. Les quinze survivants du radeau sont hissés à bord. Ils sont loin d’être tirés d’affaire. Cinq d’entre eux meurent d’épuisement quelques jours après leur arrivée à Saint-Louis.

Conseil de guerre

Cela fait longtemps que les autres naufragés ayant pris place à bord des canots sont arrivés. L’embarcation du capitaine a rallié le port après seulement quatre jours de navigation. Quant aux autres canots, ils se sont échoués sur la côte, obligeant leurs passagers à effectuer une marche épuisante de quinze jours qui a coûté la vie à plusieurs d’entre eux.

Il reste enfin les dix-sept malheureux abandonnés sur la frégate. Deux sont morts à bord, et douze se sont noyés en tentant de gagner la terre sur un radeau. L’Argus ne trouve donc plus qu’à bord de l’épave trois quasi-cadavres ayant survécu à cinquante-deux jours d’attente. De retour en France, le capitaine Chaumareys est traduit devant le conseil de guerre pour être dégradé et condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement. Pas cher payé pour tant de souffrance.


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