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20 septembre 1946. Ouverture du premier Festival de Cannes avec 7 ans de retard.

vendredi 19 septembre 2014

Le 1er septembre 1939, jour prévu pour l’inauguration du Festival du cinéma de Cannes, le Führer envahit la Pologne.

C’est à croire qu’Adolf Hitler n’aime pas le cinéma : il choisit précisément le 1er septembre 1939 pour lancer ses panzers sur la Pologne, le jour prévu pour l’inauguration du premier Festival de Cannes ! Philippe Erlanger, directeur de l’Association française d’action artistique, à l’origine du festival, est désespéré. Il demande en vain à Depardieu d’intervenir auprès de son pote Staline... L’inauguration est d’abord reportée de dix jours, puis de quinze. Le festival est reprogrammé à Noël, puis en février. Pâques est sa dernière chance. Mais Hitler, ayant eu vent de l’affaire, envahit la France en mai. Erlanger est contraint de déposer définitivement les armes... Pour autant, il ne désespère pas. Il se planque, survit à la guerre. Dès les armes et Hitler enterrés, il se remet à l’ouvrage.

C’est ainsi que, le 20 septembre 1946, le Festival de Cannes frappe enfin les trois coups. L’homme sans qui Cannes ne serait qu’une ville de vieillards est né en 1903 dans une riche famille de banquiers juifs ayant fait fortune durant le Second Empire. Pourtant, le jeune Erlanger n’est pas intéressé par la banque. Lui, c’est un artiste. À 24 ans, il entre au service d’action artistique des Beaux-Arts. En 1938, son ministère l’envoie assister au Festival de cinéma de Venise qui se tient depuis 1932.

Le jeune garçon est affreusement scandalisé par le palmarès, qui récompense deux films de propagande fasciste : Les dieux du stade de Leni Riefenstahl et Luciano Serra, pilote de Goffredo Alessandrini. Erlanger revient à Paris en se promettant de tout faire pour créer en France un festival international digne de ce nom. À force de remuer ciel et terre, appuyé par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts Jean Zay, il parvient à ses fins. Louis Lumière accepte la présidence du festival. De nombreux pays ont promis d’envoyer des films. Cannes propose son casino, les chemins de fer s’engagent à transporter gratuitement les stars et les jurés. Bref, tout est prêt pour faire la fête sur la Croisette quand, patatras, ce mauvais joueur d’Hitler en décide autrement.

Une France dévastée

Dès 1945, quand le fracas des armes se tait, Erlanger est de nouveau sur le pont. Il convainc le gouvernement provisoire de se lancer dans cette nouvelle bataille, car d’autres villes à l’étranger envisagent également de créer un festival de cinéma : Monte-Carlo, Bruxelles, Bâle et d’autres... Dès le 13 juillet 1945, le comité du Festival international de Cannes se réunit dans l’espoir d’une programmation à l’automne. Peine perdue, la France est dévastée et exsangue financièrement. Pire que sous Hollande... oui, oui c’est possible ! Par exemple, le casino de Cannes montre encore d’affreuses blessures de guerre et tous les hôtels de la ville sont occupés par les GI en convalescence. Erlanger doit repousser le Festival de six mois, jusqu’au printemps suivant. Mais c’est encore trop tôt. La France panse ses plaies et les pays européens ne sont pas prêts pour envoyer des délégations. Ce sera donc pour l’automne.

Une catastrophe car c’est à ce même automne que la Biennale de Venise a prévu de se relever. Pas question de se faire griller par un pays qui a perdu la guerre et dont le cinéma s’est mis au service du fascisme. Alors, Erlanger saute dans un avion pour trouver un terrain d’entente avec les Italiens. Il exige que la Mostra 1946 ne soit plus qu’un simple festival national sans grand prix. À la rigueur, les meilleurs films auront droit à une médaille d’or. Il demande également que la Mostra soit retardée pour se dérouler après le Festival de Cannes. Un contrat est signé entre les deux parties. Erlanger rentre à Paris, rassuré. Il a tort, car les Italiens ne sont pas disposés à se faire marcher dessus par des Français. Peu après, ils annoncent que leur festival ouvrira, comme prévu, le 30 août. Berlusconi a même déjà réservé une vingtaine de starlettes pour une petite soirée bunga-bunga. Erlanger repart pour Rome.

Compromis

On discute franchement, sans faire de cinéma. Un compromis est trouvé. Cette année, Cannes conserve l’exclusivité d’une dimension internationale, mais, l’an prochain, ce sera au tour des Italiens. Du coup, il n’est pas gênant que la Mostra, à vocation purement nationale, ouvre le 31 août, avant Cannes. C’est ainsi que le premier Festival international de Cannes ouvre ses portes le 20 septembre 1946. Le ministre du Commerce s’exclame avec fierté devant la foule d’invités : "Je déclare ouvert le premier Festival... de l’agriculture !" Avant de se reprendre piteusement : "... de Cannes". Les tirailleurs sénégalais de l’infanterie de marine défilent sur la Croisette devant une foule curieuse. La cantatrice américaine Grace Moore entame la Marseillaise. C’est la fête. De nombreuses vedettes ont fait le déplacement : Michèle Morgan, Édith Piaf, Jean Cocteau et bien d’autres... Déjà, les délégations font l’assaut des réceptions. Les Soviétiques offrent caviar et vodka à volonté. Beigbeder est ramené au petit matin en brouette jusqu’à son hôtel.

Entre deux réceptions mondaines, des projections ont lieu. C’est un bordel monstre. Les resquilleurs sont légion, les projections sont émaillées d’innombrables incidents : bobines interverties, quand elles ne sont pas égarées, son absent, projection hors de l’écran... Il faut dire que les projectionnistes qui aident ont été recrutés parmi les jardiniers de la ville. Quand le film russe La prise de Berlin de Youli Raïzman est interrompu en raison de plusieurs coupures de courant, les Soviétiques crient au sabotage et menacent de se retirer. Les Américains en font autant quand on oublie de projeter une bobine du film d’Hitchcock. Les amerloques et les ruskovs se soupçonnent mutuellement. C’est le vrai début de la guerre froide...

Finalement, le jury peut assister à la projection des 45 longs-métrages envoyés par 19 pays. Pas encore de palme d’or à l’époque. Onze films se partagent le grand prix (Le poison de Billy Wilder, La symphonie pastorale de Delannoy, Rome ville ouverte de Rossellini, Brève rencontre de David Lean...). Celui de la mise en scène revient à René Clément pour La bataille du rail, les prix d’interprétation à Michèle Morgan et Ray Milland. Toutes les nations repartent avec un grand prix. Bref, le 5 octobre, tout le monde tombe d’accord pour déclarer que le premier Festival de Cannes est un franc succès. La Mostra de Venise est éclipsée. Philippe Erlanger nage dans le bonheur. Pas pour longtemps. Quand on apprend en France son deal avec les Italiens qui fait du Festival de Cannes un simple événement national en 1947, il s’en prend plein la figure. Le malheureux sera traité de tous les noms.
C’est également arrivé un 20 septembre
2001 - Les talibans déclarent la guerre sainte aux États-Unis.

1973 - Sortie du film L’emmerdeur d’Édouard Molinaro, avec Lino Ventura et Jacques Brel.

1946 - Décès de l’acteur Jules Muraire, dit Raimu, à l’âge de 62 ans.

1934 - Naissance de Sophia Loren.

1910 - Lors d’une conférence sur le chômage à la Sorbonne, il est proposé la création d’une assurance chômage dans chaque pays industrialisé.

1899 - Dreyfus, gracié, est remis en liberté.

1863 - Décès de Jacob Grimm, linguiste et historien allemand, connu du public pour ses contes.

1792 - La France remporte la bataille de Valmy contre la Prusse.

1792 - L’Assemblée législative promulgue une loi autorisant le divorce.

1711 - Le corsaire malouin Duguay-Trouin prend et pille la ville de Rio de Janeiro.

1668 - Molière organise une représentation privée de son Tartuffe à la demande de Condé.

1565 - Les Espagnols massacrent les colons huguenots français de Fort Caroline, en Floride.

1519 - Magellan entame son premier tour du monde.


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