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26 mars 1978. Jeune paparazzi, Nicolas Hulot rate le scoop du siècle pour aller rataconniculer.

jeudi 26 mars 2015

Guettant la libération du baron Empain depuis 46 jours, il part rejoindre sa fiancée quelques heures avant celle-ci.

Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Voilà quarante-six jours que Nicolas Hulot planque dans sa vieille Lancia en face du domicile du baron Empain, avenue Foch. Il a 24 ans, il est paparazzi et recherche le scoop. S’étant fait voler par un confrère les visites crapuleuses du président à une actrice, il veut être le premier à shooter l’industriel belge après sa libération par ses ravisseurs. Il mange dans sa voiture, il dort dans sa voiture, il regarde la télévision dans sa voiture. Il y a une chose, une seule et unique chose qu’il ne puisse pas faire dans sa bagnole : c’est l’amour à sa copine. Et il est en manque, le bougre. Aussi, le 26 mars 1978, il craque ! Vers 22 heures, il abandonne sa planque pour faire le plein de chair. Le malheureux ne s’est pas éloigné depuis un quart d’heure que l’épouse du baron Empain sort de l’immeuble. Elle va chercher son époux qui vient de l’appeler d’une cabine publique place de l’Opéra pour lui dire que ses ravisseurs viennent de le libérer. Avoir raté le scoop du siècle pour tirer un coup !

80 millions de francs de rançon

À l’époque, le kidnapping du baron Empain fait la une de tous les journaux. Ce richissime homme d’affaires belge âgé de 41 ans, résidant à Paris, est à la tête d’un empire de 150 000 employés (le groupe Empain-Schneider). Le 23 janvier 1978, il est kidnappé. Le premier réflexe est de penser qu’il s’agit d’un enlèvement politique par un groupe d’extrême gauche, mais il s’avère vite qu’il s’agit d’un kidnapping crapuleux. La famille reçoit rapidement une demande de rançon s’élevant à 80 millions de francs, accompagnée du petit doigt du baron pour prouver l’authenticité de la revendication.

Au total, les tractations avec la famille durent deux mois. Plusieurs remises de rançon tournent court, jusqu’au vendredi 24 mars. Ce jour-là, les ravisseurs fixent un rendez-vous au représentant de la famille chargé de leur remettre la rançon sur l’autoroute du Sud, à la hauteur d’une borne d’appel. En fait, c’est un flic qui a pris le volant. Il s’arrête à l’endroit désigné et s’éloigne. Deux hommes surgissent des buissons, s’emparent du véhicule et de la mallette, roulent quelques centaines de mètres, puis freinent à la hauteur d’une porte dans le mur antibruit longeant l’autoroute. Sautant hors de la voiture, ils s’y engouffrent et la piègent derrière eux avec une grenade. Pendant ce temps, un complice perché sur le mur arrose les flics qui surgissent en voiture avec une mitraillette. Une fusillade s’engage, un voyou tombe mort, un deuxième s’enfuit, et le troisième, blessé, est arrêté. Il s’appelle Alain Caillol, inconnu des services de police.

"Je savais que tu allais rentrer ce soir"

Le dimanche 26 mars, Caillol est interrogé par le commissaire Ottavioli qui lui fait comprendre qu’il peut encore s’en tirer sans trop de bobos si Empain est libéré vivant. Le voyou réfléchit, puis demande au commissaire l’autorisation de passer un coup de fil. "À qui ?" demande Ottavioli. L’autre répond : "Dans la situation où je me trouve et où se trouvent mes complices, je suis convaincu qu’ils ne toucheront pas un franc de la rançon et que cela va se terminer par un carnage. Je pense, si vous en êtes d’accord, que je vais leur téléphoner et leur dire de libérer le baron Empain, puis de prendre la fuite." Les flics approuvent. "Mais il y a une chose que je ne veux pas, reprend Caillol, c’est livrer mes complices. Il faut que vous me donniez un téléphone qui n’est pas sur écoute." Le commissaire tend le sien en lui promettant que c’est le cas. Le prisonnier passe l’appel : "C’est foutu, la rançon a été saisie, il faut éviter le carnage et relâcher le baron." Il appelle une deuxième fois pour répéter le message. Il assure à Ottavioli : "C’est bon à 99 %."

Vers 22 heures, le baron Empain est effectivement relâché dans un terrain vague d’Ivry-sur-Seine. Les ravisseurs lui jettent un billet de dix francs avant de s’enfuir en voiture. L’homme titube. Voilà deux mois qu’il est gardé prisonnier sous une tente où il ne peut même pas se tenir debout. Il a perdu une vingtaine de kilos. À une dizaine de kilomètres de là, Nicolas Hulot commence à se dire qu’une fois de plus l’attente sera vaine cette nuit. L’industriel belge finit par repérer une bouche de métro dans laquelle il s’engouffre. Il descend à la station Opéra. Remontant à l’air libre, il est complètement déboussolé. Il s’enferme dans une cabine téléphonique pour appeler chez lui. À cet instant, Hulot démarre sa Lancia. L’industriel attend maintenant dans la cabine que son épouse vienne le chercher. Au bout de quelques minutes, la voilà qui arrive accompagnée de policiers. Épuisé, souffrant de sa blessure à la main, l’industriel éclate en sanglots. La baronne reste étonnamment froide, l’accueillant avec ces paroles : "Je savais que tu allais rentrer ce soir." Il faut dire que, ces dernières semaines, la presse ne s’était pas privée de révéler la longue liste des conquêtes amoureuses du baron. Le couple pénètre dans l’immeuble avenue Foch. Nicolas Hulot n’est pas là pour shooter le retour du baron. Espérons que la copine valait le coup.


C’est également arrivé un 26 mars

1995 - Entrée en vigueur des accords de Schengen dans sept États de l’UE.

1992 - Mike Tyson est condamné à 6 ans de prison pour viol.

1980 - Création d’Arianespace, la numéro un privée du transport spatial.

1979 - Anouar el-Sadate et Menahem Begin signent un traité de paix entre l’Égypte et Israël qui avait été décidé par les accords de Camp David.plus tard.

1973 - Pour la première fois depuis sa création, la Bourse de Londres accepte les femmes dans la salle des marchés.

1944 - Naissance de Diana Ross.

1923 - Décès de la comédienne Sarah Bernhardt à 78 ans.

1920 - Publication du premier roman de Francis Scott Fitzgerald, L’envers du paradis.

1827 - Mort de Beethoven à Vienne.

1199 – Richard Coeur de Lion est blessé lors du siège de Châlus, il mourra onze jours


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