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Lamothe accepte de démissionner, mais ne l’a pas encore fait

samedi 13 décembre 2014

Il n’a pas encore démissionné. Mais pour débloquer la situation politique et favoriser les élections, le Premier ministre Laurent Lamothe est prêt à faire ce sacrifice et le président de la République le félicite et salue sa détermination à aider le pays. Au palais national le vendredi 12 décembre 2014 devant les représentants de la communauté internationale, Michel Martelly a dit lui aussi accepter les recommandations de la Commission consultative et promettre de se mettre au travail dès lundi pour son application.

Une adresse à la nation. Une décision finale. Le chef de l’Etat se positionne enfin sur les recommandations de la Commission consultative. Au palais national vendredi, ministres, diplomates, parlementaires, membres du secteur privé des affaires sont accrochés aux lèvres de Michel Martelly. Dans la grande salle, le suspense monte d’un cran. Les journalistes qui ont attendu pendant trois heures et demi sont pressés d’entendre la position de Martelly sur le rapport de la Commission. « Rapò komisyon an di ke Premye minis la di yo ke li pare poul remèt prezidan an demisyon’l nimpot ki lè lap mande’l, kidonk Premye minis lan pare pou l fè sakrifis la. Mwen felisite l pou kouraj li e pou detèminasyon l pou ede peyi Dayiti. Premye minis mwen salue w », a déclaré le président.

Dans la langue vernaculaire, le chef de l’Etat s’est adressé à nation. Aux diplomates de se débrouiller pour comprendre. Michel Martelly s’est assuré que cent pour cent de la population comprennent son discours. « Mwen dako ak tout rekomandasyon ki fèt yo. Mwen dako ak rapò a ki kreye bonjan lespwa pou inite ka fèt nan peyi Dayiti », a-t-il dit.

Après cette déclaration, on pouvait facilement sentir l’émotion qui traversait les ministres. On dirait qu’ils ne s’y attendaient pas. « Je reconnais cette décision qu’il a pris pour aider son pays et débloquer la situation politique. Je lui félicite pour son courage et sa détermination à aider Haïti », a affirmé le chef de l’Etat. Tout en saluant le travail des commissaires, le président la République a déclaré qu’il accepte les recommandations de la Commission.

« Nous allons nous mettre au travail afin de l’appliquer rapidement, a-t-il dit. Ce qui parait un peu compliqué c’est de respecter à la lettre le calendrier parce que parmi les points demandés nombreux sont ceux qui ne dépendent pas du président. Dès lundi, je vais commencer à m’asseoir avec les tous acteurs concernés par les recommandations »

S’agissant des prisonniers politiques, le chef de l’Etat soutient encore qu’il ne reconnait pas l’existence de prisonniers politiques dans le pays. Cependant, il a déjà demandé au ministre de la Justice de veiller à ce que les droits de tous les prisonniers soient respectés et au CSPJ de demander aux juges d’aller plus rapide dans le traitement des dossiers des détenus.

Le chef de l’Etat a remercié la communauté internationale et dit souhaiter que tous les acteurs concernés par les recommandations de la Commission jouent réellement leur rôle afin d’organiser rapidement de bonnes élections dans le pays et renouveler la classe politique démocratiquement.

Avant de se positionner sur les recommandations de la Commission consultative, Michel Martelly a pris une quinzaine de minutes pour faire un inventaire de ses actions et concessions pour, dans un premier temps éviter la crise politique et dans un second temps trouver une solution. 15 longues minutes de suspense dans la salle où l’on pouvait lire sur le visage des ministres angoisses et inquiétudes.

Il y a trois ans et demi de cela, a-t-il dit, lors qu’il prêtait serment devant Parlement, il y avait un peu partout dans le pays des gens qui vivaient sous des tentes. « Ils étaient sans espoir », a dit Michel Martelly. Il a salué cette équipe gouvernementale qui, depuis son arrivée à la tête du pays, a tout laissé pour lui suivre dans sa vision de changement des conditions de vie de la population.

En outre, M. Martelly a rappelé que les élections pour les Collectivités territoriales devaient avoir lieu un an avant son élection. « Ce qui signifie que dès mon arrivée au pouvoir j’avais des élections à faire », a-t-il dit rappelant encore une fois qu’il avait tout fait pour mettre en place un Conseil électoral provisoire selon les prescrits de l’article 289 de la Constitution. Ce que, a-t-il ajouté, le Parlement à l’époque n’avait pas vu de la même façon que lui priorisant un Conseil électoral permanent.

Et, une fois publié les amendements à la Constitution qui lui donnent le cadre légal pour mettre sur pied un Conseil électoral permanent, le Parlement n’avait pas pu désigner ses trois représentants comme l’avaient l’exécutif et le pouvoir judiciaire, a regretté le chef de l’Etat.

Le 24 décembre 2012, avec l’aide la Plateforme Religions pour la paix comme médiatrice, l’exécutif et le Parlement ont trouvé un accord qui conduisait à la création du CTCEP, a encore rappelé le leader des Tèt kale. « Le 5 avril, on s’était mis d’accord pour réaliser les élections pour le tiers du Sénat et les Collectivités territoriales avec le CTCEP selon l’accord signé. Les élections n’ont pas pu avoir lieu, mais je n’avais pas découragé et entamais un autre round de négociations plus large cette fois avec l’Eglise catholique comme facilitatrice. Le 19 mars 2014, nous avons signé un accord avec les deux branches du Parlement pour aller aux élections. D’où l’Accord d’El Rancho », a discouru le chef de l’Etat.

Dans cet accord, a-t-il dit, il a accepté de former un autre Conseil électoral pour remplacer le CTCEP comme l’exigeait le Parlement en guise de condition pour voter les amendements à la loi électorale. « Je l’ai fait, mais la loi électorale n’a jamais été voté », a déploré le locataire du palais national. « On nous a demandé de publier la liste des membres de la Cour supérieure des comptes, nous l’avons fait. Mais ils n’ont jamais voté la loi électorale. Ils ont demandé un gouvernement d’ouverture, nous l’avons fait. Ils m’ont également demandé de voter toutes les résolutions et les lois émanent du Parlement. L’exécutif a fait tout ce qu’on lui a demandé et respecté toutes ses promesses. Mais le Sénat n’a pas voté la loi électorale qui aujourd’hui a 258 jours depuis que la Chambre des députés l’avait voté… »

Alors que cette loi est dans un tiroir au Sénat rongé par la poussière, ils accusent le chef de l’Etat de ne pas vouloir organiser les élections, a dénoncé le président Martelly. Il a dit certain que la population comprend ce qui se passe.

Après avoir souligné tous ces points en s’octroyant de bonnes notes, le président Martelly a rappelé les deux mois de consultations politiques qu’il a entamé du 22 septembre au 24 novembre au cours desquelles il a rencontré tous les secteurs de la société. Ce qui a conduit à une synthèse de cinq grands points selon les demandes des différents secteurs : la démission du Premier ministre, un autre Conseil électoral, la formation d’une assemblée constituante, le prolongement du mandat des parlementaires, entre autres.

Ce qui, a souligné le chef de l’Etat, a conduit à la formation de la Commission consultative devant faire des recommandations au chef de l’Etat sur l’ensemble des consultations. « Selon le rapport de la Commission, a souligné Michal Martelly, le Premier ministre leur dit qu’il est prêt à donner sa démission n’importe quand le président le demandera. Donc, le Premier ministre est prêt à faire ce sacrifice. Ce Premier ministre n’est pas un jeune garçon qui cherchait un emploi. Il sait travailler et c’est pourquoi je l’ai choisi. Je souhaite qu’on reconnaisse le travail qu’il a fait avec toute l’équipe gouvernementale… », a-t-il dit.

Après cette adresse à la nation, comme dans des funérailles, les ministres s’embrassaient pour se souhaiter mutuellement courage et condoléances. Certains ont tenté en vain de cacher leurs larmes. Comme un adieu, Michel Martelly Laurent Lamothe ont salué tous les ministres. Un moment fort en émission.

Selon une source gouvernementale, le Premier ministre ne va pas présenter sa démission sans que le Sénat n’aille dans le sens du vote des amendements à la loi électorale. Pour le conseiller de Michel Martelly, Youri Latortue, il ne peut pas avoir de vide à la Primature. Laurent Lamothe sera remplacé par un autre Premier ministre. Pour le moment, personne ne peut dire avec certitude quand partira l’actuel locataire de la Primature.

AUTEUR

Robenson Geffrard

rgeffrard@lenouvelliste.com


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