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L’Occident n’a pas d’autre option, Assad doit faire partie de la solution

vendredi 22 mai 2015

Les ministres des Affaires étrangères de la France et du Royaume-Uni ont publié un article conjoint il y a quelques jours dans le journal français Le Monde. Selon eux, le président syrien Bachar al-Assad ne peut plus être le représentant légitime de son pays après avoir causé la mort d’autant de ses citoyens. L’alternative à son régime serait par conséquent un gouvernement d’union nationale dont Assad serait exclu, même si certains membres de son régime pourraient en faire partie.

Peu de temps après la publication de l’article, le quotidien britannique The Guardian a rapporté que le Mouvement Hazzam, considéré comme le plus proche allié des États-Unis parmi les différents groupes rebelles syriens, venait de s’effondrer. Il aurait emporté avec lui dans sa chute le programme américain visant à former plus de mille rebelles syriens, en collaboration avec les Etats du Golfe, pour lutter contre la double guerre menée contre l’État islamique et le régime d’Assad.

L’article de Laurent Fabius et de Philip Hammond est logique et moral. Le dictateur syrien est cruel et cynique et n’est pas apte à diriger son pays. L’espoir que le jeune médecin et son épouse britannique aux manières élégantes pourrait mener la Syrie jusqu’au 21ème siècle est mort depuis longtemps. Il s’est avéré que le fils a surpassé le père dans sa volonté de sacrifier de nombreux Syriens pour consolider son règne. Mais la conclusion de l’article des ministres des Affaires étrangères n’est rien de plus qu’une illusion. Il n’y a actuellement rien qui laisse présager la formation d’un gouvernement d’union nationale, et encore moins un régime dont Assad ne ferait pas partie.

Les idées présentées dans leur article ne viennent pas de nulle part. De plus en plus de voix se font entendre en ce sens à Washington et à Bruxelles, émanant d’une nouvelle réflexion sur la question syrienne. J’ai déjà entendu des appels très déterminés dans ces capitales : la carrière d’Assad est terminée, nous soutenons l’opposition, il faut faciliter la réunification, fournir des armes et former des troupes afin qu’elle puisse prendre le contrôle de la Syrie. Aujourd’hui, vous n’entendez presque plus rien de tout cela. Les rebelles les plus puissants sont, directement ou indirectement, liés à Al-Qaïda et à d’autres éléments radicaux du monde musulman, et l’État islamique (EI) est devenu un phénomène beaucoup plus inquiétant que la perspective du maintien du régime d’Assad.

Les ministres des Affaires étrangères sont probablement en train d’essayer de noyer ces voix qui se font entendre dans les conversations privées et qui ne font pas partie du débat public, mais l’éclatement du Mouvement Hazzam a rendu leur alternative pathétique. L’Occident ne peut pas (avec l’aide d’une partie importante du monde arabe) rassembler les rebelles syriens. Même si c’était possible, les groupes les plus extrémistes deviendraient les acteurs dominants de cette consolidation. L’espoir de réunir les rebelles au pouvoir en Syrie est semblable à l’espoir américain d’imposer la même chose en Irak. Il n’y a aucune raison de poursuivre cette expérience qui a déjà échoué. S’il existe un joueur pragmatique à qui on peut parler en Syrie, tout comme on lui a parlé à propos de l’élimination des armes chimiques, c’est l’actuel président, même s’il est à l’origine d’une grande partie de la douleur passée. Toute personne qui veut aider la Syrie doit lui parler pour essayer de parvenir à un accord.

Cette conclusion est problématique et triste. Cependant, la seule alternative à cela n’est pas la création d’un nouveau régime moderne qui mettra fin au bain de sang, mais plutôt la continuation du massacre en cours. Pour parvenir à un changement politique, il faut trouver une personne qui connaisse la Syrie et Bachar al-Assad, qui puisse conduire des pourparlers délicats et analyser la situation de manière objective avec le président syrien tout en lui proposant une coopération limitée. C’est seulement après cela qu’une réelle possibilité de changement politique en Syrie est envisageable.

Il est plus facile, sur le plan politique, de signer des articles conjoints comme celui publié par les deux ministres des Affaires étrangères. Mais en pratique, cela revient à fermer les yeux sur la réalité. Si l’Occident s’est accordé il y a quelques années pour désigner Assad comme le principal problème, quatre ans plus tard, les circonstances ont changé et le président syrien devrait faire partie d’un accord. Il pourrait s’engager dans la lutte contre les groupes radicaux comme l’Etat islamique. Le monde n’a pas d’autre option.

Le Dr. Yossi Beilin est le président de Beilink Consulting Business. Il a été trois fois ministre. Il fut député de la Knesset pour les partis Avoda et Meretz. Il a été l’un des pionniers des accords d’Oslo, de l’Initiative de Genève et de Birthright (Taglit).


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