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Des parlementaires haïtiens divisés sur la lettre des congressmen américains

jeudi 18 septembre 2014

Des parlementaires ont réagi à la lettre des congressmen américains exhortant le président du Sénat haïtien, Dieuseul Simon Desras, à tout mettre en œuvre pour faire adopter rapidement la loi électorale amendée. Si certains voient dans cette démarche une « ingérence » dans les affaires politiques du pays, pour d’autres, il s’agit d’une « attitude sensée et salutaire ».

Vingt-quatre heures après la publication du message des membres du Congrès américain pour exprimer leur préoccupation sur le retard pris dans l’organisation des élections cette année, des législateurs haïtiens (députés et sénateurs) ont émis leurs opinions. « Nous sommes en Haïti, a répliqué le député Sadrac Dieudonné, principal opposant à l’exécutif à la Chambre basse. Haïti est un pays indépendant. Haïti est jusqu’à présent un pays souverain même si cette souveraineté est hypothéquée. »

Le président du bloc Parlementaire pour le renforcement institutionnel (PRI), qui voit dans la démarche des parlementaires américains une « ingérence dans les affaires politiques du pays », reconnaît que « la 49e législature est exécrable, minable et médiocre ». Mais, presse-t-il de préciser, en même temps que c’est « une législature qui a fait ses preuves parce qu’il y a des parlementaires – députés et sénateurs – qui peuvent se mettre debout devant le Blanc [l’étranger], le regarder dans les yeux et lui dire voilà ce que nous voulons pour notre pays. »

Pour le député Dieudonné, ce qui fait la grandeur des nations c’est le respect des principes, le respect des normes, l’application de la Constitution et des lois. « Nous-mêmes, nous tenons à ce que notre Constitution et nos lois soient appliquées », a fait comprendre le député des Gonaives, qui estime que les sénateurs ne peuvent pas transiger sur l’application de l’article 289 pour former le Conseil électoral provisoire.

« L’exécutif et la communauté internationale ne veulent pas des élections »

De son côté, le sénateur François Anick Joseph estime que la démarche des parlementaires américains est bienvenue. Toutefois, a-t-il nuancé, « elle aurait été mieux appréciée si elle avait été adressée à l’exécutif », a-t-il dit, notant que « c’est l’exécutif qui n’a pas la volonté d’organiser les élections dans le pays ». « Nous croyons qu’il y a un autre geste que ces parlementaires auraient pu faire, c’est de demander à l’exécutif de prendre toutes les dispositions pour organiser les élections. Parce que si les élections ne sont pas encore organisées dans le pays, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de loi électorale. Il y a une loi électorale, celle du 27 novembre 2013 qui est toujours en vigueur. (…) En fait, ce n’est pas un problème d’amendement qui les empêche d’organiser les élections. Il y a tout simplement une volonté de ne pas organiser les élections dans le pays. »

Selon le sénateur de l’OPL, les congressmen recoivent de mauvaises informations. Il y a une propagande malsaine et antinationale qui vise à présenter les six sénateurs comme des kamikazes », a critiqué le sénateur François Anick Joseph, qui affirme que son parti s’inscrit en faux contre une telle allégation, estime néanmoins que les six sénateurs pouvaient de temps en temps changer de stratégie afin d’éviter que les gens pensent qu’ils sont les responsables du blocage politique.

D’après le sénateur de l’Artibonite, ce ne sont pas eux « c’est l’exécutif et la communauté internationale qui n’ont aucune volonté d’organiser les élections dans le pays ». Pour quelle raison ? De l’avis du sénateur, « la communauté internationale ne veut pas qu’il y ait des élections à la fin de l’année afin qu’il y ait un vide institutionnel à partir de janvier 2015 ». « Et à partir de ce vide institutionnel, croit-il, elle viendra avec une autre propagande orchestrée pour monter une Assemblée constituante en vue de faire une nouvelle Constitution, ce afin de créer une nouvelle République et instituer un nouveau régime politique en vue de faire ce qu’ils veulent dans le pays. Déjà, je les entends parler de leur préférence pour un vice-président en guise d’un Premier ministre. Ce qu’ils veulent commence déjà à prendre forme dans leurs différentes déclarations... », a indiqué le sénateur, sans langue de bois.

« Il n’y a pas d’ingérence »

« Je ne peux pas parler d’ingérence », a pour sa part avancé le sénateur Wencesclass Lambert, proche du pouvoir en place. Le sénateur du Sud-Est a rappelé que le Parlement haïtien fait partie de l’UIP (Union interparlementaire). A ce titre, fait-il remarquer, les congressmen américains peuvent entreprendre sans problème une telle démarche. « La démarche des sénateurs américains est, pour moi, une démarche salutaire. C’est une démarche sensée. Je crois que c’est de bonne grâce lorsque ces congressmen ont adressé une lettre au président du Sénat pour lui demander de parler avec les six sénateurs irréductibles, ce qui leur permettra de repenser leur diplomatie à l’égard des choses de ce pays », a indiqué le sénateur, notant que dans le domaine de la diplomatie parlementaire, un Parlement peut coopérer avec un autre Parlement.

Bertrand Mercéus
mbertrand@lenouvelliste.com

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