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18 juin 1858. Darwin se fait griller en recevant un manuscrit exposant la théorie de l’évolution.

jeudi 18 juin 2015

L’auteur de l’ouvrage est un jeune naturaliste en poste à Bornéo, nommé Alfred Wallace qui avait tout compris de l’évolution.

Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Plus lent que Charles Darwin, tu meurs... Voilà vingt ans qu’il est revenu de sa virée aux Galapagos où il a observé ses petits pinsons multicolores qui lui ont permis d’élaborer la théorie de la sélection naturelle. Et que j’en discute avec mes amis et que je te trouve d’autres preuves. Bref, il traîne tellement qu’un jeune naturaliste lui coupe l’herbe sous le pied. Le 18 juin 1858, Charles Darwin reçoit par la poste un gros paquet venant de Bornéo expédié par Alfred Russel Wallace, 35 ans, naturaliste, géographe, explorateur, anthropologue et biologiste britannique. À l’intérieur, un manuscrit exposant "sa" théorie de la sélection ! Enfer et damnation.

Wallace n’est pas un inconnu pour Darwin. Depuis plusieurs mois, les deux hommes correspondent au sujet de l’évolution et de la sélection naturelle. C’est un malin. Il est arrivé à la même conclusion que le vieux naturaliste quant à l’engendrement des espèces. Seulement Wallace n’utilise pas l’expression "sélection naturelle" et en attribue l’existence aux pressions environnementales, tandis que Darwin en fait porter la responsabilité à une compétition entre les individus d’une même espèce. La différence est infime.

Wallace a mis toutes ses idées dans l’ouvrage qu’il envoie à son maître pour adoubement. Mais, en même temps, il lui coupe l’herbe sous les pieds. Pour achever l’énorme ouvrage qu’il a entamé, Charles Darwin a besoin encore de plusieurs années. Que doit-il faire du manuscrit de Wallace ? Le jeter dans un puits ? L’envoyer à Cahuzac pour méditer sur la sélection des tricheurs ? Non, Darwin ne pratique pas le darwinisme à la maison. Même si le jeune naturaliste ne lui demande pas expressément de le publier, il s’en sent le devoir moral. Alain Minc lui passe un coup de fil pour le mettre en garde contre le plagiat...

Idée révolutionnaire

Comme Darwin est occupé à soigner son plus jeune fils atteint de scarlatine, il charge son ami le géologue britannique Charles Lyell de faire le nécessaire pour publier les travaux de Wallace. "Je n’aurais pas pu faire meilleur résumé !" lui écrit-il. Finalement, Lyell prend la décision de présenter les travaux de Wallace à la Linnean Society of London sous le titre Sur la tendance des espèces à former des variétés et sur la perpétuation des variétés et des espèces par les moyens naturels de la sélection. Lyell fait également publier le manuscrit, mais accompagné d’écrits inédits et anciens de Darwin pour marquer son antériorité. Rusé.

Pour autant, les partisans de Darwin lui font comprendre qu’il faut passer au braquet supérieur, accélérer son travail de rédaction. Darwin abandonne donc sa grande oeuvre pour en rédiger une sorte de Reader’s Digest. La rédaction de ce "résumé" lui prend quand même treize mois d’un travail acharné, d’autant que la santé du grand naturaliste est chancelante. Le 22 novembre 1859, l’ouvrage fondateur est enfin publié : Sur l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la préservation des races les meilleures dans la lutte pour la vie. Pour le grand public, la théorie de la sélection naturelle reste associée à Darwin. Mais Alfred Wallace ne s’en formalise pas. Il sait qu’il ne possède pas la carrure suffisante pour porter sur ses seules épaules cette idée révolutionnaire bousculant les fondements de la religion. Darwin et lui resteront amis à jamais.


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