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André Glucksmann, le "nouveau philosophe" antitotalitaire, est mort

mardi 10 novembre 2015

Incarnation de l’intellectuel engagé et grande figure du mouvement des "nouveaux philosophes", André Glucksmann est mort dans la nuit de lundi à mardi à 78 ans, après avoir fait de la dénonciation des crimes du communisme et du totalitarisme le combat de sa vie.

"Mon premier et meilleur ami n’est plus. J’ai eu la chance incroyable de connaître, rire, débattre, voyager, jouer, tout faire et ne rien faire du tout avec un homme aussi bon et aussi génial. Voilà, mon père est mort hier soir", a écrit son fils, le réalisateur Raphaël Glucksmann, sur Facebook.

"Quand il était petit, il aurait dû mourir, puisqu’il était juif, d’une famille ne parlant pas français dans la France occupée", a-t-il raconté plus tard sur France Inter. "Il a même été mis dans les trains et sa mère a réussi à l’en sortir. Donc, il m’a dit que tout le reste, c’était du rab et que 70 ans de rab, c’était une chance incroyable et qu’il fallait la saisir pour en faire profiter d’autres qui avaient moins de chance que lui."

Malade, André Glucksmann ne faisait plus d’apparition publique ces dernières années. "Il avait plusieurs cancers, il s’est vraiment battu", a confié l’un de ses éditeurs.

Son dernier ouvrage, "Voltaire contre-attaque", publié il y a un an, montrait qu’il ne renonçait pas pour autant à défendre ses idéaux. Dans ce livre testament, il dénonçait "la fièvre identitaire" européenne et la politique devenue "art réactionnaire". Il plaidait pour l’universalisme des Lumières.

Cet homme "a toute sa vie durant mis sa formation intellectuelle au service d’un engagement public pour la liberté", a souligné François Hollande, tandis que Manuel Valls saluait celui qui "guidait les consciences".

L’ancien président Nicolas Sarkozy, que le philosophe avait soutenu en 2007 avant de s’en éloigner, a rendu hommage à son "courage" et à sa "lucidité intellectuelle".

Proche des "maos" français à la fin des années 1960, le philosophe avait rompu spectaculairement avec le marxisme au milieu des années 1970, dénonçant le Goulag, puis la tragédie des "boat people" fuyant le Vietnam communiste.

Un livre, l’un de ses plus connus, résume cette rupture. "La cuisinière et le mangeur d’hommes" (Seuil, 1975), où André Glucksmann expliquait que "le marxisme ne produit pas seulement des paradoxes scientifiques mais aussi des camps de concentration", avait fait l’effet d’une bombe au sein d’une intelligentsia française encore très influencée par le marxisme.

- ’L’homme de l’indignation’ -

Classé parmi les "nouveaux philosophes" aux côtés notamment de Bernard-Henri Lévy et Pascal Bruckner, il n’a pas cessé de dénoncer l’idéologie communiste, puis le totalitarisme.

"Il vivait tout entier pour les idées qu’il défendait et il les défendait avec la même intransigeance", s’est souvenu Pascal Bruckner. "Il était l’homme de l’indignation et de l’engagement intégral."

Il était "le seul de mes contemporains avec lequel j’avais le sentiment de partager le même souci du monde et de l’autre", a expliqué à l’AFP BHL, "bouleversé".

De l’anticommunisme, son combat se déplacera naturellement vers l’antitotalitarisme et la défense des droits de l’Homme. En 1977, il réussit à réunir la grande figure des intellectuels de gauche Jean-Paul Sartre et le philosophe libéral Raymond Aron. Il les emmène à l’Elysée pour convaincre le président Valéry Giscard d’Estaing d’intervenir pour aider les réfugiés vietnamiens.

N’hésitant pas à s’exprimer sur les plateaux de télévision pour défendre les causes auxquelles il croyait, il sera de tous les combats contre le totalitarisme. Il soutient l’intervention occidentale contre la Serbie en 1999 pour défendre la minorité kosovare. Il défend également l’intervention américaine en Irak contre le régime de Saddam Hussein en 2003, puis l’opération en Libye visant à se débarrasser de Mouammar Kadhafi.

Après la chute du communisme et la fin de l’URSS, il dénonce l’autoritarisme du président russe Vladimir Poutine.

Un peu seul dans ce combat, il soutenait la cause indépendantiste tchétchène.

"Il fonçait dans chaque cause sans jamais prendre de recul mais, après tout, l’engagement suppose toujours une part d’aveuglement et de risque", a commenté Pascal Bruckner.


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