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7 août 1595. Sans la moindre pitié, le bon roi Henri IV ordonne le massacre des Francs-Comtois

jeudi 6 août 2015

En guerre avec l’Espagne, Henri IV met à feu et à sang Arbois et les autres paisibles cités de la Franche-Comté espagnole.
Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Ah ! Le bon roi Henri IV ! Cet admirable père de famille qui se met à quatre pattes pour jouer avec ses enfants, cet insatiable séducteur qui roucoule devant chaque jupon, ce mécène des Restos du coeur qui offre une poule au pot à chacun de ses sujets, comme nous l’aimons... C’est notre roi préféré. Pourtant, il possède également une face sombre qui est tombée dans les oubliettes de l’histoire. Ce bon vivant est aussi un monstre qui massacre et rançonne des citadins paisibles, uniquement coupables de s’être refusés à lui. Comme tous les grands seigneurs de cette époque, le Béarnais commet des forfaits qui le mettraient, aujourd’hui, sur le même pied, que Hitler ou Staline.

Fin 1594, Henri IV déclare la guerre à l’Espagne pour récupérer à tout prix le comté de Bourgogne (aujourd’hui, la Franche-Comté). En janvier 1595, plutôt que d’envoyer ses propres troupes guerroyer, il lâche sur le pays ses deux alliés, les tristes sires lorrains de Tremblecourt et d’Haussonville. Ceux-ci massacrent et pillent la région sans vergogne. Aucune crainte de se voir condamnés par les Nations unies : Poutine veille... De nombreuses cités sont prises d’assaut dans un bain de sang. La population de Baulay est égorgée. Vesoul et plusieurs autres villes n’échappent à la mise à sac qu’en payant une forte rançon. Seules celles qui sont protégées par de hautes murailles, comme Dole et Gray, évitent la destruction totale. Selon un ancien traité d’alliance, les cantons suisses auraient dû venir au secours du comté de Bourgogne, mais ils font le mort.

En fin de compte, ce sont les Espagnols qui se réveillent pour éviter de perdre le comté. Le roi d’Espagne lève une armée qui ne fait qu’une bouchée des petites troupes d’Haussonville et de Tremblecourt. Du coup, le roi français est contraint de sortir du bois avec une véritable armée commandée par le maréchal de Biron. Il veut en découdre et faire raquer ces riches Francs-Comtois. La troupe espagnole, décimée par la maladie, est facilement vaincue. Henri IV a désormais les mains libres pour rançonner à sa guise les cités franc-comtoises.

Se payer sur la bête

Les bourgeois de Besançon acceptent rapidement de verser 30 000 écus en échange de leur tranquillité. Mais ceux d’Arbois n’ont pas l’intention de se faire racketter, serait-ce par le roi de France. Quand, le 4 août 1595, le maréchal de Biron s’établit dans les faubourgs de la cité, la population organise la défense. Tout le monde donne la main, hommes, femmes, enfants. Les assiégés refusent toutes les propositions de reddition et se paient même le luxe de tenter plusieurs sorties. Fureur de Biron qui attaque les faubourgs. Comme ses troupes essuient de lourdes pertes, il met le feu à plus de cent vingt maisons.

Dans la nuit du 6 ou du 7, le maréchal reçoit en renfort des canons qu’il met en batterie. Dès les premiers boulets, les Arboisiens, comprenant qu’ils sont condamnés, acceptent de déposer les armes après la promesse de Biron de ne pas massacrer la population et de ne pas toucher à ses biens. Tu parles, Charles ! Les troupes, qui ont l’habitude de compléter leur maigre solde - quand elles en touchent une - avec la rapine, s’empressent de piller la ville et d’occire les habitants qui auraient l’outrecuidance de protester.

Débarquant sur place le 9 août, le bon roi Henri IV laisse ses hommes se payer sur la bête. On les connaît, les promesses de Gascon... Et comme lui aussi doit faire face à de petits soucis d’argent, il exige une rançon de 10 000 écus, qu’il baisse magnanimement à 7 000 écus. Afin de se garantir de tout défaut de paiement, il prend plusieurs bourgeois en otages. Enfin, contrairement à toutes les promesses faites par Biron, Henri fait pendre Jean Morel, qui avait organisé la résistance de la cité.

À feu et à sang

Arbois n’est pas la seule cité martyre. Dans le sillage des Français, ce ne sont que morts et pillages. Château-Chalon est mise à feu et à sang. Le bourg d’Arlay, qui, le 15 août, ose défendre ses biens, est pris d’assaut et pillé. Le Béarnais réclame une rançon aux survivants s’ils ne veulent pas être passés au fil de l’épée. Pour montrer qu’il ne plaisante pas, le bon roi de France en fait occire deux cents, dont les corps sont jetés sous l’église de Saint-Claude.

Écoeuré par tant de barbarie, le recteur de l’hôpital du Saint-Esprit écrira dans ses Mémoires : "Jamais les eaux de la Garonne ne pourront laver le Béarnais d’un pareil méfait. Dieu lui fasse bonne justice." Ledit Béarnais s’en bat l’oeil et marche sur Lons. Menaçant d’égorger tout le monde, il obtient aussi sec la reddition de la cité et exige un tribut de 30 000 écus pour se retirer sans laisser de garnison sur place. Les échevins topent là à 25 000 écus. Mais le lendemain, le roi de France, oubliant l’accord, s’avance avec six canons pour investir la ville.

L’arrivée de renforts espagnols oblige Henri IV à se retirer de Franche-Comté en signant un nouvel accord de neutralité. Les Francs-Comtois retrouvent la paix, mais pas pour longtemps. En 1635, Richelieu remet le couvert en engageant la France dans la guerre de Trente Ans. Cette fois, ce sera la moitié de la population qui sera exterminée par l’armée française. Bachar el-Assad ne fait, malheureusement, qu’appliquer les bonnes recettes du passé. Décourageant...


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