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7 mai 1795. Fouquier-Tinville est, à son tour, guillotiné après avoir envoyé 2 600 victimes à la Veuve.

lundi 11 mai 2015

Durant son procès, l’accusateur public veut faire croire qu’il n’a été que le bras armé du Tribunal révolutionnaire.

Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

La veille, lors de son procès expéditif, Fouquier-Tinville a réaffirmé n’avoir fait que son devoir en envoyant à la guillotine plus de 2 600 victimes, avec l’aplomb d’un Hollande prétendant observer le début d’un retournement économique. L’ex-accusateur public ne se sent nullement coupable. Sa condamnation l’a rendu furieux. Ce 7 mai 1795, à l’aube, il rédige un dernier billet destiné à son épouse, la mère de ses jumeaux de deux ans. "Je t’avoue que ta lettre est la seule consolation que j’éprouve. Je redoublerai d’efforts pour supporter le poids accablant sous lequel je gémis. Mais dépourvu de toute nouvelle, ne voyant aucun journal, il n’y a rien d’étonnant qu’on s’abandonne à la douleur, surtout quand on se voit attaquer par la calomnie la plus noire sans avoir la faculté d’y répondre. Je sais que je suis innocent et qu’aucune mauvaise action ne peut m’être reprochée avec la moindre apparence, mais l’homme abandonné à lui-même tel que je le suis perd beaucoup par intervalle de son énergie et de son courage".

Effroi

Vers 10 heures, les charrettes envoyées par le bourreau se rangent dans la cour de Mai de la Conciergerie, escortées par des gendarmes. Fouquier-Tinville n’est pas le seul à devoir partir pour l’au-delà, quinze autres membres de l’ex-tribunal révolutionnaire - magistrats et jurés - ont également écopé d’une sanction à mort par le tribunal. L’exécuteur des hautes oeuvres de Paris, Henri Sanson, signe la livraison des prisonniers dans le greffe avant de leur offrir une dernière toilette. Il a demandé à Jacques Dessange de leur dégager la nuque... Assis sur des bancs en bois, les condamnés attendent leur tour, entendant avec effroi des milliers de Parisiens rassemblés devant la prison hurler leur haine. C’est surtout après Fouquier-Tinville qu’ils en ont. Lequel se tait, le visage plus farouche que jamais. Comme les autres, il se laisse lier les mains derrière le dos avant de monter dans une charrette. Son seul réconfort, c’est de pas être tombé entre les mains de militants pro-russes...

Le convoi a bien du mal à fendre la foule au paroxysme de sa fureur. Mais Fouquier-Tinville ne sourcille pas, défiant les visages grimaçants du regard. En revanche, quelques-uns de ses compagnons, moins impavides, répondent aux injures par d’autres injures. Le convoi parvient enfin place de Grève où le sinistre échafaud a été dressé la veille. L’accusateur public est le dernier à se présenter devant la guillotine. Un spectateur lui jette : "Monstre ! À ton tour tu n’as pas la parole !" Et lui de répliquer, plus méprisant que jamais : "Et toi, imbécile, va chercher tes trois onces de pain à la section ! Moi, du moins, je meurs le ventre plein."

Témoignages impitoyables

Les aides de l’exécuteur le saisissent pour le coucher sur le banc de la guillotine. Le sanglant triangle d’acier chute lourdement. La tête de Fouquier-Tinville roule dans le panier où le bourreau l’attrape par les cheveux pour la montrer à la foule, effectuant le tour de l’échafaud. Durant quelques secondes, un profond silence accueille le spectacle comme si chacun avait encore du mal à comprendre que le monstre n’est plus. Puis des applaudissements crépitent, mille gorges hurlent leur soulagement. Les chapeaux volent. Perdu dans la multitude, Mélenchon grommelle : "Hollande, voilà ce qui t’attend..."

Durant les 45 jours de son procès, Antoine Quentin Fouquier de Tinville, 48 ans, se bat comme un beau diable, persuadé n’avoir été que l’instrument de la Révolution. Il est même tellement convaincu de son bon droit que c’est lui qui se rend à la Conciergerie le 2 août 1794 quand il apprend que le conventionnel Louis Fréron a fait voter un décret d’arrestation contre lui. "Écrouez-moi !" ordonne-t-il à l’homme du greffe. Après plusieurs mois d’instruction, son procès s’ouvre le 28 mars 1795. Sur le banc des accusés, ils sont vingt-neuf membres du Tribunal révolutionnaire. On a pris le soin de désigner quinze provinciaux comme jurés, et non pas des Parisiens, pour renforcer l’impartialité du jugement. C’est un procès fleuve qui fait défiler 419 témoins dont 223 à charge.

Fouquier-Tinville rédige plusieurs lettres pour justifier son action. "Ce n’est pas moi qui devrais être traduit ici, mais les chefs dont j’ai exécuté les ordres. Je n’ai agi qu’en vertu des lois portées par une Convention investie de tous les pouvoirs. Par l’absence de ses membres, je me trouve le chef d’une conspiration que je n’ai jamais connue. Me voilà en butte à la calomnie, à un peuple toujours avide de trouver des coupables." Il a beau se défendre, les témoignages sur sa férocité, sur son arbitraire, se multiplient. "Je n’ai été que la hache de la Convention ; punit-on une hache ?" Une drôle de hache à la vérité qui multiplie les arbitraires et se moque férocement de ses victimes. Les témoignages contre lui sont impitoyables. Ils confirment que dans la même journée, une personne pouvait être notifiée de son acte d’accusation, jugée, condamnée et exécutée. De très nombreux suspects ont même été envoyés à la guillotine sans aucun acte d’accusation. Les substitutions de personnes sont monnaie courante.

"On reconnaîtra mon innocence"

À un citoyen arrêté par erreur et lui réclamant sa liberté, Fouquier-Tinville répond en l’envoyant à l’échafaud avec une charrette d’assassins. Un autre jour, il demande qu’on lui amène en jugement une personne portant tel nom. Les huissiers lui répondent qu’elles sont plusieurs à porter ce patronyme. Peu importe à l’accusateur qui les fait toutes traduire devant lui avant de les condamner à mort sans le moindre acte d’accusation. Un autre jour, observant deux citoyens s’apitoyer sur le sort de condamnés emmenés par le bourreau, il ordonne leur arrestation, les juge, les condamne et les fait exécuter. Pour avoir chaque jour son lot de condamnés, il soudoie des dénonciateurs et des témoins bidons.

Les témoignages accablants s’accumulent et conduisent naturellement à sa condamnation, le 6 mai 1795, avec quinze de ses ex-collaborateurs "convaincus de manoeuvres et complots tendant à favoriser les projets liberticides des ennemis du peuple et de la République, à provoquer la dissolution de la représentation nationale, et le renversement du régime républicain, et à exciter l’armement des citoyens les uns contre les autres, notamment en faisant périr sous la forme déguisée d’un jugement une foule innombrable de Français, de tout âge et de tout sexe ; en imaginant, à cet effet, des projets de conspiration dans les diverses maisons d’arrêt de Paris ; en dressant, dans ces différentes maisons des listes de proscriptions, etc., et d’avoir agi avec de mauvaises intentions".

En quittant le tribunal, Fouquier-Tinville s’écrie : "Je lègue au peuple ma femme et mes enfants !" De retour dans sa cellule, il persiste par écrit : "Je n’ai rien à me reprocher : je me suis toujours conformé aux lois, je n’ai jamais été la créature de Robespierre ni de Saint-Just ; au contraire, j’ai été sur le point d’être arrêté quatre fois. Je meurs pour ma patrie et sans reproche. Je suis satisfait : plus tard, on reconnaîtra mon innocence." On attend toujours...

C’est également arrivé un 7 mai

1971 - Premier vol supersonique d’un président français : Pompidou en Concorde.

1965 - Le thème musical de Satisfaction vient à Keith Richards durant son sommeil.

1960 - Leonid Brejnev devient pour la première fois président du Praesidium du Soviet suprême.

1954 - Après 57 jours de siège, Diên Biên Phu tombe.

1932 - Le président français Paul Doumer est assassiné.

1915 - Le paquebot Lusitania est coulé par un U-20 allemand au large de l’Angleterre.

1794 - Robespierre fait adopter par la Convention l’existence de l’être suprême.

1788 - Mozart fait jouer pour la première fois son opéra Don Giovanni à Vienne.

1724 - Le tsar Pierre de Russie couronne sa femme Catherine impératrice de Russie.

1429 - Jeanne d’Arc parvient à faire lever le siège d’Orléans.


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