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19 décembre 1857. Amant de sa soeur Sarah, l’Américain Ira Stout assassine son beau-frère.

vendredi 19 décembre 2014

Le problème, c’est qu’il s’y prend comme un manche et se fait immédiatement pincer.

Le 19 décembre 1857, l’Américain de Rochester (État de New York) Ira Stout aide sa soeur chérie à éliminer son mari. Que voulez-vous, ce jeune homme a le coeur sur la main. Déjà, quelques années auparavant, il avait aidé son père à écouler de faux billets. Ce qui lui avait valu un séjour de quatre ans et six mois au trou. À sa sortie de taule, en août 1857, il retourne habiter chez sa mère, qui loue une grande maison familiale à Rochester. Il y retrouve son frère aîné Eli et son épouse Jane, mais surtout son amour de soeurette, la belle Sarah. Il se glisserait bien dans son lit, mais enfer et damnation, celle-ci s’est mariée avec un certain Charles Littles durant son séjour carcéral. C’est un avocat de la pire espèce, un bon à rien qui vit de combines. Dans un premier temps, Ira attend que son beauf parte travailler en ville pour la rejoindre dans sa chambre. Sarah ne demande qu’à être consolée d’un époux coureur. N’est-ce pas le rôle d’un frère que de soutenir sa soeur ? Toute la maison a l’habitude de les voir dans le même lit, en sous-vêtements. 


Mais Sarah reste désespérée, elle confie à son frère son envie de fuir très loin, vers l’ouest. Le jeune homme ne supporte pas de la perdre. Et si c’était Charles qu’on faisait partir loin d’ici ? En enfer ? Ira est d’autant plus partant pour s’en débarrasser qu’il craint que son beau-frère ne raconte partout qu’il sort de prison. La décision est prise de le tuer. Mais comment faire pour ne pas se faire prendre ? L’autre jour, dans le journal, Ira a lu qu’un homme était tombé accidentellement de la falaise dans la rivière traversant la ville. Le frère et la soeur décident d’assommer Charles avant de le balancer dans le vide.

Ce qu’il est lourd, l’avocat !


Ils choisissent de passer à l’action le 19 décembre 1857. En fin de journée, Sarah quitte la maison, annonçant à la cantonade qu’elle file à un rendez-vous important. Dès qu’elle a claqué la porte, Ira va trouver Charles pour lui souffler qu’il soupçonne sa soeur de rejoindre un amant. Il faut la suivre ! Charles attrape un bras de fauteuil cassé qui lui servira d’arme pour punir l’amant, tandis qu’Ira empoigne une mallette dans laquelle il a planqué un gros marteau pour tuer le cocu. La nuit tombe, mais on peut encore voir Sarah au loin. Ils la suivent. Bientôt, la route surplombe la rivière. Il n’y a personne en vue. Doucement, Ira sort le marteau de la mallette pour en asséner un énorme coup sur le crâne de son beau-frère qui marche devant lui. L’autre n’a pas le temps de comprendre ce qui lui arrive, il tombe raide mort. Il faut agir vite. Le jeune homme lâche le marteau pour empoigner le cadavre afin de le faire basculer dans le vide. Merde, ce qu’il est lourd, l’avocat ! Enfin, le corps disparaît. Ira tend l’oreille pour entendre le plouf. Mais c’est un bruit sourd qu’il capte. Sa soeur l’a rejoint. Ils se regardent, alarmés. Visiblement, Charles n’est pas tombé dans l’eau. Avec la nuit qui est tombée, impossible de voir le corps.

Pour en avoir le coeur net, Ira emprunte un étroit sentier descendant vers la rivière. Aussi maladroit que Marine Le Pen au bord de sa piscine, il glisse, tombe, se brise le bras gauche et perd ses lunettes. C’est le bouquet. Il parvient néanmoins à trouver le corps de Charles, gisant sur un replat. Malgré sa grande douleur au bras, il parvient à pousser le corps dans l’eau, mais il s’évanouit aussitôt. Quand il revient à lui au bout de quelques secondes, il n’a que la force d’appeler sa soeur pour qu’elle vienne l’aider à remonter. Courageuse, elle descend, mais elle aussi perd l’équilibre. Elle roule jusqu’à son frère, le poignet gauche tordu. Les voilà bien. Si les flics les surprennent là, leur compte est bon. Dans le noir, ils réussissent à retrouver le marteau qui a servi au meurtre, mais pas les lunettes d’Ira. Impossible de rester plus longtemps. Il leur faut remonter. Un vrai calvaire pour tous deux, blessés, mais ils y parviennent et finissent par rentrer chez eux. Leur état ne passe pas inaperçu. La mère pose des questions. Les deux coupables doivent avouer leur forfait au reste de la famille, qui décide de les couvrir. 


Célébrité

Malheureusement pour eux, le corps de Charles Littles n’est pas emporté très loin par la rivière. Dès le lendemain du drame, des gosses le découvrent, bloqué par un rocher. Aussitôt avertie, la police ne met pas longtemps pour trouver les lunettes d’Ira à proximité d’un fragment de crâne de la victime. Ils découvrent également une écharpe appartenant à Sarah et le morceau de bois emporté en guise d’arme par Charles. Les enquêteurs soupçonnent rapidement la famille Stout d’être responsable du meurtre. Tous ses membres sont interrogés au commissariat. Bien entendu, ils nient tous. Sarah parvient même à conserver son sang-froid, alors que, dans la pièce voisine, le légiste découpe le crâne de son époux pendant l’autopsie. Mais le frère et la soeur ne sont pas de taille à tenir tête aux flics. Ils finissent par avouer leur crime et par être arrêtés en janvier. Le frère est accusé de meurtre, et sa soeur de complicité. 


Le procès se déroule en avril 1858. Le 24, Ira est jugé coupable et condamné à être pendu en juin. Il jouit d’une certaine célébrité qu’il apprécie. De nombreuses jeunes femmes viennent le visiter pour le féliciter d’avoir pris la défense de sa soeur. En échange, il leur demande de l’aider à se suicider, car il ne supporte pas l’idée d’être pendu. L’une de ses visiteuses lui apporte du poison, mais, par inadvertance, c’est elle qui l’absorbe et elle n’évite la mort que de justesse. Une autre lui refile en douce un scalpel lors d’une visite, avec lequel il se tranche un poignet. Un gardien aperçoit le sang couler et intervient à temps. Il ne s’agit pas de priver le bourreau de son job. Une pétition circule pour demander que sa peine soit commuée en prison à vie, inutilement.


Huit longues minutes

Après un report, la pendaison se déroule le 22 octobre 1858. À 14 heures, Ira Stout est mené au gibet devant un parterre de cent personnes. On se dirait durant un défilé chez Dior. Au premier rang, on reconnaît Bernadette, Carla... Le bourreau lui passe autour du cou une jolie corde tendance, puis lui enfile une capuche sur le visage. L’envoyé spécial de la revue Union and Advertiser écrit : "Tout étant prêt et les spectateurs retenant leur souffle en silence, à 15 h 20, le shérif Babcock tira la corde fatale, et Ira Stout se trouva suspendu à 1,50 m du sol."

Normalement, il aurait dû mourir sur le coup, la nuque brisée, mais Ira n’est pas chanceux. Le jeune homme est légèrement enrobé, si bien que la corde glisse le long de son cou, amortissant le choc. Les vertèbres d’Ira résistent. C’est donc par étouffement qu’il meurt. Le spectacle est horrible, durant huit minutes, le corps du condamné se contorsionne au bout de la corde pour lutter contre l’asphyxie. Chacun détourne la tête, horrifié. Finalement, le corps d’Ira s’immobilise. Un médecin s’avance pour lui prendre le pouls, celui-ci est toujours perceptible. Il faut attendre encore une demi-heure pour qu’Ira soit déclaré mort. L’histoire ne finit pas là. Le lendemain, un journal prétend qu’Ira a été ramené à la vie à l’aide d’une batterie galvanique, tel le monstre de Frankenstein. Bien entendu, c’est faux. Ira est enterré dès le lendemain. Quant à la soeur, on ne connaît pas sa peine. Peine de prison et peine de coeur.


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