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L’ancien président égyptien Morsi jugé pour "outrage à magistrat"

samedi 23 mai 2015

Des figures de la révolte de 2011, islamistes comme laïques, comparaîtront également au procès. Des centaines de pro-Morsi ont déjà été condamnés à mort.

L’ex-président égyptien Mohamed Morsi était jugé samedi au Caire aux côtés de dirigeants de l’opposition islamiste, mais aussi laïque et de gauche, dans un nouveau procès pour "outrage à magistrat" qui illustre la répression lancée par les autorités contre toute dissidence. M. Morsi, destitué en juillet 2013 par l’ex-chef de l’armée et actuel président Abdel Fattah al-Sissi, a été condamné à mort il y a une semaine pour son rôle dans des évasions massives de prison et des attaques visant la police durant la révolte de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir. Dans le procès qui s’est ouvert samedi, 26 personnes sont jugées, dont des dirigeants de la confrérie des Frères musulmans de M. Morsi et des figures des mouvements laïques et de gauche, fer de lance de la révolte de 2011.

Depuis l’éviction de M. Morsi, le pouvoir de M. Sissi est accusé d’instrumentaliser la justice dans sa répression de l’opposition islamiste mais aussi laïque et de gauche. Mais c’est la première fois que des personnalités politiques de tout bord se retrouvent ensemble sur le banc des accusés. En cela, l’affaire a une forte portée symbolique. M. Morsi, placé seul dans un box des accusés, a une fois encore récusé la légitimité de ses juges, puisqu’il se considère toujours comme le président de l’Égypte, lançant : "Je refuse ce jugement, la Cour n’a pas autorité pour me juger." "Depuis novembre 2013, ma famille et mes avocats n’ont pas pu me rendre visite en prison", a-t-il dénoncé.

Sept de ses coaccusés, dont le dirigeant des Frères musulmans Mohamed al-Beltagui, l’ex-président du Parlement Saad al-Katatni et le militant de gauche Alaa Abdel Fattah, se trouvaient dans une cage adjacente. Les accusés sont jugés pour avoir tenu des propos offensants à l’encontre de l’institution judiciaire ou de ses membres, que ce soit dans des discours au Parlement, sur les réseaux sociaux ou dans des interviews.

"Revanche politique"

M. Morsi doit répondre d’accusations lancées lors d’une allocution peu avant sa destitution, dans laquelle il reprochait nommément à un juge d’avoir "couvert des fraudes électorales" lors des législatives de 2005. M. Abdel Fattah, qui purge une peine de cinq ans de prison pour des violences lors d’une manifestation illégale, est jugé pour avoir critiqué sur Twitter les procédures légales lors de perquisitions en 2011 dans les locaux d’ONG égyptiennes et étrangères. Ce procès illustre la "revanche politique" lancée par le régime actuel, a récemment déclaré à l’AFP son avocat Gamal Eid, en affirmant sur le ton de l’ironie qu’il ne serait "pas étonné s’ils écopaient de la peine de mort".

Des centaines de pro-Morsi ont été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs, qualifiés par l’ONU de "sans précédent dans l’histoire récente" du monde. Des dizaines de figures de la révolte de 2011 sont par ailleurs derrière les barreaux pour avoir violé une loi controversée limitant le droit de manifester. "La répression de l’opposition ne fait que s’intensifier, et la justice est à la pointe de cette répression", a estimé Shadi Hamid, chercheur au Brookings Institute.

L’ex-député Moustafa al-Naggar fait également partie des accusés pour avoir dénoncé le premier verdict prononcé en juin 2012 contre M. Moubarak, jugé pour sa responsabilité dans le meurtre de centaines de manifestants durant le soulèvement de 2011. L’ancien raïs avait alors écopé de la prison à vie, un verdict qui avait déclenché un tollé parmi ses détracteurs qui réclamaient la peine de mort. M. Moubarak a depuis été blanchi dans cette affaire. "Ce que j’ai dit au Parlement n’était pas une insulte au judiciaire, mais un appel pour une réforme de l’institution et son indépendance", se défend M. Naggar. "Trois ans plus tard, mes propos sont toujours d’actualité. Moubarak a été acquitté et la justice n’est pas indépendante", assène-t-il.


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