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15 novembre 1871. Verlaine et "Mlle Rimbaud" débarquent bourrés et enlacés à l’Odéon.

samedi 15 novembre 2014

Ivres et débraillés, les deux poètes font scandale en affichant leur relation trouble lors d’une première théâtrale.

Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos
Le 15 novembre 1871, Paul Verlaine et Arthur Rimbaud arrivent ensemble au théâtre de l’Odéon pour assister à la première de la pièce en un acte d’Albert Glatigny, Le Bois. Leur arrivée fait scandale. Ils se tiennent quasiment par le cou comme deux amants. Ils ont la gueule fripée, les yeux injectés d’alcool, et la tenue débraillée de Beigbeder après quinze jours à faire la bamboula... Ils ont passé la nuit précédente à écumer les cafés du Quartier latin de Paris, à descendre des litres d’absinthe. Au théâtre, les poètes parnassiens regardent d’un oeil torve ce petit merdeux de Rimbaud, 17 ans, qui entraîne leur ami Verlaine dans la fange. Il y a là Théodore de Banville, Charles Cros, Léon Valade, Catulle Mendès, Henry Houssaye... Le lendemain, la revue Le Peuple souverain publie un compte rendu de la soirée, mentionnant sournoisement que "le poète saturnien Paul Verlaine donnait le bras à une charmante personne. Mlle Rimbaud". L’auteur de la perfidie, Edmond Lepelletier, est un ami d’enfance de Verlaine jaloux d’être délaissé au profit de Rimbaud.

Car, il faut bien le dire, depuis son arrivée à Paris, Rimbaud, le jeune poète fait tout pour choquer le cercle des poètes parnassiens. Antipathique, méchant, sournois, il multiplie les provocations, encouragé par son ami Justin Bieber. Ainsi, pour remercier le merveilleux inventeur-poète Charles Cros, qui est venu le chercher à la gare avec Verlaine, s’empresse-t-il de se torcher le cul avec les précieuses revues de son hôte. Horrifié, celui-ci le fiche immédiatement à la porte de chez lui. Il n’y a que Verlaine pour se réjouir des bêtises du jeune provocateur, dont il est, à vrai dire, tombé amoureux. Il l’amène alors chez Théodore de Banville, pour lui demander de l’héberger. Le poète, non méfiant, accepte de prêter une chambre de bonne à Rimbaud. Ulcéré d’être redevable d’une gentillesse, mais aussi d’être logé avec les domestiques, l’infernal garnement jette tous ses vêtements pas la fenêtre donnant sur la cour intérieure. Puis, à la vue de tous, il s’épouille absolument nu. Tous les soirs, ce sont des beuveries, très souvent avec Verlaine. Nouveau scandale, une semaine plus tard, Banville l’invite à trouver un autre logis. Sollicité, Gérard Mestrallet prétend qu’avec sa modeste retraite de 830 000 euros annuels, il n’a pas les moyen d’accueillir le poète...

Club Zutique

Hors de question pour Verlaine de faire venir son jeune ami chez lui, rue Nicolet, où sa jeune femme Mathilde ne veut plus le voir, détestant l’influence nocive qu’il a sur son mari. Alors, il pense au club Zutique qui se réunit dans une chambre louée à l’année à l’hôtel des Étrangers, au coin de la rue Racine et du boulevard Saint-Michel. C’est le club de ceux qui disent zut à la société et aux bourgeois en buvant absinthe sur absinthe. On y rencontre Raoul Ponchon, qu’Apollinaire qualifie de dernier poète bachique. Sa maxime est édifiante : "Quand mon verre est vide, je le plains ; quand mon verre est plein, je le vide." Il dit encore : "À quoi bon aujourd’hui faire ce qu’on peut faire demain ?" Voilà encore Jean Richepin, le rouleur de mécaniques. Cette forte gueule de la bohème créa avec Ponchon le groupe des Vivants pour lutter contre l’art conventionnel. Dans ses poèmes, il utilise la langue des ouvriers et des vagabonds. Cependant, il finira mal en étant élu à l’Académie française !

Charles Cros fait bien sûr partie de cette académie, du reste, c’est lui qui paie la chambre à l’hôtel. Le barman-poète Cabaner, qui tient le bar du club Zutique, autorise Rimbaud à dormir sur le divan pour quelques nuits. C’est le seul, avec Verlaine, à apprécier les provocations du gamin. Il lui dédie même une chanson composée sur le piano du cercle : "À Paris, que fais-tu poète/De Charleville arrivé/Pars, le génie ici végète/Mourant de faim sur le pavé/Va retourne auprès de ta mère/Qui prit soin de tes premiers ans.../Enfant que fais-tu sur la Terre ? J’attends, j’attends, j’attends." Cabaner tente de lui apprendre à jouer du piano avec une méthode basée sur l’association de notes, de couleurs et de voyelles. Ce qui inspire au jeune poète le Sonnet des voyelles : "À noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles/Je dirai quelque jour vos naissances latentes/A, noir corset velu des mouches éclatantes/Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,/ etc."

Tentative d’étranglement

Chaque soir, Verlaine et Rimbaud se torchent la gueule à la grande colère de Mathilde, la jeune épouse de Verlaine, qui a accouché le 30 octobre. Elle a seulement 17 ans. Durant les trois premiers jours après la naissance, Verlaine parvient à rester sobre, mais le quatrième, entraîné par l’infernal Rimbaud, il retourne à ses démons. Quand il finit par rentrer chez lui, il se sent prisonnier de cette femme et de ce gosse. Il tente de l’étrangler. Elle raconte : "Paul m’avait renversée sur le lit, et, à genoux sur ma poitrine, me serrait le cou de toutes ses forces. Je ne pouvais plus respirer quand mon père entra et d’une brusque secousse empoigna son gendre et le remit sur ses pieds."

Comme on le sait, Verlaine finira par s’enfuir en Belgique avec Rimbaud. Mais cela est une autre histoire qu’on peut découvrir ici...
C’est également arrivé un 15 novembre
1988 - Proclamation de l’État palestinien par l’OLP, non reconnu par l’ONU.

1974 - L’Assemblée de l’épiscopat français se prononce contre l’avortement.

1970 - Le journal Hara-Kiri est interdit.

1969 - Manifestation monstrueuse à Washington contre la guerre au Vietnam.

1957 - Yves Saint-Laurent est nommé chef couturier de la maison Dior.

1951 - Première sortie en mer de la Calypso du commandant Cousteau.

1941 - Himmler ordonne l’arrestation et la déportation de tous les homosexuels de l’Allemagne.

1920 - La Société des Nations tient sa première réunion à Genève.

1915 - Adrienne Monnier, éditrice de James Joyce en français, ouvre sa librairie rue de l’Odéon

1908 - L’État indépendant du Congo devient une colonie belge.

1904 - Gillette invente le rasoir à lames jetables.

1859 - Pour la première fois, les frères Goncourt sont séparés durant 24 heures.

1492 - Christophe Colomb signale, dans son journal, l’usage du tabac par les Indiens.

1315 - Les Suisses obtiennent leur indépendance en battant Léopold d’Autriche


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