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Afghanistan : rencontre historique entre le gouvernement et les talibans

mercredi 8 juillet 2015

Le Pakistan a confirmé qu’une rencontre avait eu lieu entre les deux parties près d’Islamabad, ce qui pourrait relancer les pourparlers de paix.

Une délégation du gouvernement afghan, emmenée par le vice-ministre des Affaires étrangères Hekmat Karzaï, s’est entretenue avec des membres de la rébellion des talibans à Murree, près de la capitale pakistanaise Islamabad, a confirmé dans un communiqué le ministère pakistanais des Affaires étrangères. Peu de détails ont filtré sur cette rencontre qui s’est étirée jusqu’à l’aube mercredi et s’est conclue par le partage du sehri, le repas traditionnel d’avant l’aube pris par les musulmans pratiquants au cours du mois de jeûne du ramadan.

Islamabad n’a pas dévoilé l’identité des participants talibans, mais a précisé que des observateurs chinois et américains étaient présents à cette rencontre, qualifiée par le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif de « percée » dans ce conflit qui secoue l’Afghanistan depuis la chute du régime des talibans en 2001. « Les participants ont échangé leurs points de vue sur la manière de ramener la paix et d’enclencher la réconciliation en Afghanistan », a expliqué la diplomatie pakistanaise, ajoutant qu’un deuxième round aurait lieu « après le ramadan », qui s’achève à la fin de la semaine prochaine.

Des représentants talibans et du gouvernement afghan se sont rencontrés plusieurs fois ces derniers mois au Qatar, en Chine et en Norvège. Mais c’est la première fois que Kaboul reconnaît publiquement que l’un de ses ministres négocie directement avec des représentants de ses ennemis talibans. Selon le journaliste pakistanais Rahimullah Yousufzai, spécialiste de la rébellion afghane, si les contacts et discussions restent « à un stade préliminaire », la rencontre de Murree n’en reste pas moins « un développement important » en vue d’éventuels pourparlers de paix.

Pourquoi les talibans sont si prudents

« Mais il y a toujours deux ou trois éléments à éclaircir », notamment « quel peut être le plan de paix » et « si les différentes factions talibanes approuvent ces discussions », souligne-t-il. Les divisions actuelles au sein du mouvement taliban, éparpillé entre les combattants restés en Afghanistan et les cadres plus anciens, réfugiés notamment au Pakistan et au Qatar, contribuent depuis plusieurs années à freiner les initiatives de paix.

Toujours réticent à s’exprimer sur ce sujet, le commandement central des talibans, surnommé la « choura de Quetta », du nom de la ville du sud-ouest du Pakistan où il serait réfugié, n’a ni condamné ni commenté les discussions de Murree. Selon Rahimullah Yousufzai, la délégation talibane y était composée de cadres vivant habituellement à Quetta et dans ses environs. La présence sur place de représentants de la branche des talibans en exil à Doha (Qatar), l’une des plus actives dans les initiatives de paix, n’a pas été confirmée.

D’autres éléments expliquent la prudence des talibans sur ce sujet, dont le silence depuis des années de leur chef historique, le mollah Omar, que des rumeurs annoncent régulièrement mort, et les rapports compliqués qu’ils entretiennent avec Islamabad. Le Pakistan, qui a aidé à la création des talibans dans les années 1990, est depuis longtemps accusé de les instrumentaliser pour défendre ses intérêts en Afghanistan, et notamment y lutter contre l’influence de son rival indien, allié du gouvernement de Kaboul.

Deux attentats avant la rencontre

Lorsqu’ils furent chassés du pouvoir par une coalition militaire emmenée par les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, beaucoup de chefs talibans se sont réfugiés au Pakistan, où un bon nombre vit toujours sous l’étroite surveillance d’Islamabad. Or, une partie des talibans accusent à mots couverts le Pakistan de vouloir orchestrer un processus de paix guidé par ses propres intérêts, et non dans celui de la rébellion et du peuple afghan qu’elle dit représenter.

Les talibans présents mardi à Murree « ne sont pas importants au sein de la rébellion » et « sont sous l’influence du gouvernement pakistanais », a ainsi pesté un cadre taliban. Autant d’éléments qui expliquent que les contacts entre Kaboul et talibans n’ont jusqu’à maintenant eu aucun impact sur le conflit en Afghanistan, où les rebelles ont redoublé d’ardeur et semblent avoir gagné du terrain récemment dans plusieurs provinces. Mardi, quelques heures avant la rencontre de Murree, deux nouveaux attentats rebelles contre des soldats de l’Otan et les services de renseignement afghans avaient ainsi fait au moins un mort et cinq blessés dans la capitale Kaboul.


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