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Pour l’histoire

Recommandations de la commission consultative

mercredi 10 décembre 2014

Le Nouvelliste |

Pour l’histoire, nous publions intégralement le rapport de la Commision consultative, formée par arrêté présidentiel en date du 28 novembre 2014. Elle avait pour mission d’identifier la solution la plus crédible aux yeux de la nation, en vue d’une sortie de crise.

Préambule

Les quatre éléments suivants constituent du cadre du présent document :

• L’arrêté présidentiel en date du 28 Novembre 2014 portant création de la « Commission consultative ».
• La mission et le mandat confiés à cette Commission Consultative sont : « d’identifier la solution la plus crédible aux yeux de la nation, en vue d’une sortie de crise ».
• Les résultats des consultations menées par le Président de la République avec les différents secteurs de la vie nationale entre le 22 septembre et le 24 novembre 2014 constituent la principale base de travail de la Commission.
• Les travaux effectués par la Commission entre le 1er et 8 décembre 2014.

A. Les constats de la commission

1. Le non-renouvellement du personnel politique du corps législatif et des collectivités territoriales dans les délais prévus par la Constitution a conduit à un fonctionnement boiteux des institutions de I’État au cours des deux dernières années.
2. Le report des élections initialement prévues en octobre 2014 fait planer le spectre d’un dysfonctionnement du Parlement à compter du 12 Janvier 2015.
3. La perte de légitimité et de crédibilité du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) suite aux contestations de la procédure de nomination de certains juges à la Cour de Cassation, dont le Président.
4. La dénonciation par les partis politiques de l’opposition et les organisations des droits humains de la détention arbitraire de nombreux citoyens assimilés à des « prisonniers politiques ».
5. La dégradation des conditions de vie des couches défavorisées accentuée au cours des derniers jours par une dépréciation de la monnaie nationale.
6. L’intensification et l’amplification des manifestations de rue témoignent d’un mécontentement grandissant au sein de la population.
7. De l’avis de plusieurs secteurs intéressés par la question électorale, la non-tenue des élections en octobre 2014 entraine la caducité du CEP actuel.
8. La mise en place de cartels d’agents exécutifs intérimaires et la nomination de juges partisans, sont assimilées à une mainmise de l’Exécutif sur l’appareil judiciaire et les collectivités territoriales dans la perspective des prochaines élections.
9. La perception d’une politisation de la Police nationale d’Haïti (PNH) suscite de la méfiance et des doutes sur la possibilité de tenir dans le pays des élections démocratiques, libres, honnêtes et inclusives.
10. Le Premier Ministre a exprimé à la commission sa volonté de contribuer au dénouement de la crise préélectorale actuelle en démissionnant de son poste sur demande expresse du Chef de l’état.
11. La crise préélectorale actuelle a des connotations à la fois conjoncturelle et structurelle. Une solution pour être durable doit toucher de façon simultanée les aspects conjonctureIs et les aspects structurels.

B. Cadre de résolution de la crise

1. Nature de la crise et nature de la solution

Le pays fait face à une crise de nature conjoncturelle et structurelle. Chaque groupe a tendance à privilégier la solution (conjoncturelle ou structurelle) conforme à ses intérêts particuliers.
La pratique du non-respect de la parole donnée par les uns et les autres depuis des décennies a contribué à créer un climat de méfiance presque généralisé au sein de la population et des forces politiques en présence. Ce qui rend ardu et difficile la recherche de consensus autour de l’intérêt général.
Pour avoir les meilleures chances de succès, la solution proposée doit être rationnelle, applicable et acceptable par les différents secteurs du pays en tenant compte de la nécessaire collaboration entre les trois (3) pouvoirs de l’État. « La solution la plus crédible aux yeux de la nation » doit être celle qui donne la stabilité aux trois (3) pouvoirs de l’État pour assurer la paix sociale et servir le peuple haïtien

2. Objectif général

A la lumière des constats susmentionnés , la Commission croit que, pour éviter une aggravation de la situation actuelle, « la solution la plus crédible pour la sortie de crise » doit permettre un retour, dans un délai raisonnable, à la normalité constitutionnelle et au bon fonctionnement des institutions démocratiques et républicaines.

3. Objectifs spécifiques

Les objectifs spécifiques de la solution proposée par la commission sont de :

a) Établir un dialogue permanent entre les trois (3) pouvoirs de l’État, particulièrement entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
b) Permettre un compromis historique entre les forces politiques qui privilégient les élections comme moyens de conquête du pouvoir.
c) Former un gouvernement de consensus avec les composantes politiques, particulièrement celles représentées au parlement.
d) Créer un climat favorable pour la tenue d’élections inclusives, crédibles et sincères.
e) Rétablir la confiance des citoyens dans les instances judiciaires et dans l’institution policière.

4. Délai de mise en œuvre de la solution proposée

La dégradation de l’environnement politico-social exige plusieurs mesures d’apaisement et de redressement avant les fêtes de Noël. Il est donc impératif de trouver un compromis politique avant la date du 12 janvier 2015.

C. La solution proposée

Fort de toutes ces considérations, la Commission a identifié une solution comme étant « la plus crédible aux yeux de la nation ». Elle prend appui sur ce principe émané de notre culture et de notre sagesse populaire : « boukonnen tann bouyi ».

La solution se présente sous la forme du plan et du calendrier suivants et s’articule autour de mesures d’apaisement, de mesures conjoncturelles, de mesures structurelles et de sacrifices patriotiques. Ces quatre (4) éléments constituent un tout.

1. Mesures d’apaisement

Les mesures d’apaisement ont pour but de démontrer la volonté des trois (3) pouvoirs de l’État de réduire les tensions qui aujourd’hui divisent la nation. Elles comprennent :
a) La libération immédiate, à travers le pays, des « prisonniers politiques » qui n’ont pas été, à date, déférés devant leur juge naturel et un arrêté de grâce en faveur de tous ceux qui sont déjà engagés dans une instance judiciaire ;
b) La démission du Premier ministre et de son gouvernement. Cette démission ouvre la voie au Président de la République pour engager les négociations en vue de la désignation, au plus vite, d’un nouveau Premier ministre et la formation d’un gouvernement de Consensus ;
c) La démission du Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) ;
d) La démission des membres du Conseil Electoral Provisoire (CEP). Ce geste patriotique devrait permettre la formation d’un nouveau CEP.
e) L’adoption d’une trêve par les différentes composantes politiques, permettant ainsi de créer le climat de dialogue.
f) L’organisation d’une rencontre entre le Président de la République et les Présidents des deux chambres dans le cadre de l’appréciation et la mise en oeuvre de la présente solution.

2. Mesures conjoncturelles

Les mesures conjoncturelles ont pour but de permettre le rétablissement du bon fonctionnement des pouvoirs de l’Etat. Elles comprennent :

a. La nomination du premier ministre et la formation du gouvernement de consensus, issues de négociations entre le Président de la République et les composantes politiques, notamment celles de l’opposition ;
b. La convocation de la Chambre des Députés en session extraordinaire portant sur un agenda précis, comprenant entre autres : le vote des amendements à la loi électorale de 2013 et l’adoption de la déclaration de politique générale du nouveau gouvernement.
c. Un accord politique pour réaliser de bonnes élections inclusives et harmoniser le temps électoral au temps constitutionnel ;
d. La mise en place du Conseil Electoral Provisoire (CEP) selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution de 1987 et ayant pour mission d’organiser au plus tôt les élections législatives et des collectivités territoriales, et les élections présidentielles, le dernier dimanche du mois d’Octobre 2015. Cette démarche a pour objectif de rétablir le fonctionnement des institutions démocratiques.

3. Mesures structurelles :

Les mesures structurelles ont pour objectif de renverser les barrières qui constituent depuis plus de Vingt Cinq (25) ans un obstacle à la stabilité et à la gouvernabilité du pays. Elles seront menées par le Gouvernement de Consensus. Elles comprennent :
a) La convocation des Etats Généraux de la Nation afin d’établir un Pacte National Patriotique qui devrait inclure :
i) Un protocole de bonne gouvernance portant sur la rationalisation de la gestion publique et la moralisation du fonctionnement des institutions publiques.
ii) Un protocole de croissance et de compétitivité en vue de la création d’emplois durables, la promotion et la protection de la production nationale et la réduction de la pauvreté ;
iii) Un protocole de révision Constitutionnelle qui devra définir le cadre dans lequel pourront s’opérer des amendements de la constitution. En aucun cas, le Président en exercice ne pourra bénéficier de ces éventuels amendements.
b) Les réformes nécessaires au niveau de l’appareil judiciaire pour rétablir la confiance de tous les citoyens dans le système. Ces réformes passent obligatoirement par la reconstitution du CSPJ et la mise en place d’un processus d’évaluation non partisan des juges du système judiciaire.
c) Le renforcement de la Cour Supérieure des Comptes dans sa mission de contrôle et de vérification des institutions publiques.

4. Des sacrifices patriotiques

L’application de cette solution exige de tous les acteurs des sacrifices, permettant un résultat gagnant-gagnant. Il ne doit y avoir ni vainqueurs ni vaincus, mais plutôt un engagement de tous les citoyens.

Du président de la République : Reconnaitre que le pays connait une situation grave qui réclame un acte de grandeur patriotique en invitant même ses adversaires politiques à intégrer le pouvoir exécutif et en s’engageant formellement à ne prendre aucun décret-loi, sauf ceux qui seraient liés aux élections durant la période de vide parlementaire.

Du Premier ministre : Comprendre qu’aujourd’hui sa démission constitue un élément essentiel dans la recherche de l’apaisement.

Des sénateurs et des députés : Voter la loi électorale amendée de 2013 ainsi que la déclaration de politique générale du Gouvernement de Consensus, issu des négociations politiques, sitôt la convocation en session extraordinaire.

Du président du CSPJ : Faire un geste patriotique en offrant sa démission au Président de la République pour faciliter le dénouement de la crise.

Des conseillers électoraux : En dépit de leur bonne volonté, participer au dénouement de la crise en offrant leur démission.

Des Responsables de Partis politiques : Respecter la légitimité constitutionnelle du Président de la République ; S’engager à accepter la présente solution en répondant à l’invitation du Président de la République pour une négociation dans la sérénité et le respect mutuel et sans préalables ni conditions additionnelles autres que celles contenues dans le présent document.

Du peuple haïtien : Reconnaitre que l’heure est grave et que tout un chacun doit apporter sa contribution à l’édification d’une société plus juste et plus équitable ; Reconnaître que la liberté des uns passe par le respect des autres ; Accepter que seule une solution issue d’un dialogue par des Haïtiens, pour des Haïtiens et avec des Haïtiens apportera la réduction de la pauvreté dans le respect des libertés individuelles acquises déjà au prix d’énormes sacrifices.

5. Calendrier de mise en oeuvre de la solution
11 -17 décembre 2014
• La Commission remet son rapport au Président de la République
• Démission du Premier Ministre et du Président du CSPJ
• Consultation du Président de la République avec les deux présidents de Chambres sur la désignation d’un nouveau Premier Ministre
• Rencontre du Président de la République avec les partis politiques représentés au Parlement.
• Démarrage des négociations entre le Président de la République et les composantes politiques.
• Nomination d’un nouveau Premier ministre

• Convocation de la Chambre des Députés à l’extraordinaire
17-24 décembre 2014

• Signature du pacte de consensus entre le Président et les partis politiques
• Démission du CEP
• Consultation sur la mise en place d’un nouveau CEP
• Vote de confiance de la politique générale
• Installation des ministres du gouvernement de consensus
• Vote des amendements à la loi électorale par le Sénat et transmission à la Chambre basse
• Ratification des ambassadeurs par le Sénat
• Adoption et publication de la loi électorale
• Nomination du Conseil électoral Provisoire
12 janvier 2015
• Déclaration du chef de I’État sur la nécessité d’organiser les États généraux de la Nation.
• Organisation d’un service religieux sous les auspices de Religions pour la Paix Haïti.
7 février 2015
• Mise en branle des États généraux de la Nation par le gouvernement de consensus.

Fait à Port au Prince, le 8 Décembre 2015

Odette Roy Fombrun ; Me Gerard Gourgue ; Mgr Patrick Aris ; Mgr Oge Beauvoir ; Pasteur Chavannes Jeune ; Paul Loulou Chery ; Charles Suffrard ; Gabriel Fort ; Rony Mondestin ; Evans Paul ; Reginald Boulos

AUTEUR


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