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Les faux médicaments, un trafic juteux et dangereux

vendredi 5 juin 2015

Plus lucratif que le trafic de drogue et tout aussi dangereux pour la santé, le trafic de faux médicaments est un phénomène en pleine expansion, s’alarment des spécialistes à l’occasion de la journée mondiale anti-contrefaçon vendredi.

Plaquettes, sachets, fioles... En 2014, les douanes françaises ont intercepté plus de 2,5 millions de contrefaçons contre 35.000 en 2010 et 95.300 en 2012. Les médicaments sont désormais en tête des produits les plus copiés, représentant près de 29,5% du total des contrefaçons saisies.

L’année 2014 a été marquée par une saisie record : les douaniers du Havre ont mis la main sur 2,4 millions de faux produits, surtout de l’aspirine, des anti-diarrhéiques et des produits contre les troubles de l’érection en provenance de Chine.

Ces produits, avec les amaigrissants et anabolisants, figurent parmi les plus contrefaits, explique Bernard Leroy, directeur de l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM). Car si les Français achètent à la pharmacie les médicaments remboursés par la sécurité sociale, ils se tournent vers internet pour les produits dits "de confort".

"Ils sont un peu mal à l’aise pour en parler à leur médecin et veulent les acheter pour pas cher", décrypte le spécialiste, "or 50% des médicaments sur internet sont des contrefaçons". Aux acheteurs en ligne, il donne un conseil : "qu’ils vérifient sur le site du ministère de la Santé que la pharmacie est bien habilitée".

Outre internet, ces fausses pilules venues de Chine, d’Inde ou de Hong-Kong se retrouvent "dans un certain nombre de sex-shops et de discothèques", prévient Sébastien Cetti, chargé de l’Observatoire des médicaments de la douane.

Pour lui, le but "c’est de les stopper avant leur arrivée sur le marché français". Car ces produits présentent des risques sérieux pour la santé : ils peuvent être surdosés ou sous-dosés en principes actifs ou être des placebos sans effet.

- Des trafiquants très réactifs -

Si l’IRACM estime qu’en France, 1% des médicaments sont contrefaits, ce trafic est un véritable fléau en Afrique. Selon l’American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, un faux médicament contre le paludisme aurait tué 122.350 enfants africains en 2013.

"Très inventifs", les trafiquants sont aussi d’"une très grande réactivité", note le directeur de l’IRACM, décrivant l’arrivée de prétendus nouveaux traitements lors de la grippe H1N1 ou d’Ebola.

"Certains intègrent des noms de laboratoires à leur noms de médicaments" pour mieux tromper, d’autres investissent les forums "pour amener les consommateurs sur leur site" ou "manipulent des moteurs de recherche", décrit-il encore.

Les organisations mafieuses s’y intéressent ayant bien compris que "le trafic de médicaments est plus rémunérateur que le trafic de stupéfiants", comme le souligne le spécialiste de la question à la douane.

En Italie, l’opération Pharmatraffic a permis d’arrêter cinquante personnes impliquées dans un trafic international de produits pharmaceutiques volés. Dérobés dans des hôpitaux ou lors de leur transport, les médicaments étaient reconditionnés et revendus en Italie et à l’étranger.

L’opération la plus importante d’Interpol s’est déroulée en mai 2014, dans 111 pays, conduisant à la saisie de près de dix millions de médicaments contrefaits, la fermeture de 12.000 sites internet et des centaines d’arrestations.

Pour les organisations mafieuses, "le crime pharmaceutique est actuellement un paradis en raison de l’absence de législation et des difficultés de coordination", décrivait en novembre Aline Plancon, sous-directrice du service contrefaçon de produits de santé et crime pharmaceutique à Interpol.

La Convention Médicrime, signée par 23 pays pour mutualiser la lutte contre les médicaments contrefaits, n’a été ratifiée que par cinq d’entre eux (Ukraine, Espagne, Hongrie, Moldavie et Guinée), selon l’IRACM.

"Les Etats sont toujours en retard d’un coup car la lutte contre les contrefaçons n’est pas une priorité", déplore son directeur. Alertant sur ces "menaces graves", il redoute que de nouveaux outils, comme l’impression 3D, soient détournés pour fabriquer de faux dispositifs médicaux comme des valves cardiaques.


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