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En état végétatif depuis 16 ans, il réagit à Hitchcock

jeudi 18 septembre 2014

Grâce à l’IRM, des chercheurs ont repéré chez un patient aréactif une activité cérébrale équivalant à celle de personnes conscientes visionnant le film.

Que se passe-t-il dans la tête des personnes qui, au sortir d’un coma, se retrouvent plongées dans un état végétatif persistant ? Comment déterminer l’état de conscience de ces patients qui, bien qu’ayant souvent les yeux ouverts, ne semblent plus avoir aucune connexion avec leur environnement ? C’est pour répondre à cette délicate question qu’une équipe de chercheurs emmenée par le neuroscientifique Adrian Owen de l’université canadienne de Western Ontario a convoqué Alfred Hitchcock avec des résultats étonnants.

Les scientifiques ont d’abord proposé à une douzaine de patients, en bonne santé, de visionner quelques minutes de la série du maître du suspense Bang ! You’re dead !, sous imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRM) afin d’observer et d’enregistrer leur activité cérébrale pendant la diffusion. Un extrait justement choisi pour le suspense intense qu’il ménage. Un enfant de cinq ans y brandit une arme qu’il prend pour un jouet et met en joue, tour à tour, plusieurs personnes, dont sa mère. Le revolver appartient à son oncle, et le spectateur sait que des balles y ont été introduites. Le barillet, lui, a été tourné un certain nombre de fois. Le coup va-t-il partir ? Le passage est censé susciter de nombreuses réflexions chez celui qui le regarde.

Après avoir analysé l’activité cérébrale des volontaires ne présentant pas de lésion cérébrale, les chercheurs ont reproduit exactement la même expérience avec deux patients dans un état végétatif permanent, une jeune femme de 20 ans et un Canadien de 34 ans, Jeff Tremblay, vivant ainsi depuis une agression survenue alors qu’il n’avait que 18 ans. Résultats : si la première patiente n’a pas réagi de manière probante au visionnage, l’activité du cerveau de Jeff s’est révélée similaire à celles des douze personnes pleinement conscientes. "En fait, il est même presque impossible de distinguer son IRM de celle des autres", a expliqué Adrian Owen. Au moment où le suspense atteint son paroxysme, chez lui comme chez les autres, les scientifiques relèvent une intense activité des zones pariétale et frontale. Tout semble indiquer que le jeune homme est donc parvenu à suivre et à comprendre l’épisode diffusé.

De l’espoir pour toute une famille

Pour Adrian Owen, c’est la preuve que l’IRM peut aider à mieux cerner l’état de ces patients emmurés dans leur propre corps et, pourquoi pas, laisser envisager à terme une forme de communication avec eux. Pour améliorer leur prise en charge mais aussi pour répondre, un tant soit peu, aux angoisses des familles. C’est d’ailleurs les proches de Jeff Tremblay qui ont rendu publique son identité, alors qu’il n’était qu’un anonyme (comme c’est l’usage) dans l’étude publiée cette semaine par les Annales de l’Académie américaine (PNAS). Sur Twitter, son frère Jason remercie publiquement le neuroscientifique : "Merci à vous. [...] Vous nous avez fait le meilleur cadeau possible. Espoir renouvelé. Très reconnaissant." Il faut dire que, alors que cela fait seize longues années que Jeff Tremblay est en état végétatif, son père Paul n’a jamais cessé de l’emmener régulièrement au cinéma, en famille. Et il sait maintenant qu’il y a de très fortes chances que sa démarche ne soit pas vaine...


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