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Référendum écossais : les cinq raisons du non

vendredi 19 septembre 2014

La raison l’a finalement emporté sur la passion. Le « no » à l’indépendance écossaise est arrivé en tête, avec 55,3 % des voix à la suite du référendum du jeudi 18 septembre (contre 45 % pour le « yes »), évitant un tremblement de terre au Royaume-Uni

. Presque invisible, peu audible, la majorité silencieuse en faveur d’un royaume uni s’est mobilisée. Pourquoi ? Les cinq raisons des partisans du « no ».
◾Economique

De la dette aux réserves pétrolières, le vaste marchandage auquel aurait été confrontée l’Ecosse en cas d’indépendance a effrayé. Riche, le pays du whisky aurait pu perdre, en étant isolé, de sa prospérité : selon les derniers sondages avant le scrutin, seuls 35 % des électeurs étaient convaincus que l’indépendance améliorerait leur situation.

Le pétrole de la mer du Nord aurait-il suffi à faire vivre la région ? L’économie reste déséquilibrée avec un secteur bancaire hypertrophié : 1 254 % du produit intérieur brut (PIB), dont 800 % pour la principale banque écossaise, Royal Bank of Scotland (RBS). De quoi effrayer. En cas de tempête financière, l’Ecosse serait vulnérable. Conscientes du danger, la RBS et la Lloyds ont fait savoir qu’en cas de « yes », elles déménageraient à Londres. Peu importe le coût induit (estimé à 1 milliard de livres, soit 1,27 milliard d’euros chacune).

Au cœur des angoisses réside aussi la monnaie. Le Scottish National Party (SNP), parti indépendantiste au pouvoir, avait fait savoir qu’il souhaitait conserver la livre sterling au sein d’une union monétaire avec le Royaume-Uni, comparable à la zone euro. Mais l’Ecosse, tenue de respecter des règles strictes concernant ses finances publiques, aurait alors perdue de son autonomie budgétaire.

Le refus de Londres de se plier à cette option a fait imaginer le pire : une union monétaire informelle – un peu comme l’Equateur, qui utilise le dollar américain – obligeant le pays à accumuler d’immenses réserves de change afin d’être en mesure de lutter contre d’éventuelles attaques sur sa devise. Ou, dernière option, moins crédible : créer une nouvelle monnaie promise à des débuts chaotiques.
◾Politique

Le vote en faveur de l’indépendance porte l’étiquette du Labour. Nombre d’électeurs travaillistes écossais restent écœurés par le souvenir de la politique de Margaret Thatcher et veulent aujourd’hui s’éloigner de celle de David Cameron, de plus en plus eurosceptique. Mais tous les travaillistes n’ont pas fait le même calcul. « C’est justement pour dire “good-bye” à David Cameron et à sa politique qu’il faut rester dans le Royaume-Uni ! », estime l’eurodéputée travailliste écossaise Catherine Stihler. Les travaillistes, en force en Ecosse, pourraient peser aux prochaines élections, faire perdre M. Cameron, et empêcher la tenue du référendum sur le départ, ou non, du Royaume-Uni, de l’Union européenne, pense-t-elle.
◾Européenne

Les indépendantistes se sont présentés comme de fervents européistes. Soucieux de rester dans l’Union, leur vote visait, expliquaient certains d’entre eux, à échapper au référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’UE que David Cameron envisage d’organiser en 2017.

Mais rester dans l’Europe n’est pas une évidence. L’Ecosse isolée du Royaume-Uni serait de facto considérée comme un nouvel Etat. Dit autrement, il faudrait lancer un processus d’adhésion à l’UE. Accéléré ? Difficile à imaginer car il ne pourrait s’agir d’un « copier-coller » des conditions accordées au Royaume-Uni, avec ses dérogations concernant l’euro, Schengen. Les sociaux-démocrates et les conservateurs européens ont fait savoir qu’ils refuseraient d’emblée que l’Ecosse adopte le même statut que celui du Royaume-Uni

L’Europe, soucieuse d’éviter un nouvel épisode déstabilisant, n’a pas masqué son soulagement. « Ce résultat est bon pour l’Europe unie, ouverte et plus forte, que soutient la Commission européenne », a soufflé, vendredi, José Manuel Barroso.
◾Sociale

L’Ecosse, hors pétrole, est actuellement « subventionnée » par Londres. Les dépenses publiques par habitant y sont en moyenne de 1 300 livres (1 600 euros) plus élevées qu’en Angleterre. Sur cette base, le déficit de l’Etat écossais aurait été de 14 % du PIB en 2012-2013.

Grâce aux revenus du pétrole, le déficit public retombe à 8 % du PIB, selon les calculs des économistes du gestionnaire d’actifs Schroders, soit à peu près celui du Royaume-Uni aujourd’hui (7 %). Un niveau tout de même élevé, qui laisserait peu de marges de manœuvre budgétaires à une Ecosse devenue indépendante : elle n’aurait pas les moyens de financer un Etat-providence à la scandinave, avec un haut niveau de protection sociale, dont rêvent les indépendantistes. Et au-delà des grands discours, c’est de l’avenir de leurs retraites ou de la sécurité sociale que les Ecossais se sont inquiétés.
◾Royale

« Scottish saved the Queen ! » Indépendantistes ou non, les Ecossais à la réputation républicaine sont peu friands du folklore royal. Mais rien n’empêche d’imaginer que la deuxième grossesse de Kate Middleton, l’épouse du prince William, ait ému une partie des Ecossais. Et si la reine Elizabeth s’est bien gardée de prendre officiellement position, ses propos échangés à la sortie de la messe de l’église près de sa résidence de Balmoral, le dimanche 14 septembre précédent le scrutin, ont pu toucher certains sujets.

Tenue à « l’impartialité constitutionnelle », elle a toutefois glissé un message interprété comme un soutien au camp du non, invitant « les électeurs à réfléchir attentivement à leur avenir », après un office incluant une prière appelant Dieu « à nous garder des mauvais choix ».

En 1977, la reine s’était déjà prononcée en faveur de l’union alors que les électeurs d’Ecosse et du Pays de Galles s’apprêtaient à être consultés par référendum sur la création d’un Parlement local. Elizabeth II avait alors expliqué qu’elle « ne pouvait pas oublier qu’[elle] avai[t] été couronnée reine du Royaume-Uni ».

Claire Gatinois
Journaliste au Monde


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