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États-Unis : des parents se disputent autour des organes de leur fillette

jeudi 20 novembre 2014

De notre correspondante à Washington, Hélène Vissière

La petite Thaiya, deux ans, était en état de mort cérébrale. La mère voulait faire don de ses organes, mais pas le père. La justice a dû décider.

Le calvaire aura duré cinq jours. Cinq jours pendant lesquels Thaiya Spruill-Smith, une petite fille de 2 ans déclarée en état de mort cérébrale, a été maintenue en vie artificiellement pendant que ses parents divorcés se déchiraient par avocats interposés. Sa mère, Teoka Spruill, 24 ans, souhaitait que l’on puisse prélever ses organes. "Je pense juste que ce serait une bénédiction pour une autre famille", a-t-elle dit dans une interview au New York Times. Mais son père, Terrell Smith, a refusé, disant qu’il était trop douloureux pour lui d’imaginer sa fille coupée en morceaux et ses organes distribués. "Elle est née ainsi, elle sera enterrée ainsi avec son corps, ses yeux," a-t-il expliqué. Du coup, le juge a demandé à l’hôpital de Brooklyn de maintenir la fillette sous ventilation artificielle, le temps de régler la dispute.

L’affaire est particulièrement sordide. La mère affirme que, mercredi, elle a laissé Thaiya, une gamine à couettes qui aimait Minnie et les brocolis, avec son beau-père pendant une heure. Quand elle est rentrée dans son HLM de Brooklyn, sa fille dormait. Puis elle s’est réveillée et a voulu du jus de pomme. Mais le lendemain, la mère l’a entendue haleter et a appelé une ambulance. À l"hôpital, les médecins ont noté diverses contusions et diagnostiqué une hémorragie cérébrale, mais n’ont rien pu faire pour la sauver. Elle a été déclarée vendredi soir en état de mort cérébrale. Dans le même temps, le beau-père de Thaiya, David Adams, 25 ans, a avoué qu’il l’avait secouée violemment plusieurs fois. Il a été arrêté et va probablement être jugé pour homicide.

Maltraitée ?

La bataille pour Thaiya ne date pas d’hier. Selon Teoka Spruill, dont la propre mère a été tuée par balle, son ex traînait avec un gang et ne s’est intéressé à sa fille que lorsque Teoka s’est remariée au printemps dernier. Terrell Smith, lui, affirme qu’il n’a cessé de se battre pour obtenir la garde de la gamine. L’été dernier, il a déposé une plainte auprès des services sociaux, car il avait remarqué des bleus sur la fillette et soupçonnait qu’elle soit maltraitée. En septembre, les services sociaux ont mené une enquête et ont placé Thaiya chez sa grand-mère, avant de la renvoyer chez elle. Un mois plus tard, Smith a été arrêté pour n’avoir pas rendu sa fille à l’issue de la visite du week-end et son ex-femme a demandé la protection de la justice, clamant qu’il l’avait menacée de mort.

Au-delà du fait divers affreux, la querelle des parents de Thaiya pose un problème éthique assez fréquent. À moins d’être inscrit au registre des donneurs d’organes de l’État de New York, il est impossible de faire un don si la famille ne s’est pas mise d’accord. Avant le passage au tribunal mardi matin, l’avocat de Terrell Smith suggérait que la mère avait choisi le don d’organes pour éviter une autopsie et entraver l’action de la police. "Quel est le motif derrière le comportement soudain si bienveillant de la mère qui dit je vais faire don de ses organes ?" lançait-il.

Le juge a tranché. Les voeux du père ont été respectés. Après l’autopsie, la petite Thaiya pourra enfin reposer en paix au cimetière.


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