MosaikHub Magazine

Adresse aux sociétés civiles des États représentés en Haïti Bloc-notes

mardi 19 janvier 2016

Dans le froid ou dans la chaleur, tu vis ta vie de citoyen, tes démêlés avec une réalité qui n’est pas sans difficultés, ne te permettant pas de t’informer au quotidien du sort des autres. Tu payes des gens pour s’occuper de tes relations avec les autres. Sais-tu ce qu’ils sont en train de faire en ton nom ? Ce qu’ils ont fait en ton nom ? Comment ils dépensent ton argent ? Quelle image ils donnent de ton pays ? Sais-tu qu’en ton nom, avec ton argent, ils ont cautionné toutes les dérives d’un exécutif ayant refusé systématiquement d’obéir au calendrier électoral fixé par la Constitution haïtienne ? Sais-tu qu’aujourd’hui, ils appuient ce même exécutif en fin de mandat pour la tenue « d’élections » présidentielles avec un candidat unique : celui du parti de l’exécutif ? Sais-tu que le conseil électoral qui organise lesdites élections est amputé de plusieurs membres démissionnaires, accusé de corruption et de favoritisme, décrié par les organisations de défense des droits humains et quasiment par l’ensemble de la société civile haïtienne ? Sais-tu que ce conseil électoral est défendu exclusivement par l’exécutif et tes représentants ? Sais-tu que si tes représentants continuent sur cette lancée et imposent le candidat unique comme président de la République d’Haïti, des Haïtiens risquent de mourir ? La population n’acceptera pas et manifestera son désaccord. Et le « président élu » devra tenter de s’imposer par la force. Sais-tu que les armes, c’est toi qui les payes en partie ? Et comment te sentirais-tu si l’ambassadeur d’Haïti dans ton pays ou à l’Union européenne disait ce qui allait se passer, comment cela allait se passer, et que cela devait se passer comme ça et pas autrement, dans ton pays ou dans l’Union européenne, et que vous n’aviez qu’à avaler la pilule et fermer vos gueules ? Si tes représentants parviennent à leurs fins, leur victime immédiate sera le peuple haïtien. Mais la victime collatérale, ce sera toi. Tu n’as déjà pas bonne presse dans le monde. On dit que tu as oublié Hugo, Paine et tant d’autres ayant écrit de très belles choses sur l’humanité qui ne peut être coupée en deux quand il s’agit des droits, de l’égalité. On dit que ton « bonjour » n’est pas la vérité, que tu peux inventer ici des armes de destruction massive, semer par là des grains qui tuent les produits agricoles que tu t’empresseras de remplacer par d’autres. Et que tu ne cites plus les grands textes de ton histoire que par hypocrisie, pour cacher sous de grands ou de faux principes tes besoins de conquête et de domination. Je préfère encore croire que tu es mal représenté et ne signes pas les crimes, les forfaitures qu’on a pu commettre en ton nom. Voilà pourquoi, cette semaine, nous allons, avec des amis, envahir (mais rassure-toi, ce n’est qu’une métaphore), tes journaux, tes réseaux sociaux, tes espaces de parole et d’écoute pour te mettre au courant de ce qui s’opère ici, sur cette terre d’Haîti, en ton nom, avec ton argent. Comme ça, tu pourras prendre position, si tu le veux, demander au moins des explications à tes représentants. Je ne peux terminer sans une adresse particulière aux peuples dont les États sont membres de l’OEA. Après tout, ils devraient être ceux qui nous comprennent le mieux. Savez-vous comment un grand poète haïtien qualifiait cette « organisation » ? Connaissez-vous le bruit qu’émettent les lèvres d’un Haïtien quand il doit enjamber quelque chose de sale qui traîne sur le sol ? Wouch ! Non, les peuples n’ont pas les représentants qu’ils méritent.
Antoine Lyonel Trouillot
zomangay@hotmail.com


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