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Législatives en Turquie : le parti d’Erdogan en tête

dimanche 7 juin 2015

Selon de premiers résultats, l’AKP pourrait toutefois perdre la majorité absolue qu’il détenait depuis treize ans au Parlement turc

Le parti islamo-conservateur du président Recep Tayyip Erdogan est arrivé en tête aux élections législatives de dimanche mais pourrait perdre la majorité absolue qu’il détenait depuis treize ans au Parlement turc, selon des résultats partiels publiés par les médias. En revanche, le parti kurde HDP (Parti démocratique du peuple) a franchi la barre des 10 % des suffrages pour faire son entrée au Parlement, selon les mêmes résultats portant sur près de 70 % des suffrages dépouillés, dévoilés par les télévisions turques.

Les bureaux de vote ont fermé à 17 heures locales (14 heures GMT) en Turquie, où 54 millions d’électeurs étaient appelés à renouveler leurs 550 députés, un scrutin crucial pour les ambitions du chef de l’État islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan. Dans les bureaux, qui avaient ouvert à 5 heures GMT, le dépouillement des suffrages devait commencer dans la foulée. Aucun incident notable n’a été signalé pendant la journée, après une campagne tendue et ternie par une attaque à la bombe qui a coûté la vie vendredi à deux personnes et blessé une centaine d’autres lors d’un rassemblement du parti pro-kurde à Diyarbakir (sud-est).

Le parti au pouvoir AKP devrait remporter ce scrutin, mais est en perte de vitesse, victime du déclin de l’économie et des critiques sur la dérive autoritaire de M. Erdogan. Les sondages créditent le parti de 40 à 42 % des voix, en net recul par rapport à 2011 (49,9 %). L’ampleur de ce recul sera déterminante pour le chef de l’État, qui a décidé de jouer son va-tout à l’occasion de ce scrutin où il n’est pas candidat.

Premier ministre à poigne pendant onze ans, M. Erdogan a été élu haut la main chef de l’État en août dernier et a rendu sur le papier les clés de l’exécutif et du parti à son successeur, l’ancien ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu. Mais, bien décidé à garder les rênes du pays, il plaide depuis pour la présidentialisation du régime et le renforcement de ses pouvoirs, contre ses opposants qui redoutent l’avènement d’une "dictature constitutionnelle".

Pour réussir son opération, M. Erdogan a besoin d’un raz-de-marée électoral. Si l’AKP rafle les deux tiers (367) des 550 sièges de député, il pourra voter seul la réforme constitutionnelle qui renforce ses prérogatives. S’il n’en obtient que 330, il pourra la soumettre à référendum. Sinon, il devra renoncer à ses ambitions. "La participation est élevée, c’est un bon signe pour la démocratie", s’est réjoui le chef de l’État en votant à Istanbul. "La Turquie montre des signes de stabilité et de confiance."

"Je n’ai plus confiance"

Malgré l’usure du pouvoir, M. Erdogan garde une forte popularité dans le pays. "J’ai voté à nouveau (pour l’AKP) parce que je veux que la Turquie soit dirigée par un président fort", a confié à l’AFP Mehmet Köse, 50 ans, un vendeur de fruits d’Istanbul. Mais les dernières enquêtes d’opinion suggèrent que le président pourrait perdre son pari. "J’ai voté pour l’AKP aux précédentes élections parce qu’ils ont fait du bon travail, mais je n’ai plus confiance en eux", a dit Murat Sefagil, 42 ans, un autre électeur stambouliote.

Plus que les deux grands partis d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et le Parti de l’action nationaliste (MHP, droite), le parti kurde constitue le principal obstacle sur la route de M. Erdogan. S’il franchit la barre des 10 % des voix, requise pour entrer au Parlement, le Parti démocratique du peuple (HDP) obtiendra plus de 50 sièges de député et privera ainsi l’AKP de la majorité qualifiée qu’il espère. En cas de poussée du CHP et du MHP, le parti au pouvoir pourrait même perdre sa majorité absolue.

Le chef de file du parti kurde, Selahattin Demirtas, un "quadra" charismatique et ambitieux, a mené une campagne moderne, très marquée à gauche et résolument dirigée contre M. Erdogan et son gouvernement, afin d’élargir son audience au-delà de la seule communauté kurde (20 % de la population turque). "J’ai voté pour le HDP parce que c’est un parti dynamique capable d’apporter un réel changement", a confié Hazal Öztürk, 19 ans, qui votait pour la première fois à Istanbul.

Au terme de longues semaines d’une campagne tendue, marquée par les invectives et les violences, les chefs du gouvernement et de l’opposition ont prêché l’apaisement. "Nous avons vécu une campagne parfaitement inégale", a déploré le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, en déposant son bulletin dans l’urne à Ankara. "J’espère que ces élections permettront d’élargir la démocratie et notre liberté." "Nous voulons que ce jour soit une fête pour la démocratie", a renchéri dans son fief de Konya (centre) le chef du gouvernement Ahmet Davutoglu, qui en a profité pour annoncer l’arrestation d’un suspect après l’attentat de Diyarbakir.

Plus de 400 000 policiers et gendarmes ont été déployés pour assurer la sécurité du scrutin, selon les médias turcs, qui n’ont signalé que de rares incidents isolés.


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