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En France, on n’a pas de croissance, mais on a les maths !

lundi 27 octobre 2014

« En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées », fanfaronnait une célèbre campagne publicitaire du gouvernement dans les années 1970. Quarante ans plus tard, l’on pourrait, sans chauvinisme excessif, actualiser le slogan : « En France, on n’a pas de croissance, mais on a les mathématiques ! »

Remarquable exception française, en effet. Depuis que la médaille Fields – la plus prestigieuse distinction en mathématiques, décernée tous les quatre ans lors du congrès international des mathématiciens – a été créée en 1936, treize chercheurs français en ont été récompensés, à égalité avec les Américains. Pour la période récente, ce fut le cas en 2002 pour Laurent Lafforgue, en 2006 pour Wendelin Werner et, en 2010, pour Cédric Villani et le Franco-Vietnamien Ngo Bao Châu.

Cette année, c’est un Franco-Brésilien de 35 ans, Artur Avila, directeur de recherche au CNRS, à l’Institut de mathématiques de Jussieu-Paris rive gauche, qui vient d’être distingué pour ses recherches sur les systèmes dynamiques.

Lire aussi : Médaille Fields : la France, pays le plus titré avec les Etats-Unis

UN DOMAINE PEU COÛTEUX

L’école française de mathématiques continue donc de collectionner les honneurs et il faut s’en réjouir. La recette de ce succès est connue. La sélection précoce par les mathématiques et les classes préparatoires draine vers les écoles normales supérieures et Polytechnique les meilleurs cerveaux.

La richesse du tissu scientifique dans cette discipline – quelque 3 000 chercheurs et enseignants-chercheurs dans une cinquantaine de laboratoires, notamment en région parisienne – en fait une communauté soudée et assure le vivier nécessaire pour favoriser des travaux de très haut niveau. Comme le démontre le parcours d’Artur Avila, la France continue à attirer des talents et à échapper à la fuite des cerveaux, le « brain drain », qui frappe d’autres disciplines.

Les portraits des quatre lauréats 2014 (en édition abonnés) : Les lauréats de la médaille Fields, de jeunes passionnés aux cursus internationaux

Enfin, les mathématiques sont un domaine de recherche peu coûteux, dont l’Etat assume seul le financement, contrairement à la physique ou la biologie où une masse critique financière, technique et industrielle est indispensable pour figurer dans l’élite mondiale.

MAINTENIR CET EFFORT CONSTANT

L’excellence de l’école française de mathématiques constitue donc une précieuse exception. Sans être un modèle généralisable à l’ensemble de la science française, elle est un emblème pour la recherche fondamentale, dont l’utilité est, hélas !, trop fréquemment mise en doute. A ce titre, elle nécessite une vision, des investissements publics et des délais de maturation à long terme.

Raison de plus pour ne pas tenir ces succès pour définitivement acquis. Face à l’impitoyable compétition internationale, tout doit être fait, quelles que soient d’évidentes contraintes budgétaires, pour préserver l’attractivité française : solidité du système de détection des talents, perspectives de carrière précoces et solides, rémunérations compétitives et conditions de travail satisfaisantes.

Sans cet effort constant, les mathématiciens français céderont inévitablement aux sirènes des laboratoires étrangers – notamment américains – et cesseront d’irriguer de nouveaux talents dans l’Hexagone


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