MosaikHub Magazine

9 mai 1873. Un krach boursier plonge l’Europe, puis les États-Unis, dans le chômage... Déjà.

lundi 11 mai 2015

Les dépressions mondiales se suivent et se ressemblent. En 1873, le krach démarre à Vienne, passe à Berlin, à Paris, puis saute en Amérique.

Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

La crise ! La crise ! On n’entend parler que d’elle depuis quelques années. Horreur, ô désespoir, les Bourses chutent, l’économie s’effondre, l’emploi disparaît... C’est la fin du monde ! Mais non ! C’est simplement le capitalisme qui connaît un petit passage à vide... comme il en traverse régulièrement depuis ses premiers jours. Une bonne petite purge pour pouvoir repartir de plus belle. Le krach de 1929 reste dans toutes les mémoires, mais qui se souvient qu’il a été précédé par les crises boursières de 1865, 1873 et 1836 ? Chaque fois, des coups de poing dans la gueule.

Le 9 mai 1873, affolement à la Bourse de Vienne. Une semaine après l’ouverture de l’Exposition universelle destinée à magnifier le règne de l’empire austro-hongrois, c’est le krach. La bulle spéculative immobilière de l’Autriche éclate. En quelques heures, des centaines de banques font faillite, entraînant la ruine de centaines de milliers de petits épargnants. Les établissements financiers sont incapables de récupérer l’argent prêté sans discernement aux sociétés immobilières et aux particuliers pour construire à Vienne. Un seul exemple, édifiant : la banque Placht et Fels se révèle incapable de réunir 9 000 florins d’avoirs alors qu’elle affiche un passif de 2,76 millions de florins. C’est inimaginable. Seul François Hollande affiche un optimiste béat en affirmant que le retournement économique est déjà là...

Une fois de plus, les banquiers paient leur totale irresponsabilité. Quand la France avait été condamnée à payer d’énormes indemnités de guerre après sa défaite de 1870, tous les Autrichiens crurent au pactole. Vienne et de nombreuses autres villes lancent des programmes immobiliers énormes. Chacun veut sa maison, son appartement. Alors les Autrichiens se mettent à emprunter aux établissements financiers, qui ne demandent que cela. C’est l’euphorie. Les banques émettent des prêts hypothécaires comme vache qui pisse, déclenchant un vent de spéculation. Mais un jour, un autre vent, celui de la défiance, se met à souffler en bourrasques. Scénario classique : le château de cartes financier s’effondre, précipitant une déroute boursière et bancaire.

La crise s’étend rapidement à l’Allemagne, dont les banques sont atteintes de la même fièvre immobilière. Ainsi, entre 1871 et 1873, la Bourse de Berlin enregistre pas moins de 95 nouvelles banques, dont la Deutsche Bank. Avant l’effondrement, les établissements immobiliers cotés en Bourse versaient des dividendes exceptionnels compris entre 10 et 15 %. Le krach balaie ces sociétés comme fétus de paille. Les uns après les autres, les groupes financiers sautent tels des bouchons de champagne lors d’un mariage princier. La faillite la plus spectaculaire est celle du financier Stephan Keglevich, le plus jeune parlementaire du Parlement hongrois en 1861. Dans la foulée, des milliers de petits investisseurs qui se croyaient riches et malins se retrouvent sur la paille, Gros-Jean comme devant. En Autriche, pour sauver les meubles, les banques disposent d’un fonds de 20 millions de florins, mais il est plus vite asséché qu’un puits d’oasis après le débarquement d’une caravane de chameaux. Selon les journaux de l’époque, un millier de petits épargnants se suicident. Pas de krach pour les entreprises de pompes funèbres.

Wall Street fermé dix jours

Après avoir pulvérisé les banques outre-Rhin, le krach décide de visiter Paris, qui abrite également sa bulle immobilière. Effectivement, dans la foulée des travaux du baron Georges Eugène Haussmann, les banques françaises avaient elles aussi joué la construction à fond. Aussitôt le vent de la terreur souffle sur la Bourse parisienne. Émile Zola décrit parfaitement les méfaits de la crise immobilière dans son roman La Curée. Après avoir croqué Paris, le krach se sent d’attaque pour prendre à la gorge l’Amérique. À l’automne, la Bourse new-yorkaise, qui est euphorique depuis la fin de la guerre de Sécession et surtout grâce au boom du rail, commence à vaciller. Davantage encore que leurs confrères européens, les banquiers américains avaient pris de gros risques en prêtant à tire-larigot. Quand la crise européenne débarque, elle est la goutte d’eau qui fait déborder le vase déjà bien rempli de compagnies ferroviaires en difficulté et de scandales politico-financiers. La confiance dans le monde bancaire américain s’effondre aussi rapidement que Hiroshima sous la bombe A.

Les faillites se déclenchent en cascade. La crise devient panique le 20 septembre 1873, quand Wall Street doit fermer dix jours après la faillite de la plus grande banque américaine de l’époque, la Jay Cooke. Un témoin de cette époque confie que "l’organisation économique s’écroula avec des accents de cataclysme primitif". Le taux de chômage à New York s’élève alors à 25 %. Dans les grandes villes, les sans-emploi manifestent pour réclamer l’ouverture de chantiers publics. La police répond aussitôt à coups de gourdin. De nombreuses grèves paralysent le pays, se concluant par des échanges de coups de feu avec les milices privées engagées par les patrons.

En Europe centrale, la dépression fait également rage, plongeant de nombreuses populations dans la misère. Lesquelles passent leur propre rage sur les Juifs lors de pogroms. Les boucs émissaires habituels. Mais, rassurons-nous, le capitalisme est cyclothymique. Les crises financières finissent par s’essouffler. Phénix des temps modernes, les établissements financiers se remplument pour mieux aborder la crise suivante. Nous y sommes...

C’est également arrivé un 9 mai

1998 - L’Eurovision est gagnée par Dana International, transsexuelle israélienne.

1978 - Aldo Moro, chef de la Démocratie chrétienne italienne, est assassiné à Rome par les Brigades rouges.

1964 - Hello Dolly de Louis Armstrong devient numéro un aux États-Unis.

1960 - La pilule anticonceptionnelle est légalisée sur le territoire américain.

1952 - Sortie du film Jeux interdits de René Clément avec Brigitte Fossey âgée de 5 ans.

1950 - Déclaration de Robert Schuman qui mènera à la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, à l’origine de l’Union européenne.

1949 - Rainier III devient prince de Monaco.

1945 - Dunkerque est la dernière ville en France libérée de l’occupation allemande.

1933 - À Berlin, les nazis brûlent 35 000 livres d’auteurs interdits en Allemagne.

1877 - La Roumanie proclame son indépendance.

1502 - Christophe Colomb quitte Cadix pour son quatrième et dernier voyage.


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie