MosaikHub Magazine

Le fonds national pour l’éducation dans le collimateur de la Cour des comptes

jeudi 2 avril 2015

Dans son rapport sur la situation financière du pays et l’efficacité des finances publiques, la Cour supérieure des comptes critique l’utilisation illégale du Fonds national de l’éducation. Aucun cadre légal ne régit ce fonds créé après l’arrivée au pouvoir du président Martelly en 2011. Ce qui n’a pas empêché le président et ses différents gouvernements de l’utiliser.

« En dépit de la légitimité sociale de cette action, il demeure que les prélèvements de ce fonds sont effectués en marge de la loi, en violation de la Constitution de 1987 et du décret de 2005 sur la préparation et l’exécution des lois de finances », lit-on dans le rapport qui analyse en profondeur l’utilisation des deniers publics par les décideurs.

Dans son article 1er, le décret de 2005 précise : Toutes les ressources de l’État sont de droit des ressources budgétaires, même dans le cas où elles n’auraient pas été prévues dans le budget général. Ces ressources doivent être établies par des lois, conventions, décisions de justice ou toutes autres prescriptions validées par les autorités compétentes. Sauf dérogation légale, elles sont versées au compte du Trésor public. Une disposition qui reprend l’article 218 de la Constitution qui prescrit : « Aucun impôt au profit de l’État ne peut être établi que par une loi… »

La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif souligne donc que contrairement au Fonds d’entretien routier (FER) qui a été créé par la loi du 18 décembre 2002 et constitue une source importante de rentrées pour l’État, le Fonds national de l’éducation n’a toujours pas d’existence légale.

« Il s’agit d’une situation irrégulière parmi d’autres qui, toutes, méritent d’être corrigées pour faciliter l’émergence de l’Etat de droit dispensateur de justice et de paix, valeurs susceptibles de rendre le pays attractif au capital étranger », déclarent les experts de la Cour des comptes.

Selon le rapport de la CSC/CA, le Fonds national de l’éducation a pour mission, en principe, de mobiliser des ressources destinées à financer des projets d’éducation gratuite pour le pays. A cet égard, des prélèvements sont effectués sur une base régulière depuis déjà plusieurs années et ce fonds est inclus dans la loi de finances 2013-2014 comme une source de recettes pour le Trésor public.

Le fonctionnement du Fonds national de l’éducation est, entre autres points, abordé par le rapport de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif. Ce rapport, qui sanctionne le fonctionnement de l’administration Martelly-Lamothe, relève certaines irrégularités qui ont nui à la bonne exécution de la loi de finances de l’exercice 2013-2014.

A côté du FNE, la Cour critique l’augmentation illégale du nombre de ministères et secrétariats d’État. La multiplication de ces organismes est faite sans tenir compte des contraintes budgétaires liées au très peu de moyens dont dispose l’Etat haïtien.

« La Cour fait remarquer que pour répondre à des besoins politiques conjoncturels, ces ministères sont formés sans trop se soucier des exigences de la loi-mère. Ce non-respect s’est traduit naturellement par des allocations de ressources faites à des instances non conformes qui sont créées et qui disparaissent au gré des conjonctures politiques, rapporte la Cour des comptes, soulignant qu’il s’agit d’une situation alarmante qui devrait interpeller les principaux responsables étatiques ».

« Des institutions qui fonctionnent en marge de la loi, des prévisions de ressources illégalement incluses dans la loi de finances constituent un ensemble de situations incompatibles avec l’Etat de droit qui, cependant, caractérise les pays évoluant sous l’égide d’une Constitution souverainement votée », poursuit le rapport sur la situation financière et l’efficacité des dépenses publiques du pays.

Pour la Cour des comptes, une « telle situation devra être corrigée pour normaliser et finaliser le cadre juridico-institutionnel appelé à conduire l’action administrative et financière de l’État ». Aux autorités actuelles, le conseil de la CSC/CA a tenu à rappeler que « se doter d’une loi organique, légaliser les instances qui mobilisent les ressources publiques, constituent un prérequis essentiel pour être considéré comme un organe et/ou une entité faisant partie de l’appareil administratif de l’État et habilité(e) à gérer les ressources publiques ».

Par ce rapport, « la Cour tient à rappeler à l’attention des gestionnaires de ressources publiques que la loi de finances est la véritable boussole qui guide les agents économiques sur l’orientation économique et financière du pays. Dans un État de droit, cet instrument légal ne peut en aucune façon transpirer l’illégalité. Et de ce fait, le retour à la légalité s’impose aux autorités publiques dans le cadre de leur action tel que le soutiennent les normes en vigueur, notamment les dispositions de la Charte fondamentale ».

AUTEUR

Louis-Joseph Olivier

ljolivier@lenouvelliste.com


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie