MosaikHub Magazine

L’administration Obama à nouveau accusée d’étouffer la liberté d’expression

jeudi 10 juillet 2014


David Cuillier est désabusé. Il vient de dénoncer un « fléau » pour sa profession, mais il ne connaît pas la solution. Le président de la Société des journalistes professionnels (SPJ), l’une des plus anciennes organisations de défense de la liberté de la presse aux Etats-Unis, est le premier signataire d’une lettre ouverte datée du mardi 8 juillet et adressée au président Barack Obama, dans laquelle il dénonce le « manque de transparence » de l’administration présidentielle.

« Nous sommes fatigués et en colère que l’administration [du président Obama, NDLR] muselle sa communication, c’est digne d’un film de science-fiction », a expliqué au Monde M. Cuillier.

La SPJ, ainsi que trente-sept organisations de presse s’estimant victime d’un « étouffement de la liberté d’expression », parmi lesquelles l’institut d’étude du journalisme Poynter et Reporters sans frontières, ont demandé au président américain de mettre fin au « contrôle politique de l’actualité et des informations communiquées » par les agences fédérales.

Ce contrôle aurait surtout été renforcé sous les mandats du président Obama, lui qui avait pourtant promis « une nouvelle ère d’ouverture » et de transparence de la part du gouvernement fédéral.

« IL N’A RIEN FAIT POUR ENRAYER CETTE TENDANCE »

« Obama n’a pas créé cette opacité, lui qui avait promis d’être le président le plus transparent. J’ai envie de le croire, mais le constat est le suivant : il n’a rien fait pour enrayer cette tendance », analyse M. Cuillier.

Les signataires dénoncent, entre autres barrières, l’impossibilité de parler à des experts sans être accompagnés de communicants officiels, et l’obligation de fournir préalablement à l’administration les questions d’une interview dont l’autorisation officielle « traîne pendant des jours ». Par ailleurs, 40 % des officiels bloqueraient certains journalistes sous prétexte qu’ils « n’apprécient pas » ce qu’ils écrivent, selon une étude menée en 2013.

Parmi les organismes officiels les plus opaques, les auteurs de la lettre ouverte citent l’Agence de protection environnementale (EPA), les agences du Medicaid et du Medicare ou encore le département de la sécurité intérieure.

« C’est comme un brouillard qu’on n’a pas vu venir et dont on ne peut se débarrasser aujourd’hui », analyse, très pessimiste, David Cuillier. « Les journalistes sont aussi coupables, en se contentant des informations relayées dans les conférences de presse et les communiqués. L’effort doit venir de tous les côtés ». En cause, notamment, la fermeture de bureaux à Washington, qui aurait créé chez les médias une forme d’autocensure, les empêchant d’enquêter davantage sur le gouvernement.

PROPAGANDE PHOTOGRAPHIQUE

Cette lettre n’est pas la première critique adressée à l’administration Obama pour son manque de transparence. En 2012, le département de la justice avait espionné des journalistes de l’agence Associated Press enquêtant sur une mission de la CIA. Le scandale, révélé en 2013, est l’un des principaux facteurs de la chute de 14 places des Etats-Unis dans l’indice de la liberté de la presse de Reporters sans frontières 2014 (46e position ; la France est 40e).

En novembre 2013, plus de trente-cinq organismes de presse, dont l’AFP, le New York Times et l’Association des journalistes de la Maison Blanche, avaient déjà adressé au secrétaire de la Maison Blanche, Jay Carney, une lettre dans laquelle ils dénonçaient le manque d’accès des photographes aux événements publics du président Obama.

Quelques semaines plus tard, le directeur de la photographie d’Associated Press critiquait lui aussi le « contrôle orwellien de l’image d’Obama », qualifiant les photos officielles de la Maison Blanche - prises par le photographe Pete Souza, qui a un accès privilégié - de « propagande ».

Les signataires de la lettre publiée mardi 8 juillet ont invité le président Obama à créer un poste de médiateur pour « renforcer la transparence » du gouvernement. Ce médiateur aurait davantage un rôle d’intermédiaire, s’occupant non pas des demandes quotidiennes, mais de problèmes de long terme.

« L’administration se cache aujourd’hui derrière le rideau des relations publiques pour distiller son information à son bon vouloir et utiliser les journalistes comme des porte-parole, explique M. Cuillier. Les journalistes n’osent plus tirer le rideau. Il est temps que cela cesse. »

Elian Peltier
Journaliste au Monde


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie