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De de facto en de facto

mardi 13 janvier 2015

La population de la région métropolitaine, de fait, a transformé ce 12 janvier en journée fériée, sans chômage déclaré. Pour aller à l’église, pour rendre visite sur la tombe d’un proche disparu ou pour retourner sur le lieu où le séisme avait épargné leur vie, les Port-au-princiens ont boudé le communiqué du gouvernement qui décrétait ce 5e anniversaire du tremblement de terre simple jour de réflexion.
Ce lundi 12 janvier 2015, les écoles, les administrations publiques, les entreprises ont compris la raison des absences, des retards. Tout a fonctionné au ralenti du lever du soleil jusqu’à la tombée de la nuit, avec une point d’arrêt à 4 heures 53, l’instant du séisme.

Chaque année, depuis le départ de René Préval, seuls les gouvernements Michel Martelly n’arrivent pas à comprendre que, pour des années encore, les Haïtiens, d’ici ou d’ailleurs, ont besoin de ce jour pour se rappeler de la peur et de l’effroi, pour remercier un bon samaritain, pour prier Dieu. Par pour faire comme-ci rien ne s’était passé de marquant ou qu’ils ont oublié la charge de douleur et d’émotion que ramène chaque 12 janvier.

Comme il y a cinq ans, l’État haïtien ne s’est pas montré à la hauteur pour accompagner la population dans sa quête de réponse et de réconfort. De facto, on a commémoré ce 12 janvier comme on a pu. Comme en 2010 quand chacun avait dû se débrouiller devant l’énorme catastrophe.

Ce 12 janvier aussi, de fait, le pays rentre dans une nouvelle ère. La nuit tombe sur Haïti sans Chambre des députés. Sans un Sénat fonctionnel. Sans Premier ministre régulièrement installé. Sans loi électorale. Sans Conseil électoral. Sans président du Conseil supérieur du pouvoir judicaire. Sans président de la Cour de cassation. Rien dans la Constitution que l’on dit en vigueur ne prévoit comment sortir de cet imbroglio parfait.

Pour gouverner, après la journée particulière vécue le 11 janvier (appui de l’ambassade américaine au président Martelly devant l’imminence du vide institutionnel, accord avec les partis politiques de l’opposition, incapacité du Parlement à trouver le quorum pour prolonger son mandat), le président de la République devra faire preuve d’une adresse et d’une modération qu’on ne lui connaît pas encore.
Le pays rentre dans le temps du de facto. Ce n’est pas une première dans notre histoire. Sauf que, ce 12 janvier 2015, la situation a le goût d’un double désastre. Comme il y a 5 ans, nous et nos institutions sommes genoux à terre.

AUTEUR

Frantz Duval

duval@lenouvelliste.com


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