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« Inbox », l’e-mail selon Google

vendredi 24 octobre 2014

Dix ans après avoir révolutionné l’e-mail avec Gmail, Google lance un nouveau service qui s’inspire des méthodes de productivité américaines de la « boîte de réception vide », « l’inbox zero ».

Le Monde.fr | 24.10.2014 à 07h40 • Mis à jour le 24.10.2014 à 17h14 | Par Damien Leloup et Jean-Guillaume Santi

Il y a dix ans, Google lançait Gmail. A l’époque, le service était une petite révolution : il proposait une mémoire gigantesque pour l’époque – 1 gigaoctet, avec la promesse que « vous n’aurez plus jamais à effacer un seul e-mail ». Surtout, Gmail proposait une interface qui tranchait radicalement avec celle de tous ses concurrents de l’époque : un flux de messages tous regroupés au même endroit, une priorité accordée à la recherche au détriment du rangement par classeur ou expéditeur, et une messagerie instantanée intégrée.

Dix ans après, Gmail n’est plus seul : Google lui a adjoint, depuis jeudi 23 novembre, « Inbox », un nouveau service que l’entreprise présente comme « complémentaire » de Gmail. Accessible uniquement en version de test pour l’instant, et sur invitation – tout comme Gmail à ses débuts – Inbox se présente comme une application pour Android et iOS ainsi qu’un site Web ne fonctionnant que sous Chrome.

A première vue, Inbox ressemble à une boîte de réception classique de Gmail : les messages y sont rangés par ordre antéchronologique, les messages non lus étant en gras. Inbox intègre de manière visible les filtres différenciés de Google, qui regroupent automatiquement certaines catégories de messages (notifications, messages automatiques en provenance des réseaux sociaux, offres commerciales...) : ces derniers apparaissent de manière moins visible dans le flux.

L’interface a au passage connu un léger coup de peinture, vraisemblablement pour le rendre plus compatible avec la nouvelle version d’Android, Lollipop, qui sera disponible dans quelques semaines.

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Plus que dans l’affichage des messages, c’est dans la manière de gérer ces derniers qu’Inbox propose un vrai changement. L’outil mélange de manière assumée plusieurs fonctionnalités : la messagerie bien sûr, mais aussi le calendrier et la liste des tâches. L’application mobile permet ainsi d’archiver directement, d’un glissement vers la gauche, un message ; en glissant vers la droite, on peut « reporter » le même message de quelques heures ou quelques jours – il s’affichera de nouveau au moment choisi. Cette fonctionnalité transforme de fait un courriel en rappel de calendrier ; la fonction n’est pas nouvelle, Gmail permettait déjà d’intégrer simplement un message à son agenda Google, mais l’interface d’Inbox est conçue pour le faire de manière simple et rapide.

Autre nouveauté importante, Inbox incite très fortement ses utilisateurs à utiliser une « deuxième boîte de réception », à laquelle on accède d’un simple clic, et qui a vocation à accueillir les messages épinglés par l’utilisateur. Là encore, la pratique n’est pas entièrement nouvelle : les utilisateurs de Gmail peuvent depuis longtemps utiliser l’option « boîte de réception multiple », qui permet de créer des boîtes de réception additionnelles, pour accueillir par exemple des messages d’un expéditeur défini ou ceux marqués comme « importants ». Mais cette fonction était jusque-là peu mise en avant par Google : pour l’activer, il fallait configurer l’option dans le « labo » de Gmail, et elle était mal intégrée dans les applications mobile de Gmail.

Si l’interface d’Inbox est assez déroutante au premier abord, elle sera très familière aux gros consommateurs d’e-mails qui utilisent déjà Mailbox, l’application synchronisée avec Dropbox qui permet de trier rapidement ses messages. Les interfaces sont très proches : on glisse rapidement vers la gauche ou la droite pour archiver ou au contraire conserver un message.

Objectif « e-mail zéro »

Les deux applications s’appuient – à quelques nuances près – sur une même philosophie : celle de « l’inbox zero », une pratique qui a fait l’objet de centaines d’articles et de livres. Son principe est simple : considérer qu’une boîte de réception trop remplie, notamment dans le domaine professionnel, est une source de stress et d’improductivité.

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Les tenants de « l’inbox zero » – parmi lesquels on compte Randi Zuckerberg, la sœur du créateur de Facebook – visent donc à faciliter la gestion des messages pour éviter que ces derniers s’empilent... Il faut donc, à chaque fois que l’on reçoit un message, le « traiter ». Pour ce faire, plusieurs possibilités s’offrent à vous :
◾Vous supprimez les e-mails publicitaires qui ne vous intéressent pas et le « spam »
◾Vous archivez les messages déjà lus ou traités
◾Vous répondez aux e-mails en souffrance d’une réponse, remplissant ainsi la tâche demandée, avant d’archiver la conversation
◾Vous transformez l’e-mail en tâche dans une liste de rappels avant, encore une fois, d’archiver
◾Vous demandez à l’application de vous renvoyer l’e-mail à une date ultérieure, libérant ainsi votre boîte de réception du message encombrant

L’effet final sera de vous retrouver, une fois à jour de vos e-mails traités de manière rationnelle, avec une boîte de réception vide, la fameuse « inbox zero », tranquillisante, car on ne se demande plus si l’on n’a pas oublié un message important caché dans le flux continu de courriers électroniques.

Lire notre éclairage sur le concept d’« inbox zero »

De manière assez surprenante, pour une application qui épouse une philosophie plutôt issue du monde de l’entreprise, Inbox n’est pas disponible pour l’instant pour les messageries Gmail d’entreprise. Seuls les comptes personnels peuvent y avoir accès, après inscription sur une liste d’attente. Pour demander un accès, il suffit d’écrire à l’adresse inbox@google.com.

L’Inbox façon Google diffère cependant de celle proposée par Mailbox sur certains points. Notamment parce qu’Inbox est totalement intégré aux autres services du géant américain, et vice-versa. L’interface Web permet par exemple de lire directement les vidéos YouTube dans le corps d’un courriel, et les messages Hangout apparaissent également sur la page, tout comme dans Google+.

Surtout, là où Mailbox incite clairement ses utilisateurs à parvenir à la « boîte de réception vide », Inbox se montre beaucoup moins directif. Le service met beaucoup plus l’accent sur les fonctions de tri – l’utilisateur n’est pas tant incité à vider sa liste de messages qu’à s’assurer que chacun est bien rangé « à sa place » et traité avec l’importance qui lui est due.

Dix ans après Gmail, difficile donc de voir en Inbox une nouvelle « révolution de l’e-mail ». L’application de Google ne se présente pas, comme Gmail à son lancement, comme « un outil qui va changer la manière dont le courriel fonctionne ». Pour ce nouveau service, Google a choisi un slogan nettement plus modeste : « Une boîte de réception qui s’adapte à vos besoins. »

Damien Leloup
Journaliste au Monde


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