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12 novembre 1912. Découverte du cadavre congelé de Robert Scott à 700 kilomètres du pôle Sud

mercredi 12 novembre 2014

Cela fait près de huit mois que l’aventurier britannique est mort sur le chemin de retour du pôle où Roald Amundsen l’a devancé.
Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le 12 novembre 1912, la colonne de secours envoyée à la recherche de Robert Falcon Scott et de ses compagnons disparus depuis dix mois aperçoit enfin la tente des naufragés de l’Antarctique. Depuis leur mort, près de deux cent trente jours auparavant, Robert Falcon Scott et ses deux compagnons - Edward Wilson et Henry Bowers - attendent patiemment les secours, perdus au milieu du désert glacé. Ils ne parlent pas, ne mangent pas, ne bougent pas. Aussi expressifs que Fleur Pellerin lisant le dernier Goncourt... Normal, les trois hommes sont aussi congelés que des poulets de chez Picard. Ils sont morts sur le chemin du retour du pôle Sud, atteint le 17 janvier 1912, soit un mois après Amundsen !

C’est le jeune glaciologue canadien Silas Wright qui est le premier à apercevoir la tente funéraire. C’est un miracle de sa part car elle est presque entièrement enfouie sous la neige. Seul le sommet émerge encore. Les huit hommes de la colonne de secours commandée par le médecin Edward Atkinson, sont diablement émus. Ils tombent à genoux pour dégager le linceul de sa gangue de neige. Malgré leur fatigue, ils redoublent d’efforts. Lorsque Atkinson passe enfin la tête dans la tente, il découvre les trois hommes dans leurs sacs de couchage. Ils semblent assoupis. Le médecin hésite à les secouer pour les réveiller, mais sa main retombe. C’est inutile. Il le sait bien. Autant vouloir sauver le candidat Fillon...

"Nous sommes en train de nous affaiblir"

Atkinson aperçoit le journal de Scott déposé à ses côtés, il le saisit religieusement, puis se met à le lire, la gorge nouée. Les hommes écoutent sans un mot. À la date du 29 mars - date supposée de sa mort -, l’explorateur a noté : "Depuis le 21, nous avons un vent violent du ouest-sud-ouest et du sud-ouest. Le 20, nous avions du combustible pour faire deux tasses de thé chacun et de la nourriture pour deux jours. Chaque jour, nous étions prêts à partir pour rejoindre notre dépôt situé à onze miles de là, mais, derrière la porte de la tente, il y a des vents tourbillonnants. Je ne pense pas que nous puissions espérer rien de mieux maintenant. Nous allons tenir bon jusqu’à la fin, mais nous sommes en train de nous affaiblir, bien sûr, et la fin n’est peut-être pas loin. Cela semble pitoyable, mais je ne pense pas être capable d’écrire davantage."

Impossible de ramener Scott et ses deux compagnons. De toute façon, l’Antarctique constitue un merveilleux linceul glacé pour l’éternité. Les sauveteurs se contentent de prendre les journaux des trois hommes, les lettres, les pellicules photographiques et la quinzaine de kilos d’échantillons rocheux que ceux-ci avaient prélevés en cours de route. De retour en Angleterre, ces roches bourrées de fossiles permettront d’éclaircir l’origine du continent antarctique.

Atkinson et ses hommes enfouissent la tente sous un tumulus de neige qu’ils surmontent d’une grossière croix en bois. Le coeur lourd, ils entament le chemin du retour vers leur navire, le Terra Nova. Finalement, le monde est informé du funeste destin de Scott le 10 février 1913, quand les rescapés atteignent Oamaru, en Nouvelle-Zélande. Malgré son échec à conquérir le premier le pôle Sud, l’explorateur britannique devient une icône. En Grande-Bretagne, un sentiment de fierté embrase chaque foyer. Paul McCartney, déjà vieux, compose son célèbre "Hey Scott" (Hey Jude, don’t be afraid / You were made to go out and get her). Lorsqu’ils rallient Londres, les survivants de l’expédition (ceux que Scott n’avaient pas emmenés avec lui pour la dernière étape jusqu’au pôle) sont honorés, décorés et fêtés. Des dizaines de mémoriaux à la gloire de Scott sont érigés dans tout le pays. Une collecte rapporte à l’époque 75 000 livres (6,8 millions d’euros actuels) à partager entre les familles des cinq héros morts. Le rival heureux, Amundsen, déclare qu’il aurait volontiers renoncé à tout honneur et argent si cela avait pu sauver Scott d’une mort si horrible. Les Balkany envoient un chèque de 5 euros depuis leur palais de Marrakech.

"À présent, la lutte sera désespérée"

Pour autant, le Norvégien n’est pas épargné par l’opinion publique anglaise, qui l’accuse presque de tricherie dans sa conquête du pôle Sud. Car il a utilisé des chiens, alors que Scott s’est refusé à le faire par esprit sportif. C’est ainsi que lui et ses hommes se sont tués à traîner leur traîneau. Mais l’histoire ne peut pas être rejouée. Quand, le 17 janvier 1912, Robert Falcon Scott et ses quatre compagnons rallient enfin leur ultime but, c’est pour découvrir qu’Amundsen leur a grillé la politesse de quatre bonnes semaines. Désespérés, ils regardent la tente surmontée du drapeau norvégien. En cette seconde, tous leurs rêves s’effondrent. Des années d’efforts, de souffrances réduites à néant. Depuis, seule Nabilla a sans doute éprouvé pire après un malheureux coup de couteaux... En relevant la position de la tente norvégienne au théodolite, Scott constate qu’il ne donne pas 90° exactement, mais 89° 59’ 30’’. Le véritable emplacement du pôle est, en réalité, à huit cents mètres. Les Anglais vont y planter leur propre drapeau. Mince consolation. Le soir même, pensant au retour, l’explorateur écrit : "À présent, la lutte sera désespérée. Je me demande si nous réussirons."

Car la lutte contre l’enfer blanc n’est pas terminée. Pour rejoindre le Terra Nova, les cinq hommes doivent encore parcourir 1 300 kilomètres, et cette fois-ci l’idée d’un exploit ne les porte plus. Ils sont fourbus, déprimés, le temps est épouvantable. Le blizzard ne cesse de souffler. Le traîneau pèse le poids d’un âne mort. Le 7 février, Scott et ses hommes ont pourtant réussi à franchir 500 kilomètres quand Edgar Evans tombe sur la tête, y laissant sa raison. Dix jours plus tard, il meurt d’épuisement après une dernière chute. Au milieu des bourrasques, les quatre survivants poursuivent leur route dans un "horrible labyrinthe de crevasses". La nuit, la température chute jusqu’à - 44 °C.

Le 16 mars, une vieille blessure de guerre d’Oates se réveille. Il ralentit l’expédition qui n’avance plus que de 5 kilomètres par jour. Scott écrit : "Nous savions que sa fin était proche. Mais il ne se plaignait pas. Il se coucha, espérant ne pas se réveiller, mais il se réveilla pourtant. L’ouragan soufflait. Oates nous dit : Je sors, il se peut que je reste absent longtemps. Nous ne devions plus le revoir. Nous savions qu’il marchait vers la mort, mais bien que nous eussions essayé de le retenir, nous savions qu’il agissait en homme brave et en gentleman anglais." Le lendemain et le surlendemain, Scott, Henry Bowers et Edward Wilson parviennent encore à accomplir 35 kilomètres dans un effort surhumain. Ils montent une dernière fois la tente le 19 mars. Le blizzard souffle trop fort pour continuer. Pourtant, le dépôt où les attend une tonne d’approvisionnement n’est plus qu’à un saut de puce : 18 kilomètres.

"Nous n’avons pas à nous plaindre"

Les trois hommes attendent désespérément la fin de la tempête dans leurs sacs de couchage. Ils n’ont plus rien à manger, plus de combustible. C’est la fin. Le 25 mars, Scott a encore la force d’écrire quelques lettres pour sa mère, son épouse, pour les mères de Bowers et de Wilson, et encore quelques autres. Il rédige encore un "Message pour le public" dans lequel il justifie l’organisation de son expédition, accusant les conditions météorologiques et la malchance d’être à l’origine de son échec. "Nous avons couru des risques. Nous savions que nous les courions. Les choses ont tourné contre nous, nous n’avons pas à nous plaindre. Mais à nous incliner devant la décision de la Providence, déterminés à faire de notre mieux jusqu’à la fin. Mais si nous avons volontairement donné nos vies dans cette entreprise, c’est pour l’honneur de notre pays. J’en appelle à mes concitoyens pour leur demander de veiller à ce que ceux qui dépendent de nous ne soient pas abandonnés [...]. Ces notes grossières et nos cadavres raconteront notre histoire, mais je suis sûr qu’un grand et riche pays comme le nôtre aura le souci de ceux que nous laissons derrière nous." Hollande n’aurait pas pu mieux dire...

C’est également arrivé un 12 novembre

1982 - Youri Andropov succède à Leonid Brejnev à la tête du PC soviétique.

1970 - Un ouragan provoque la mort de plus d’un million de personnes dans le golfe du Bengale.

1964 - Le magazine France Observateur publie son dernier numéro.

1948 - L’ancien premier ministre Tojo et plusieurs dirigeants japonais sont condamnés à mort pour crimes de guerre.

1929 - Naissance de Grace Kelly à Philadelphie.

1927 - Trotski est exclu du parti communiste soviétique.

1895 - Création de l’Automobile Club de France, club privé de luxe réservé aux hommes.

1848 - L’Algérie est officiellement proclamée territoire français.

1847 - James Young Simpson est le premier à utiliser le chloroforme contre la douleur lors d’opérations chirurgicales.

1840 - Naissance du sculpteur Auguste Rodin, à Paris.

764 - Les tibétains occupe la capitale chinoise de Chang’An durant deux semaines

REGARDEZ - Une vidéo reconstituant les derniers jours de l’expédition :


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