MosaikHub Magazine

30 octobre 1632. Poussé par Richelieu, Louis XIII fait décapiter le duc de Montmorency accusé de trahison.

jeudi 30 octobre 2014

Le jeune maréchal de France avait fait le très mauvais choix de soutenir Gaston, le frère du roi, dans sa tentative d’insurrection.

Le bourreau lève bien haut dans le ciel toulousain le cimeterre, qu’il préfère à la traditionnelle hache pour expédier ses clients en enfer. Il bloque sa respiration, fixe la nuque blanche du duc de Montmorency, adresse une dernière prière à Dieu, avant d’abaisser les deux bras avec la violence d’un djihadiste égorgeant un otage occidental. La tête du premier baron de France vole sur le sol. Le corps est agité de soubresauts violents. C’est fini. Le sang jaillit à flots, quelques gouttes éclaboussent la statue d’Henri IV, parrain du duc de Montmorency. Le maréchal de France et gouverneur du Languedoc s’est soulevé contre Louis XIII, il a perdu. Il le paie de sa vie. Le royaume entier le pleure, mais ni le roi ni Richelieu n’ont eu pitié de lui.

Triste fin pour celui qui avait toujours été fidèle au roi, combattant les protestants à ses côtés. Mais il a été, comme beaucoup d’ambitieux, victime du syndrome Balladur : trahir son maître... Il a eu le tort d’écouter Marie de Médicis, cette mauvaise mère qui a toujours détesté son fils Louis. Celle-ci l’a poussé à rallier son deuxième fils Gaston d’Orléans qu’elle veut mettre sur le trône à la place de son aîné. Le duc l’a écoutée, un peu par amour, dit-on, mais aussi parce que Louis XIII et Richelieu manigancent de déposséder les grands du royaume de leurs prérogatives en imposant une monarchie absolue. Alors que Gaston promet de rétablir une monarchie mixte. Et puis Montmorency est frappé au porte-monnaie. Le roi a décidé de lever directement les impôts en Languedoc, le court-circuitant. C’est, finalement, un ras-le-bol général qui pousse Montmorency à prendre les armes aux côtés de Gaston pour détrôner Louis XIII. Le voilà donc qui file dare-dare dans ses États du Languedoc pour soulever la population et les villes. Certains bourgeois n’ont-ils pas commencé à faire la grève des impôts ? Ils n’apprécient pas les portiques de péage disposés par Richelieu...

Cinq cents mousquetaires en embuscade

Cependant, le duc ne trouve pas sur place l’enthousiasme voulu. Les villes de Toulouse, Carcassonne et Narbonne refusent de se rallier à lui. À Bordeaux, Juppé la joue perso... Même les paysans ne bougent pas. Finalement, l’armée royale, commandée par le maréchal de Schomberg, rencontre les troupes de Montmorency devant Castelnaudary le 1er septembre 1632. Les troupes royales comptent 7 000 hommes contre le double pour l’armée du duc et de Monsieur, ainsi qu’on appelle le frère du roi. Le terrain est barré de ravines et de fondrières. Pas facile d’y combattre. Étant en infériorité numérique, le maréchal préfère attendre l’attaque de l’ennemi dans un champ labouré. L’armée des insurgés se rapproche, mais Montmorency, sentant que Gaston hésite à se battre contre l’armée de son frère, veut engager la bataille le plus rapidement possible. Son impatience va le perdre.

En effet, conseillé par un gentilhomme connaissant les lieux, le maréchal de Schomberg envoie cinq cents mousquetaires monter une embuscade. Ils se planquent de part et d’autre du seul chemin que l’armée adverse peut emprunter. Puis trois cents cavaliers sont chargés de mener une fausse attaque sur l’avant-garde des rebelles pour l’attirer dans le piège. En tête des troupes, le duc de Montmorency tombe comme un bleu dans le panneau. Sans se méfier, et sans même prendre le temps d’enfiler toutes ses cuirasses, il attaque et poursuit les assaillants, qui font vite demi-tour. Le voilà pris au piège. Les mousquetaires tirent comme un seul homme. C’est un carnage autour du duc. Ses amis les comtes de Moret, de Rieux et de La Feuillade sont abattus. Hurlements, hennissements, fracas des armes, gémissements... Une épaisse fumée obscurcit le jour. Odeur âcre de la poudre qui brûle les poumons. L’adrénaline et le sang coulent à flots. Montmorency est touché à la gorge par une première balle. Rendu enragé, il éperonne son destrier pour bousculer les lignes des mousquetaires en train de recharger leurs mousquets. Deux balles entrent dans sa bouche où elles fracassent plusieurs dents avant de ressortir par la joue. Il ne sent rien. Son cerveau refuse d’écouter son corps qui hurle de douleur. En tout, il reçoit dix-sept blessures. Même Gilbert Rozon ne buzze pas, fasciné par l’incroyable talent... Montmorency combattrait encore si son cheval, tué par une balle, ne s’était pas écroulé sur lui. Témoignage du sieur de Pontis, resté fidèle au roi, mais gardant toute son amitié pour le valeureux adversaire : "Nous ne pûmes le tirer du fossé, où sa cuisse était engagée sous son cheval mort. Le pauvre seigneur était tout couvert de sang et presque étouffé par celui qui sortait de sa bouche. On le débarrassa de sa cuirasse et de son collet de buffle qui était percé de coups."

Allongé sur une échelle

La bataille a duré une demi-heure. On croit le duc mort. La triste nouvelle arrive aux oreilles de Monsieur qui ne demandait que cela pour tourner bride avec ses hommes. Le lâche ! Il ira plus tard baver de remords auprès de son grand-frère le roi, qui se bornera à lui tirer les oreilles... Mais Montmorency, coincé sous son cheval pommelé, s’accroche à la vie. À monsieur de Saint-Preuil qui s’approche, il crie : "Ne m’approche pas ! J’ai encore assez de vie pour ôter la tienne." Mais bientôt, il lui faut se rendre. Pontis, qui est présent, le fait porter dans un manteau jusqu’au maréchal de Schomberg. Celui-ci lui dit sa tristesse de le voir en si piètre état. Bandé dans une métairie par le chirurgien de la compagnie, le duc est ensuite transporté à Castelnaudary, allongé sur une échelle recouverte de manteaux et de paille. Le 5 septembre, le duc est toujours vivant, Schomberg le fait mener au château de Lectoure.

Dans un premier temps, Louis XIII, qui s’est installé à Toulouse, charge le sieur de Pontis d’accompagner Montmorency à Paris pour le faire juger par le Parlement de Paris, en qualité de pair de France. Cette décision déplaît au cardinal de Richelieu qui préfère en finir tout de suite avec son ennemi, craignant que celui-ci profite de longs mois de répit pour obtenir la grâce du roi. Aussi le cardinal persuade-t-il ce dernier de faire juger le duc au tribunal de Toulouse.

Le 27 octobre, remis de ses blessures les plus graves, Montmorency est conduit à midi à l’hôtel de ville de Toulouse, le Capitole. Trois heures plus tard, il est déjà interrogé par les commissaires du tribunal. Pendant ce temps, les plus grands du royaume défilent devant Sa Majesté pour demander la grâce du duc. Même Gaston, à qui le roi avait pardonné quelques jours plus tôt sa révolte, envoie un gentilhomme de sa suite se jeter aux pieds de Louis XIII pour qu’il pardonne à son maréchal, qui avait manifesté jusque-là "une grande passion pour le service de Sa Majesté et qui s’était engagé dans ce malheur aussi bien que lui plutôt par légèreté que par une volonté mauvaise et criminelle". Mais le roi tient bon. Même les prières du peuple ne l’atteignent pas. "Je veux intimider tous les grands du royaume par la punition du plus puissant de tous les rebelles."

La tête tranchée

Aussi, le duc de Montmorency se prépare à la mort, convaincu qu’il ne peut rien attendre du Cardinal. Il passe deux jours en confession. Le 30 octobre au matin, Montmorency comparaît devant le tribunal, il est assis sur la fameuse sellette, mais, contrairement à l’usage, il n’a pas de fers aux pieds. C’est que toutes les personnes présentes, même les membres du tribunal, l’ont en pitié. Les yeux sont humides, les regards sont tournés vers le sol. Grand seigneur, Montmorency reconnaît tout, ne nie rien. Il prend tous les torts à sa charge, y compris celui d’avoir voté pour François Hollande... Il reconnaît même mériter la mort "au-delà de tout". Le Parlement ne met pas longtemps à délibérer, le cas est clair. Le duc a été pris les armes à la main contre son roi. Il faut donc le condamner. Quoique peinés, les juges sont bien obligés de signer l’arrêt qui condamne le duc "pour crime de lèse-majesté au premier chef, ses biens acquis et confisqués au roi".

Le roi, à qui on porte l’arrêt, change deux articles. L’exécution ne se fera pas aux Halles devant la populace, mais à huis clos dans l’enceinte du Capitole. Ensuite, Montmorency pourra disposer de ses biens. À midi, il est conduit dans la chapelle du Capitole pour y entendre l’arrêt, à genoux, au pied de l’autel. Ensuite, il se relève, retire sa luxueuse robe de chambre pour la jeter à terre en disant : "Oserais-je bien, étant criminel comme je suis, aller à la mort vêtu avec vanité, lorsque je vois mon Sauveur mourir innocent tout nu sur la Croix ?" Il demande enfin de mourir à la même heure que Jésus-Christ. Il écrit une lettre d’adieu à son épouse, se fait couper les cheveux. Au chirurgien venu changer ses pansements, il déclare : "L’heure est venue de guérir toutes les plaies par une seule." Il s’empare de ses ciseaux pour couper sa longue moustache, symbole de vanité. Puis, en caleçon et chemise, se rend dans la cour où l’échafaud vient d’être dressé, sinistre.

Pendant que le lieutenant des gardes se rend, une dernière fois, auprès du roi pour plaider la grâce, le duc s’entretient avec son confesseur à qui il dit être aussi tranquille que s’il allait à un banquet ou au bal. Le lieutenant revient enfin, porteur de la mauvaise nouvelle. Pas de grâce. Le duc se lève, se dirige vers l’échafaud entre deux haies de soldats qui le saluent. Il se rend au bourreau qui lui lie les mains, échancre sa chemise et lui coupe encore les cheveux. Sans faillir, il s’approche du billot devant lequel il se met à genoux. Il recommande au bourreau de frapper hardiment, puis pose la tête sur le bois, recommande une dernière fois son âme à Dieu. Le bourreau élève bien haut le cimeterre, qui retombe... Ainsi meurt Henri de Montmorency, duc et pair, maréchal et autrefois amiral de France, gouverneur du Languedoc, petit-fils de quatre connétables, premier chrétien et premier baron de France, beau-frère du Premier prince de France.

Après l’exécution, les portes du Capitole sont ouvertes pour laisser le passage à la foule qui veut saluer une dernière fois son grand capitaine. Chacun voulant tremper son mouchoir dans son sang pour garder un souvenir. Les plus exaltés allant, dit-on, jusqu’à boire le sang de leur héros.
C’est également arrivé un 30 octobre}

1974 - Mohamed Ali (ex-Cassius Clay) reprend son titre de champion du monde des poids lourds.

1967 - Le jet X-15 piloté par William Knight atteint 7 297 km/h.

1952 - Le prix Nobel de la paix est attribué au docteur Albert Schweitzer.

1938 - Orson Welles terrifie l’Amérique avec La guerre des mondes diffusée sur la radio.

1926 - Fritz Lang achève le tournage de Metropolis.

1922 - Mussolini devient Premier ministre d’Italie.

1910 - Décès d’Henri Dunant, l’un des fondateurs de la Croix-Rouge.

1888 - Le stylo à bille est breveté par John Loud, mais en raison d’un problème d’encre il ne sera pas utilisé avant 1945.

1841 - La tour de Londres est ravagée par un incendie.

1839 - Naissance du peintre britannique Alfred Sisley.

1831 - Arrestation de l’esclave Nat Turner après sa tentative de rébellion.

1817 - Simon Bolivar crée un gouvernement indépendantiste au Venezuela.

1451 - Naissance du navigateur Christophe Colomb