MosaikHub Magazine

27 mai 1610. Ravaillac, l’assassin d’Henri IV, meurt dans d’effroyables souffrances

mercredi 27 mai 2015

Des milliers de Parisiens - hommes, femmes et enfants - se repaissent du spectacle, avant de se disputer les restes sanglants.

Pauvre Ravaillac, si mal récompensé pour la dextérité avec laquelle il a tué Henri IV dans son carrosse ! Ne l’a-t-il pas expédié dans l’autre monde avec la douceur d’un boucher halal ? Son deuxième coup de couteau a sectionné "l’artère veineuse" du roi, qui s’est vidé de son sang en quelques minutes, sans souffrir. Et pour le récompenser de cette mort quasi sans douleur, on lui organise le 27 mai 1610 une mise à mort longue et atroce, à donner un haut-le-coeur à Jean-Marc Morandini lui-même.

Le 27 mai au matin, le Parlement de Paris, présidé par Achille de Harlay, délivre une ordonnance d’exécution pour "l’inhumain régicide par lui commis en la personne du roi Henri quatrième". Le programme des réjouissances commence immédiatement par la question ordinaire et extraordinaire, destinée à faire avouer à Ravaillac le nom de ses éventuels complices et la vraie raison de son geste. Le voilà immédiatement descendu dans une pièce de la Conciergerie où on le fait asseoir sur un fauteuil massif. Puis on lui enfile de gros brodequins d’un type très spécial. Ils sont constitués de quatre planchettes fermement attachées autour des jambes par des cordes ! Le "questionneur" saisit un premier coin en bois qu’il enfonce à grands coups de maillet entre les deux planches centrales. Douleur fulgurante. Un greffier se penche vers le condamné pour recueillir ses aveux, mais Ravaillac ne desserre pas les dents. Un deuxième coin. Douleur déchirante. Le supplicié reste silencieux. On lui fait boire un peu de vin. Troisième coin. Douleur... insupportable. Ravaillac serre tellement les mâchoires qu’il ne parvient même plus à avaler le vin qu’on lui présente. La séance de torture se poursuit sans obtenir le moindre aveu du régicide. Il faut bientôt y mettre fin, pour qu’il reste en état de participer dignement à la suite des événements.

Pas un aveu, pas un cri

Il est autour de midi quand Ravaillac est conduit, chancelant, à la Sainte-Chapelle en attendant que l’exécuteur des hautes oeuvres, Jean Guillaume, vienne le chercher. Il est ligoté à un pilier. L’homme au poil roux ne dit rien. Il souffre sans un mot. Il accepte le pain et le morceau de viande que lui tend un gardien. Sur les 15 heures, on l’arrache à ses pensées sombres. Il est l’heure d’aller en enfer ou au paradis... Ravaillac est déshabillé puis revêtu de la chemise blanche des pénitents, car il lui faut d’abord se rendre sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame pour demander pardon au roi, à Dieu et à la justice. Il avance pieds nus. Les valets de Guillaume l’aident à monter dans un tombereau à ordures et lui collent dans la main un cierge. À l’extérieur de la Conciergerie, une énorme bronca accueille le régicide. Des milliers de Parisiens hurlent à pleine gorge leur haine contre celui qui a assassiné leur bon roi. Des centaines de bras tentent de l’attraper, de le frapper, de l’écharper. Hommes, femmes et enfants rivalisent d’invectives. Il est couvert de crachats. S’il n’avait pas été protégé par des hommes d’armes, il serait mort dans la seconde. Hollande est heureux : enfin un Français moins aimé que lui. Pour Ravaillac qui pensait être fêté en héros, la désillusion est cruelle. Pour autant, il ne répond pas à la foule. Il ne manifeste aucune émotion. S’ouvrant lentement un chemin dans le peuple déchaîné, le convoi finit par atteindre la cathédrale, où Ravaillac s’agenouille pour demander pardon à Dieu.

La charrette repart pour la place de Grève. Il lui faut une heure pour parcourir les quelques centaines de mètres. Les supporteurs du Paris Saint-Germain en profitent pour tout casser sur leur passage... Le régicide parvient enfin sur le lieu de son supplice, où il est immédiatement étendu et ligoté sur le ventre, sur une claie. Obéissant aux consignes de l’ordonnance d’exécution, les aides du bourreau commencent par brûler la main régicide, celle qui a tenu le poignard. Un valet du bourreau verse dessus du soufre fondu. La peau grésille, carbonise, devient cendres. Après la peau, les muscles, les tendons, les os partent à leur tour en fumée. Une odeur de méchoui se répand sur la place. Le supplicié se tord de douleur, mais refuse de se plaindre. Les bourreaux font durer le plaisir pour la plus grande joie des milliers de spectateurs. Le greffier est toujours là, incitant Ravaillac à parler. Mais pas un aveu, pas un cri ne franchit ses lèvres.

Clou du spectacle

Une fois le bras raccourci jusqu’au coude, les aides empoignent des tenailles portées au rouge dans un foyer. Ils taquinent le héros de la journée en lui entaillant la chair des flancs, des bras et des cuisses. Ces braves gens prennent soin de cautériser les plaies avec de l’huile bouillante, du plomb fondu, de la résine brûlante, sans lésiner sur la quantité. Ils prennent leur temps. Cette fois, Ravaillac ne peut retenir des gémissements. Il invoque la Vierge. Les spectateurs apprécient le spectacle. Surtout les gosses... Tandis que le greffier insiste sans relâche pour lui faire avouer des complicités. "Qui était au courant ? Sarko ? Fillon ?" Chaque fois, il s’attire la même réponse : "Il n’y a que moi ! Nul ne m’a aidé."

Les bourreaux poursuivent leur dur labeur en faisant attention à ne pas le tuer trop vite. On passe enfin au clou du spectacle, l’écartèlement. Les aides du bourreau préparent quatre bourrins qui n’en peuvent plus d’attendre depuis plusieurs heures. On attache chacun d’eux à un membre du supplicié. Sur un signe de Jean Guillaume, un coup de fouet claque. À moitié abrutis par la longue attente, les chevaux manifestent une certaine mauvaise volonté à tirer. Ils sont incapables de déchirer les articulations du condamné. La foule hurle pour encourager les rossinantes. En vain. Des gentilshommes sautent sur leur dos pour les éperonner. Toujours en vain. Le corps musculeux de Ravaillac résiste à la traction. Des Parisiens s’emparent de cordes pour tirer. L’affreux supplice dure bien une demi-heure sans qu’aucun membre accepte de prendre son indépendance. À force, Ravaillac expire, toujours entier. L’exécuteur des hautes oeuvres se résout enfin à empoigner une hache pour l’abattre sur les articulations. Cette fois, les chevaux n’ont aucun mal à arracher les membres. Les valets du bourreau se précipitent pour récupérer les morceaux de chair, mais déjà la foule s’en empare en guise de trophées. On se dispute les doigts, les orteils, les morceaux de viande, le sexe, les intestins découpés au couteau. Chacun repart avec son morceau de Ravaillac pour le jeter dans le feu ou le rapporter triomphalement à la maison. Certains, dit-on, dans leur folie haineuse, auraient mordu dans la chair cuite pour l’avaler... Ainsi périt dans mille douleurs celui qui avait cru obéir à une mission divine.


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie