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18 février 1563. On a tiré sur le duc de Guise, il rend l’âme après 6 jours d’agonie.

mardi 17 février 2015

Le duc François de Guise, bourreau des réformés se voyait déjà roi. Lors du siège d’Orléans, Poltrot de Méré l’envoie en enfer.

Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Dans certaines familles, on pousse la coquetterie jusqu’à se faire assassiner de père en fils. C’est le cas des ducs de Guise. Le meurtre du fils sur ordre d’Henri III, dans le château de Blois, en 1588, est le plus célèbre. Celui du père, François Ier de Lorraine, deuxième duc de Guise, lors du siège d’Orléans aux mains des réformés, est moins connu. Ce prince à l’ambition féroce est le chef du parti catholique qui soutient le jeune roi Charles IX. Il est prêt à tout pour vaincre. Pour filer la pâtée aux réformés, mais aussi pour arracher la couronne de France au nabot royal, protégé par sa mamma Catherine de Médicis. Il est l’auteur du massacre des habitants de Wassy qui vaut bien celui d’Oradour-sur-Glane par les nazis. Voir l’éphéméride du 1er mars 1562.

Depuis quelques jours, la troupe royale fait le siège d’Orléans occupé par les calvinistes. Le 18 février 1563, vers 18 heures, le duc de Guise se dirige à cheval vers son quartier général des Vaslins, accompagné par seulement deux compagnons. Ils chevauchent tranquillement, devisant de la journée. Les chevaux peinent à escalader un petit coteau. L’obscurité commence à envelopper les cavaliers. Le duc, qui s’est débarrassé de sa cuirasse, porte un pourpoint doublé de buffle, un collet doublé de même, et une houppelande sans manche. Les cavaliers arrivent à une croisée de chemins marquée par de hauts noyers et un gros rocher. Un homme armé surgit de l’ombre. Quand le duc se retourne pour répondre à son salut, un coup de feu éclate. Les compagnons de Guise l’entendent s’écrier : "Je suis mort !" avant de voir le meurtrier s’enfuir ventre à terre en hurlant : "Prenez le paillard ! Prenez le paillard !" Le rusé veut sans doute faire croire qu’il poursuit lui-même l’assassin. Belle ruse. Dans l’obscurité, les témoins du crime ne parviennent pas à identifier le cavalier, ils distinguent juste un manteau sombre et un morion, un casque métallique avec une crête. Sa monture est un cheval d’Espagne bai-brun, avec un harnachement blanc.

"Ce ne sera rien"

Après avoir jeté son cri, le duc de Guise s’affaisse, sa tête tombe sur l’encolure de son cheval, il veut se redresser, empoigner son épée. Mais le bougre n’en a pas la force. Ses compagnons le font glisser à terre et l’adossent au gros rocher. "Il y a longtemps qu’on me devait celle-là, mais je crois que ce ne sera rien", souffle-t-il. On lui arrache la chemise pour tenter de panser la blessure et d’arrêter le saignement. La balle est rentrée derrière l’épaule. À un gentilhomme qui passe par là, il réclame son manteau pour se protéger du froid, et lui ordonne de galoper jusqu’à Paris pour annoncer la nouvelle à son frère, le cardinal de Guise. Pas de Samu à l’époque, aussi le duc de Guise est-il hissé sur son cheval pour regagner son quartier général, où les médecins examinent sa blessure : "Le coup de feu avait frappé M. de Guise derrière l’épaule droite, sous l’os de la palette, et est ressorti à la jointure du bras, près de la mamelle droite." Rien d’autre à faire que de le panser sommairement et de le laisser s’assoupir. Plus tard, ils sonderont la blessure pour en extraire des morceaux de balle.

Le lendemain, dès l’aube, des battues sont organisées pour retrouver l’assassin. Mais il faut attendre le surlendemain pour que des soldats le surprennent dans une chaumière des environs en train de se restaurer. Ils ont reconnu la description du cheval. L’homme a environ 25 ans, il est de taille moyenne, a le front haut, les yeux petits, le nez mal formé, le visage large, les traits gros, le teint basané, le poil noir. Amené au quartier général, on le reconnaît. C’est un certain Poltrot de Méré, gentilhomme de petite extraction qui avait débarqué quelques jours auparavant pour proposer ses services au duc.

Traitement de faveur

Au fil des jours, les forces du blessé déclinent. Catherine de Médicis, qui a accouru, ne peut rien faire pour lui. Le 24 février, le duc de Guise s’adresse à sa femme, puis à son fils aîné. "Aye, mon mignon, mon ami, l’amour et la crainte de Dieu !" Puis il remercie ses serviteurs. Il a encore la force de râler contre ses médecins : "Je me plains à vous, seigneur docteur, de beaucoup de jeunes médecins non expers, lesquel pour une simple fièvre qui n’est ny furieuse ny dangereuse chargent si fort la boutique d’ordonnances, comme si ce fut une peste inguynaire ou bosse qui fut en l’aine. Je me plains à vous, seigneur docteur." Il dicte encore son testament avant de s’éteindre entre 10 heures et 11 heures du matin, victime d’une septicémie pleurale.

Reste à savoir qui a armé le bras de Jean de Poltrot de Méré ? L’amiral Coligny et Soubise, chefs du parti des réformés qu’il rencontre à plusieurs reprises ? Méré avouera tout et son contraire jusqu’à son supplice. Il est écartelé le 18 mars 1563 en place de Grève (de l’Hôtel-de-Ville, aujourd’hui) devant une foule immense. En tant qu’assassin d’un haut personnage du pays, il a droit à un traitement de faveur. Le bourreau commence par lui arracher des morceaux de chair aux cuisses et aux bras avec une tenaille portée au rouge. L’assistance apprécie l’entrée en matière. Puis l’exécuteur et ses aides attachent chacun de ses membres à un cheval. Et fouette, cocher ! Mais les quatre cavaliers ont beau éperonner leurs montures, le bougre n’a pas l’air de vouloir se laisser démembrer. Il résiste. La foule gronde. Le bourreau sent qu’il lui faut agir sous peine de ridicule, il utilise un long coutelas pour couper quelques ligaments, telle une ménagère découpant une cuisse de poulet. Cette fois-ci, les chevaux parviennent à leurs fins en laissant entendre de sinistres craquements. Mais le spectacle n’est pas achevé. Le tronc gigote sur le sol dans un dernier rappel. Le bourreau met fin définitivement aux souffrances de Méré en lui sectionnant la tête. Il peut rejoindre le duc en enfer...

C’est également arrivé un 18 février

2002 - Sortie de Metro, le premier quotidien français gratuit.

1969 - Miles Davis enregistre à New York In A Silent Way, le premier album de jazz-rock.

1959 - Ray Charles enregistre What’d I Say chez Atlantic Records.

1954 - Fondation de la première Église de scientologie locale en Californie.

1930 - L’Américain Clyde Tombaugh découvre la planète Pluton depuis l’observatoire de Flagstaff, en Arizona.

1921 - Premier vol en hélicoptère réussi par le Français Étienne Oehmichen. Il dure une minute.

1885 - Publication des Aventures de Huckleberry Finn par Mark Twain.

1871 - Le gouverneur Pierre Denfert-Rochereau fait évacuer Belfort assiégé par les Allemands depuis 103 jours.

Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Dans certaines familles, on pousse la coquetterie jusqu’à se faire assassiner de père en fils. C’est le cas des ducs de Guise. Le meurtre du fils sur ordre d’Henri III, dans le château de Blois, en 1588, est le plus célèbre. Celui du père, François Ier de Lorraine, deuxième duc de Guise, lors du siège d’Orléans aux mains des réformés, est moins connu. Ce prince à l’ambition féroce est le chef du parti catholique qui soutient le jeune roi Charles IX. Il est prêt à tout pour vaincre. Pour filer la pâtée aux réformés, mais aussi pour arracher la couronne de France au nabot royal, protégé par sa mamma Catherine de Médicis. Il est l’auteur du massacre des habitants de Wassy qui vaut bien celui d’Oradour-sur-Glane par les nazis. Voir l’éphéméride du 1er mars 1562.

Depuis quelques jours, la troupe royale fait le siège d’Orléans occupé par les calvinistes. Le 18 février 1563, vers 18 heures, le duc de Guise se dirige à cheval vers son quartier général des Vaslins, accompagné par seulement deux compagnons. Ils chevauchent tranquillement, devisant de la journée. Les chevaux peinent à escalader un petit coteau. L’obscurité commence à envelopper les cavaliers. Le duc, qui s’est débarrassé de sa cuirasse, porte un pourpoint doublé de buffle, un collet doublé de même, et une houppelande sans manche. Les cavaliers arrivent à une croisée de chemins marquée par de hauts noyers et un gros rocher. Un homme armé surgit de l’ombre. Quand le duc se retourne pour répondre à son salut, un coup de feu éclate. Les compagnons de Guise l’entendent s’écrier : "Je suis mort !" avant de voir le meurtrier s’enfuir ventre à terre en hurlant : "Prenez le paillard ! Prenez le paillard !" Le rusé veut sans doute faire croire qu’il poursuit lui-même l’assassin. Belle ruse. Dans l’obscurité, les témoins du crime ne parviennent pas à identifier le cavalier, ils distinguent juste un manteau sombre et un morion, un casque métallique avec une crête. Sa monture est un cheval d’Espagne bai-brun, avec un harnachement blanc.

"Ce ne sera rien"

Après avoir jeté son cri, le duc de Guise s’affaisse, sa tête tombe sur l’encolure de son cheval, il veut se redresser, empoigner son épée. Mais le bougre n’en a pas la force. Ses compagnons le font glisser à terre et l’adossent au gros rocher. "Il y a longtemps qu’on me devait celle-là, mais je crois que ce ne sera rien", souffle-t-il. On lui arrache la chemise pour tenter de panser la blessure et d’arrêter le saignement. La balle est rentrée derrière l’épaule. À un gentilhomme qui passe par là, il réclame son manteau pour se protéger du froid, et lui ordonne de galoper jusqu’à Paris pour annoncer la nouvelle à son frère, le cardinal de Guise. Pas de Samu à l’époque, aussi le duc de Guise est-il hissé sur son cheval pour regagner son quartier général, où les médecins examinent sa blessure : "Le coup de feu avait frappé M. de Guise derrière l’épaule droite, sous l’os de la palette, et est ressorti à la jointure du bras, près de la mamelle droite." Rien d’autre à faire que de le panser sommairement et de le laisser s’assoupir. Plus tard, ils sonderont la blessure pour en extraire des morceaux de balle.

Le lendemain, dès l’aube, des battues sont organisées pour retrouver l’assassin. Mais il faut attendre le surlendemain pour que des soldats le surprennent dans une chaumière des environs en train de se restaurer. Ils ont reconnu la description du cheval. L’homme a environ 25 ans, il est de taille moyenne, a le front haut, les yeux petits, le nez mal formé, le visage large, les traits gros, le teint basané, le poil noir. Amené au quartier général, on le reconnaît. C’est un certain Poltrot de Méré, gentilhomme de petite extraction qui avait débarqué quelques jours auparavant pour proposer ses services au duc.

Traitement de faveur

Au fil des jours, les forces du blessé déclinent. Catherine de Médicis, qui a accouru, ne peut rien faire pour lui. Le 24 février, le duc de Guise s’adresse à sa femme, puis à son fils aîné. "Aye, mon mignon, mon ami, l’amour et la crainte de Dieu !" Puis il remercie ses serviteurs. Il a encore la force de râler contre ses médecins : "Je me plains à vous, seigneur docteur, de beaucoup de jeunes médecins non expers, lesquel pour une simple fièvre qui n’est ny furieuse ny dangereuse chargent si fort la boutique d’ordonnances, comme si ce fut une peste inguynaire ou bosse qui fut en l’aine. Je me plains à vous, seigneur docteur." Il dicte encore son testament avant de s’éteindre entre 10 heures et 11 heures du matin, victime d’une septicémie pleurale.

Reste à savoir qui a armé le bras de Jean de Poltrot de Méré ? L’amiral Coligny et Soubise, chefs du parti des réformés qu’il rencontre à plusieurs reprises ? Méré avouera tout et son contraire jusqu’à son supplice. Il est écartelé le 18 mars 1563 en place de Grève (de l’Hôtel-de-Ville, aujourd’hui) devant une foule immense. En tant qu’assassin d’un haut personnage du pays, il a droit à un traitement de faveur. Le bourreau commence par lui arracher des morceaux de chair aux cuisses et aux bras avec une tenaille portée au rouge. L’assistance apprécie l’entrée en matière. Puis l’exécuteur et ses aides attachent chacun de ses membres à un cheval. Et fouette, cocher ! Mais les quatre cavaliers ont beau éperonner leurs montures, le bougre n’a pas l’air de vouloir se laisser démembrer. Il résiste. La foule gronde. Le bourreau sent qu’il lui faut agir sous peine de ridicule, il utilise un long coutelas pour couper quelques ligaments, telle une ménagère découpant une cuisse de poulet. Cette fois-ci, les chevaux parviennent à leurs fins en laissant entendre de sinistres craquements. Mais le spectacle n’est pas achevé. Le tronc gigote sur le sol dans un dernier rappel. Le bourreau met fin définitivement aux souffrances de Méré en lui sectionnant la tête. Il peut rejoindre le duc en enfer...

C’est également arrivé un 18 février

2002 - Sortie de Metro, le premier quotidien français gratuit.

1969 - Miles Davis enregistre à New York In A Silent Way, le premier album de jazz-rock.

1959 - Ray Charles enregistre What’d I Say chez Atlantic Records.

1954 - Fondation de la première Église de scientologie locale en Californie.

1930 - L’Américain Clyde Tombaugh découvre la planète Pluton depuis l’observatoire de Flagstaff, en Arizona.

1921 - Premier vol en hélicoptère réussi par le Français Étienne Oehmichen. Il dure une minute.

1885 - Publication des Aventures de Huckleberry Finn par Mark Twain.

1871 - Le gouverneur Pierre Denfert-Rochereau fait évacuer Belfort assiégé par les Allemands depuis 103 jours.


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