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Cri d’alarme des expropriés du centre-ville à l’occasion de la rentrée des classes

jeudi 11 septembre 2014

Réunis autour du Regroupement des citoyens du centre-ville (RCCV), une cinquantaine de riverains, « victimes de l’expropriation forcée » au centre-ville, ont élevé leurs voix, ce mercredi, pour exiger, une fois de plus, justice et réparation. Le secrétaire exécutif du bureau placé pour recevoir leurs doléances leur demande de continuer à déposer leur dossier au complet au bureau pour les suites nécessaires.

Une petite table et trois chaises installées sous des arbres au beau milieu des gravats à la rue de la Réunion, c’est dans ce décor, dans cette salle de conférence peu commode, que des expropriés du centre-ville ont reçu la presse, ce mercredi, pour faire passer leurs doléances. Ils sont une cinquantaine, majoritairement des femmes et une douzaine d’enfants qui ne savent pas encore si leur rentrée scolaire se fera le 15 septembre, le mois prochain ou l’année prochaine. Ils se présentent tous comme des propriétaires ou des locataires qui vivaient, avant le déguerpissement, aux rues de la Réunion, de l’Enterrement, du Champ de Mars et de Monseigneur Guilloux. Et tous ont des revendications, des griefs à faire passer.

« Nous sommes tous des victimes du déguerpissement forcé opéré par le pouvoir Martelly/Lamothe en date du 31 mai 2014 », a affirmé, d’entrée de jeu, Louicher Jean Joseph, qui fait office de coordonnateur général du RCCV. Nous sommes réunis aujourd’hui pour leur demander si nos enfants ne sont pas concernés par cette rentrée scolaire... »

Dressant une liste de huit considérants pour rappeler leurs péripéties depuis le jour de la démolition des maisons au centre-ville, M. Jn Joseph appelle ses collègues à la mobilisation pour trouver justice et réparation. « Après tout ce que le gouvernement vient de nous faire au centre-ville, si nous ne nous soulevons pas contre lui, c’est que nous ne sommes pas des hommes, a-t-il lancé comme pour ameuter les autres victimes contre le pouvoir – par allusion à une phrase célèbre de Dessalines à l’égard des habitants du Sud. Mais nous allons leur prouver que nous sommes bien des hommes… »

« C’est un bluff, c’est de la propagande », répond-il, illico, quand on lui rappelle que plusieurs propriétaires ont déjà été dédommagés par le biais d’un bureau mis en place pour recevoir leurs doléances. Mais Louicher Jn Joseph en a profité pour tirer à boulets rouges sur le pouvoir : « (…) C’est normal de faire de la propagande parce que c’est un gouvernement qui est toujours en campagne. Le petit groupe de gens qu’ils ont dit avoir dédommagés, sont des membres du gouvernement. Ce petit groupe est insignifiant par rapport aux 450 maisons qu’ils ont dit avoir détruites, aux 63 000 familles qu’ils ont mises dans les rues comme des chiens sans maître. Nos familles sont éparpillées chez des amis, nous continuons à dormir dans la rue, dans des conteneurs ou chez des amis… », a-t-il indiqué, rouge de colère, notant qu’ils ont donné tous les documents exigés pour le processus dexpropriation.

Très critique, lui aussi, contre le pouvoir, Maxo Laguerre qui dit avoir été propriétaire à la rue de l’Enterrement depuis 1969, a vertement critiqué la manière dont les autorités ont procédé pour faire cette expropriation. « …C’est un Etat dépravé, un Etat délinquant. Si l’Etat était responsable, il devrait penser à nous reloger avant de nous délocaliser et de nous jeter à la rue comme de vulgaires animaux », a-t-il martelé, indiquant qu’il est difficile pour beaucoup de propriétaires de trouver tous les documents exigés en raison du tremblement de terre de 2010 qui a tout chambardé.

« Je croyais qu’on allait procéder au moins de la même façon que les ONGs ont fait pour déloger et reloger les déplacés du séisme », a pour sa part concédé Louicher Pierre Charles, le visage émacié, qui se souvient encore, avec peine, de ce jour où des poids lourds du MTPTC les ont pris au dépourvu pour démolir leurs maisons. M. Pierre Charles, la quarantaine entamé, qui dit avoir vécu à la rue de la Réunion pendant 22 ans, estime que l’Etat doit « inévitablement » considérer le cas de toutes les victimes, qu’elles aient des papiers ou pas, qu’elles soient propriétaires ou locataires. « On ne peut pas nous jeter dans la rue comme ça, c’est de la méchanceté, c’est du non-respect pour nos droits. Il faut au moins nous aider à louer un appartement … », a déploré Pierre Charles.

« Seulement 213 propriétaires ont déposé leurs dossiers, 80 ont été dédommagés à date »

Selon le secrétaire exécutif du Comité permanent d’acquisition amiable (CAP) – bureau de doléances des expropriés –, Jasmin Eric, ledit bureau reçoit, depuis son ouverture en juillet dernier, une trentaine de dossiers chaque jour. « Nous avions en général plus de 400 propriétés que nous devions exproprier, ajoute-t-il, mais nous n’avons reçu que 213 dossiers. Ceux-ci sont déposés à la DGI mais beaucoup n’arrivent pas encore au bureau du notaire Jean Henry Céant. Dans ces 213 dossiers reçus, certains papiers manquent et beaucoup ne sont pas authentiques … Mais on a déjà payé pour environ 80 propriétés. »

Conscient que le processus de dédommagement prend du temps, le secrétaire exécutif appelle les propriétaires à mettre leurs documents en règle en vue de faciliter les responsables dans cette démarche. « Si vos papiers ne sont pas en règle, conseille l’ingénieur Eric, il faut retourner chez votre notaire pour régulariser votre cas. Vous devez présenter tous les documents exigés et ils doivent être authentiques. C’est vrai que le processus est lent mais une fois que vos papiers sont corrects, vous aurez satisfaction », a-t-il expliqué, appelant les concernés à la patience et au calme.


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