MosaikHub Magazine

Un mariage à Grand-Bois

jeudi 1er janvier 2015

Le Nouvelliste | Publié le : 30 décembre 2014

Danscertaines localités du pays, les cérémonies nuptiales se distinguent de par leur originalité et la solidarité manifestée envers les mariés. Les habitants défilent à longueur de journée chez la famille à l’honneur pour apporter ce qu’ils ont : pain, boissons gazeuses, viande, bois de cuisson, vivres alimentaires… Ceux qui n’ont rien à offrir participent d’une autre manière. C’était le cas, samedi dernier, à Grand-Bois/Cornillon, à l’est de Port-au-Prince.

À La Toison (localité de Grand-Bois), ce vendredi après-midi ressemble à une fin de journée de fêtes champêtres. Une vingtaine de personnes descendent de deux véhicules en provenance de Port-au-Prince. Deux véhicules qui arrivent à bout de souffle après des heures sur une route à haut risque qu’on ne décrire que dans un roman. Malgré des accidents souvent mortels, les habitants s’y aventurent dans le transport en commun pour se rendre à Thomazeau ou à Port-au-Prince. « Regardez jusqu’où l’amour m’a amenée », lâche, au bout du voyage, Natacha, l’air moqueur, à son cousin qui va se marier.

On est à plus de 1 000 mètres d’altitude. Un vent frais accueille les visiteurs qui viennent participer à la cérémonie de mariage qui se fera le lendemain. La résidence de la future mariée est bondée de monde. A l’entrée, un peu à gauche, un groupe (composé notamment de personnes âgées) se distingue. Il crée l’ambiance, joue et danse du « kalabiyen ». Selon l’historien Jean Fouchard, dans son livre « La meringue : danse nationale d’Haïti », le carabinier fut inventé par Jean-Jacques Dessalines, père fondateur de l’indépendance, qui aimait vraiment danser.

Dans la cour arrière de la résidence, à dix mètres de la cuisine, des troubadours créent l’animation. Quelques jeunes dansent fièrement sous une bâche. Après une heure d’ambiance, la famille offre aux musiciens un repas. Et l’ambiance recommence sans arrêt…

Le temps passe. Les invités et les proches de la famille n’arrêtent pas de visiter les parents de la future mariée, infirmière de profession, qui travaille dans un centre hospitalier de la zone. Le seul pour toute la région. En majorité des femmes, les invités sont tous munis d’une corbeille ou d’un panier recouverts d’une serviette propre. Les femmes apportent, entre autres, du pain, des bouteilles de boissons gazeuses, des vivres alimentaires, de la viande, des victuailles…

Avant de repartir, ces dernières discutent avec des membres de la famille à l’honneur qui leur offrent un repas. « Je n’ai jamais vu une telle solidarité entre les habitants d’une communauté, commente une des personnes venues pour le mariage. C’est très fort. S’il pouvait en être toujours ainsi… Je crois que c’est ce qui nous empêche d’avancer, nous ne sommes pas assez solidaires. »

A 18 heures, il fait de plus en plus froid. On cherche son manteau. Ne pouvant pas supporter le froid, une « protestante radicale » venue aussi pour les noces enfile un pantalon et un manteau. « Je n’ai jamais porté un pantalon, voilà que ce mariage me place dos au mur », plaisante-t-elle.

Alors que les étoiles brillent dans le ciel, le « carabinier » régale l’assistance. Le groupe troubadour aussi. Pour satisfaire ceux qui souhaiteraient danser autre chose, l’un des jeunes frères de la future mariée se met dans la peau d’un Disc-jokey (DJ). Dans un bâtiment juste en face qui servait apparemment de dépôt, avec son laptop, le jeune homme tente de rehausser l’ambiance. Avant même que la sonorisation soit bonne, deux jeunes filles se lancent dans une danse. Entre Konpa et bachata. La musique s’arrête le samedi vers 4 heures du matin. Il faut aller dormir, reprendre des forces pour la cérémonie dans quelques heures heures.

Le jour J. L’église est à une trentaine de minutes en voiture. Des routes toujours impraticables. Dans le « bourg », tout le monde parle de ces « noces », terme employé par les habitants. A l’église, ils ne sont pas nombreux alors qu’il y a trois couples qui se marient en même temps. L’un des couples est venu à pied, l’autre à cheval. Le moyen de transport importe peu...

Retour à la maison pour la réception. On rentre comme on était entré à l’église. Le protocole reste le même. Un chant pour accueillir les mariés, le parrain, la marraine… Suivies d’une prière, des prises de photos, des salutations d’usage… Puis, on mange, boit comme dans n’importe quelle cérémonie nuptiale. Mais, dans cette zone difficile d’accès, la solidarité et l’hospitalité des habitants – qui vivent essentiellement de l’agriculture et de l’élevage – n’ont pas d’égal.

AUTEUR

Valéry Daudier

vdaudier@lenouvelliste.com


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie