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10 février 1996. Kasparov, le champion du monde d’échecs, est battu par un ordinateur

mercredi 11 février 2015

C’est la première partie perdue en match officiel par le grand maître russe contre une machine. Un échec personnel. Il y en aura d’autres...


Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le 10 février 1996, Garry Kasparov, 33 ans, arrive avec sa morgue habituelle sur le lieu du tournoi. N’est-il pas le plus grand champion d’échecs de tous les temps ? N’est-il pas le premier grand maître à avoir franchi la barre mythique des 2 800 points sur l’échelle Elo qui sert à classer les joueurs ? Ce n’est pas un tas de ferraille et de silicium qui pourrait le vaincre dans une partie ordinaire. Ce Deep Blue d’IBM ne vaut pas mieux que les machines qu’il a déjà affrontées par le passé. En 1989, n’a-t-il pas déjà écrasé son prédécesseur Deep Thought ? À la veille de son match avec Deep Blue, Kasparov se sent dans la peau d’un Sarko avant les présidentielles de 2012... Dans la peau d’un vainqueur ! Aussi bâcle-t-il sa préparation d’avant le match. Il ne consacre que dix jours à son entraînement.

Garry va payer très cher son péché d’orgueil. Le tournoi est organisé pour le 50e anniversaire de l’ACM (Association for Computing Machinery). Il oppose Garry Kasparov, champion du monde, à Deep Blue. C’est la première fois qu’un match officiel en six parties oppose l’homme à la machine, des neurones à des puces électroniques. Le style agressif du Russe face à la froideur électronique. Le vainqueur repartira avec 400 000 dollars. Sous les applaudissements de l’assistance, qui lui est totalement acquise, Kasparov monte sur la scène pour s’asseoir devant l’échiquier. En face de lui, un homme prend place, c’est lui qui est chargé de jouer les coups affichés par Deep Blue sur un écran. Le public, nombreux, suit la partie sur un écran géant accroché au-dessus des têtes.
Deep Blue est l’oeuvre des étudiants du laboratoire de l’université Carnegie Mellon qui ne cessent de le perfectionner depuis 1985. Sous son premier nom de Deep Thought, il remporte à plusieurs reprises le championnat du monde d’échecs des ordinateurs. À titre de comparaison, le classement Elo de Deep Thought 2 était estimé en 1994 à 2 551, ce qui faisait de lui un grand maître international. Le Deep Blue qu’affronte Kasparov est un supercalculateur IBM composé de 32 processeurs dédiés aux échecs. Il est capable d’évaluer 100 millions de combinaisons et sa mémoire est bourrée de milliers de parties déjà jouées par les humains. Chaque joueur a 2 heures pour effectuer les 40 premiers coups, 2 heures encore pour les 20 suivants et enfin une heure pour enlever le match. Kasparov part favori.

Deep Blue a hérité des blancs, c’est donc à lui d’ouvrir le feu. Il s’engage dans une défense sicilienne. Les premiers coups de l’ordinateur suivent un schéma préétabli, puis il se met à les calculer. Au 17e mouvement, la position de Kasparov commence à se dégrader. Au 23e coup, il prépare une contre-attaque en roquant. Mais l’ordinateur, contrairement à la plupart des adversaires humains du champion russe, ne se laisse pas impressionner. Il répond coup pour coup. Coup 32 : Kasparov attaque de nouveau, mais une fois de plus Deep Blue estime qu’il s’agit plus d’un bluff que d’une réelle menace. C’est lui qui prend l’avantage au 35e coup, obligeant Kasparov à abandonner au 40e. La partie a duré deux heures. Immense frustration du grand maître russe, qui quitte la salle avec colère. La honte.

Fureur

Le lendemain, il revient avec la rage au ventre pour gagner la deuxième partie. Mais Deep Blue, insensible aux états d’âme de son adversaire, continue à lui donner du fil à retordre. Les troisième et quatrième parties s’achèvent sur un nul. Kasparov remporte la cinquième et la sixième, le 17 février. Score final : 4 à 2. L’honneur du grand maître est sauf, et son compte en banque est plus riche de 400 000 dollars.

Une fois de plus, l’homme a vaincu, mais son règne est sur le point de s’achever. L’année suivante, lors du match de revanche, c’est cette fois Deep Blue qui l’emporte haut la main. Il faut dire que Garry Kasparov joue comme un... pied. Il commet des erreurs monumentales. Rendu furieux par cette défaite, il ne trouve rien de mieux que d’insulter les créateurs de Deep Blue en les accusant de triche. Il va même jusqu’à prétendre qu’Anatoli Karpov, son grand rival, jouait pour la machine. Dégoûtés par cette mauvaise foi, les promoteurs de Deep Blue jetteront l’éponge. Il n’y aura jamais de belle. C’est également arrivé un 10 février

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