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25 octobre 1854. Avec la charge de la brigade légère, Lord Cardigan entraine ses hommes dans la mort.

samedi 25 octobre 2014

Davantage préoccupé par son uniforme que par les exercices militaires, l’homme est l’archétype de l’aristocrate anglais incapable.

Le 25 octobre 1854, ils sont 673 cavaliers britanniques à faire face aux canons russes. Une boucherie les attend, mais, comme un seul homme, ils s’élancent à la rencontre d’une mort probable derrière leur chef, le comte de Cardigan. Aussi aveugles que les derniers socialistes restés fidèles à Hollande... C’est ce même Cardigan qui a laissé son nom à une veste de laine fermée sur le devant. La charge de la brigade légère reste l’illustration la plus magnifique de la bravoure imbécile en temps de guerre. Une adorable petite spécialité de nos amis britanniques, qui peuvent compter sur des soldats à la vaillance sans faille, trop souvent commandés par des officiers vains et médiocres.

La charge de la brigade légère se produit pendant la guerre de Crimée. L’Angleterre, la France, la Turquie et le royaume de Sardaigne combattent la Russie pour l’empêcher de s’emparer des détroits des Dardanelles et du Bosphore. Un ordre mal transmis fait croire au major général James Thomas Brudenell, septième comte de Cardigan, qu’il lui faut charger les batteries ennemies en train de se replier. Le fier officier, éblouissant dans son uniforme rutilant, se place à la tête des 4e et 13e régiments de dragons légers, du 17e régiment de lanciers et des 8e et 11e régiments de hussards. À son signal, ses hommes entament une chevauchée fantastique de 1 500 mètres sous le feu ennemi. Les Russes les attendent de pied ferme non seulement de front, mais aussi planqués de part et d’autre de la vallée. La charge est un suicide. Mais pour Cardigan, un ordre est un ordre. Les 673 cavaliers poursuivent leur attaque, sabre au clair.

Entrailles et têtes qui roulent

Présent, le correspondant du London Illustrated News raconte : "Nous pouvions difficilement croire au témoignage de nos sens ! Forcément, cette poignée d’hommes n’allait pas charger des ennemis en position ? Hélas, ce n’est que trop vrai... Ils ont avancé sur deux lignes, accélérant le rythme au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient de l’ennemi... À 400 mètres, toute la ligne ennemie vomissait, depuis trente bouches de fer, un nuage de fumée et de flammes dans lequel sifflaient les balles mortelles." La première ligne des attaquants est décimée. Les cavaliers tombent comme des mouches. Les chevaux s’abattent avec des hennissements de douleur. Les entrailles volent dans le ciel, les têtes roulent sous les sabots. Mais un Anglais ne recule pas. La deuxième ligne de la brigade légère dépasse la première, décimée. La mort déboule de tous les côtés, devant, à gauche, à droite. Après la bataille, les Russes diront avoir cru les cavaliers britanniques ivres pour se ruer ainsi tête baissée vers la mort. Borloo dément...

Malgré les pertes effroyables, de nombreux cavaliers atteignent la batterie russe où ils sèment la mort à coups de sabre, avant de faire demi-tour pour regagner les lignes britanniques. Leur calvaire n’est pas achevé pour autant. C’est maintenant la cavalerie russe - plus de 5 000 hommes à cheval, dit-on - qui leur tombe sur le cardigan. Une mêlée confuse s’ensuit. Voilà qui ne gêne pas les artilleurs russes, qui continuent à tirer dans la masse, massacrant amis et ennemis. Néanmoins, des cavaliers britanniques, dont lord Cardigan, parviennent à échapper au carnage. Cette petite plaisanterie a coûté aux Britanniques 118 hommes, 127 blessés et 362 chevaux perdus. Soit un taux de perte de 36 % pour les hommes (avec les blessés) et de 54 % pour les animaux. Mais au moins la charge inspire-t-elle un magnifique poème à Tennyson. C’est déjà ça...

Défilé de mode

S’il mène la charge jusqu’à l’artillerie russe, Cardigan est aussi le premier à faire demi-tour, abandonnant derrière lui ses hommes encore sous le feu ennemi. Ce n’est pas tout : dès le retour au camp, il s’empresse de quitter les survivants pour regagner son luxueux yacht, le Dryad, qu’il a fait venir d’Angleterre. Il rate même la bataille suivante. Le problème avec lord Cardigan, c’est que pour lui, la guerre est plus un défilé de mode qu’un défilé militaire. Il est davantage préoccupé par son uniforme que par les exercices martiaux. Ce n’est pas un hasard s’il partage son coiffeur avec Dominique de Villepin... James Thomas Brudenell est l’archétype de l’aristocrate arrogant et extravagant. Son commandement est marqué par une magnifique incompétence, en dépit de sa bravoure et de sa générosité envers ses hommes.

Il commence sa carrière militaire en 1819, à l’âge de 22 ans, quand il délaisse sa PlayStation 3 pour s’offrir une vraie troupe à cheval. Cinq ans plus tard, il rejoint l’armée britannique. Grâce à sa fortune, il achète ses brevets d’officier, devenant ainsi lieutenant-colonel dès 1830, mais sans grande expérience. "Et alors ?" interroge François Hollande. Enfin, le 16 mars 1832, le voilà commandant du 15e régiment de hussards du roi pour la somme de 35 000 livres. Totalement incompétent en matière militaire, il se retrouve à commander des officiers aguerris. Pour asseoir son autorité, il réclame une obéissance aveugle, punissant ses hommes au moindre écart. Tellement peu à propos que, deux ans plus tard, le roi en personne le démet de son commandement. Mais le bougre ne renonce pas pour autant : grâce à ses hautes relations à la cour, il parvient à se faire confier le 11e régiment de dragons légers en poste en Inde. Le temps de participer à deux ou trois chasses au tigre, voilà son régiment de retour en Angleterre. Bien entendu, il ne saurait être question pour lui de partager la "bétaillère flottante" de ses hommes, il loue son propre navire.

Brutalité, générosité et incompétence

Durant les deux années suivantes, il ne passe que quatre semaines avec ses soldats. Pour autant, il les bichonne comme une troupe de théâtre, leur offrant des uniformes chatoyants coupés par Lagerfeld. Ce qui, au passage, lui attire la rancune de ses officiers, qui n’ont pas tous les moyens de se payer un uniforme plus rutilant que celui de leurs hommes. Autant il peut être brutal avec les officiers qui désobéissent à ses consignes, autant il peut être généreux avec ceux qui ont besoin d’aide. Cependant, l’animosité monte contre lui lorsqu’il triche lors d’un duel avec un de ses anciens officiers et que la Chambre des lords devant laquelle il comparaît l’innocente à l’unanimité, uniquement en raison de sa condition aristocratique.

Après la charge vaine de la brigade légère, lord Cardigan continue à faire parler de lui en Crimée pour son incompétence. Bien que ses hommes manquent de nourriture et de vestes chaudes pour affronter les rigueurs de l’hiver, il refuse d’envoyer des soldats au ravitaillement, faute d’en avoir reçu l’ordre de l’état-major, en raison du risque d’une attaque surprise par l’ennemi. De même laisse-t-il de nombreux chevaux mourir de faim, faute de faire chercher de l’avoine. Finalement, prétextant un problème de santé, lord Cardigan est autorisé à regagner la mère patrie.

Invité par la reine Victoria

L’écho de l’exploit de la brigade légère ayant eu le temps de se répandre en Angleterre avant son arrivée, le major général James Thomas Brudenell est accueilli en héros. Les foules se déplacent pour l’acclamer. Même la reine Victoria se fend d’une invitation à Windsor le 16 janvier 1855. S’il prend soin de paraître modeste devant la reine, il fait le kéké à l’occasion d’un banquet donné en son honneur à Mansion House. Lors d’un discours donné dans sa ville natale du Northamptonshire, il va jusqu’à se décrire en train de partager les privations de ses hommes. Il ose même affirmer qu’il a poursuivi les Russes jusqu’à la rivière Tchernava. C’est Hollande expliquant comment il a gagné à lui seul la guerre du Mali...

Durant plusieurs mois, les sornettes de lord Cardigan lui valent une intense admiration du peuple anglais. Il est fait chevalier de l’Ordre du bain. Des milliers de gravures le représentant à la tête de la brigade légère se vendent comme des petits pains. Tout le monde veut se procurer la veste qu’il est supposé avoir portée lors de sa charge, le "cardigan". Mais, progressivement, la vérité se fait jour. Lorsqu’ils reviennent à leur tour au pays, ses officiers, abasourdis par son culot, révèlent la vérité : l’absurdité de la charge et la conduite peu vaillante du comte. Ces révélations n’empêchent pas ce dernier de se comporter avec son arrogance habituelle, traitant de haut ses détracteurs. Durant les cinq ans qui suivent, il reste à son poste. Bien mieux : son obsession méticuleuse pour l’uniforme et les parades se répand dans toute la cavalerie britannique. Il est fait colonel, puis, lors de sa retraite, en 1860, il atteint le grade de lieutenant-général. Il meurt le 28 mars 1868 d’une chute de cheval. Enfin.
C’est également arrivé un 25 octobre

1978 - Sortie du film La cage aux folles d’après la pièce de Jean Poiret.

1917 - Les bolcheviks de Lénine prennent le pouvoir à Saint-Pétersbourg.

1905 - Création de la Fédération protestante de France.

1881 - Naissance de Pablo Picasso.

1838 - Naissance du compositeur de Carmen Georges Bizet.

1836 - L’obélisque de Louxor, offert par le vice-roi d’Égypte, est installé sur la place de la Concorde à Paris.

1824 - Ouverture du premier grand magasin au monde à Paris, La Belle Jardinière.

1722 - Sacre de Louis XV, âgé de 12 ans.

1586 - La reine d’Écosse, Marie Stuart, est condamnée à mort.

1415 - La chevalerie française est écrasée par les troupes d’Henri V à la bataille d’Azincourt.

732 - Charles Martel bat les Arabes à Poitiers.


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