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27 février 1854. Schumann saute dans le Rhin pour échapper à ses fantômes. Plouf !

vendredi 27 février 2015

Repêché avant de se noyer, le compositeur achève sa vie dans un asile, victime de graves hallucinations musicales qui le rendent fou.

Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos


Robert Schumann décide le 27 février 1854 de s’entraîner à plonger dans le Rhin. Pour l’instant, il sommeille dans sa chambre de sa maison de Düsseldorf sous la surveillance de sa fille Marie, 12 ans. Dans la pièce d’à côté, son épouse, Clara, reçoit le docteur Hasenclever et le compositeur Albert Dietrich. Ils sont venus prendre des nouvelles du compositeur qui souffre d’illusions auditives et de dépression depuis quelques jours. Pendant qu’ils s’entretiennent, Robert Schumann se lève sans que Marie pense à prévenir sa mère. Il quitte la maison de Bilkerstrasse en peignoir et en pantoufles, sans même un chapeau malgré le froid de canard et la pluie battante, pour se diriger d’un pas décidé vers le Rhin. Chez lui, on finit par s’apercevoir de sa disparition. C’est le branle-bas de combat ! Tout le monde s’affole et le cherche dans la maison, dans le voisinage.

Pendant ce temps, Robert Schumann s’est arrêté sur un pont qui enjambe le fleuve. Il jette d’abord son alliance à l’eau, puis plonge à son tour dans les eaux glaciales. Il veut la mort, le silence. Deux bateliers passant par là, n’écoutant que leur courage, se jettent à leur tour dans l’eau glacée pour lui porter secours. Ils le repêchent in extremis, devant même employer la force pour le ramener à terre car le candidat au suicide tente de leur échapper.

Acouphènes

Un témoin de la scène reconnaît Herr Schumann, qui, récemment encore, dirigeait l’orchestre symphonique de Düsseldorf. Le rescapé est ramené chez lui tout trempé. L’heure est grave. Clara est dans tous ses états. Elle fait appeler le docteur Böger pour assister Hasenclever. Tous deux connaissent bien les périodes sombres traversées par Robert, qu’ils ont réussi à calmer à plusieurs reprises ces derniers temps. Mais après cette tentative de suicide, ils tombent d’accord : cette fois, la folie de Schumann est à son paroxysme. Jusqu’à nouvel ordre, il doit être placé sous surveillance permanente, et Clara et les enfants doivent quitter la maison.

Il faut dire qu’au cours des dernières semaines la vie de Robert Schumann n’a pas été de tout repos. Il se plaint d’être poursuivi par des sons que personne d’autre ne perçoit. C’est insupportable. Ces sons deviennent des accords et, bientôt, des compositions entières. Cette musique résonne en lui comme une effroyable menace, allant jusqu’à le priver de sommeil. Alors, il boit, plus que de raison. Enceinte de leur huitième enfant, Clara est habituée aux fantômes de son époux. Avant même qu’ils ne soient mariés, Schumann avait déjà développé une tendance à l’hypocondrie et à la dépression depuis la mort de son frère et de sa belle-soeur en 1833. Voilà donc plus de vingt ans que ses démons lui font vivre un enfer, à lui et à toute sa famille.

Tantôt ils l’empêchent de parler, tantôt ils lui paralysent le dos. Jusqu’alors, ils finissaient toujours par décamper, mais cette fois les acouphènes ne veulent plus se taire. La veille de sa tentative de suicide, il demande même à Clara d’être interné, par peur de perdre le contrôle de lui-même et d’en arriver à lui faire du mal. Mais son épouse refuse, appelant le docteur Böger à l’aide... Une aide qui arrive trop tard, puisque, le lendemain, Schumann effectue le grand plongeon.

Interné

Après le drame, conformément à la recommandation des deux médecins, Clara quitte le domicile conjugal, laissant Robert sous la garde de deux hommes qui se relaient jour et nuit. Peu à peu, il semble retrouver son calme. Le lendemain, il note même un thème qu’il "entend" sur du papier à musique, ce sont les Variations des esprits. Malheureusement, les délires reprennent de plus belle, obligeant les médecins Hasenclever et Böger à chercher un asile pour leur patient. Malgré les protestations de Clara qui refuse d’envoyer le grand Schumann dans une institution, ce dernier est conduit le 4 mars à l’asile du docteur Richarz à Endenich, près de Bonn, où il continue de composer tant bien que mal. Sa famille guette les rares nouvelles des médecins, allant d’espoirs fous en découragements fracassants.

En 1855, Schumann improvise encore un peu au piano, mais tout est décousu, disloqué, sa musique vient d’une autre planète. Il perd bientôt l’usage de la parole, balbutie. Il ne mange plus grand-chose. Peu avant l’été 1856, son ami Johannes Brahms, qui s’occupe beaucoup de lui et de sa famille, lui rend visite. Désespéré, il l’observe relever compulsivement des noms dans un atlas et en dresser des listes alphabétiques comme un gamin. La folie a décomposé le compositeur. Le 29 juillet 1856, deux jours après la première visite de Clara, il meurt, dénutri et à bout de forces. Il n’a que 46 ans.

Pourquoi Clara n’est-elle pas venue le voir plus tôt ? Les avis divergent. Certains prétendent que les médecins l’en auraient empêchée, d’autres affirment que c’est elle qui refusait. Quoi qu’il en soit, elle écrit après cette dernière rencontre : "Il me sourit et d’un grand effort m’enserra dans ses bras. Et je ne donnerais pas cette étreinte pour tous les trésors du monde."

C’est également arrivé un 27 février

1980 - Gloria Gaynor reçoit le premier et dernier Grammy Award récompensant le meilleur disque disco pour I Will Survive.

1964 - L’Italie lance un appel pour un procédé capable de redresser la tour de Pise.

1958 - L’assurance automobile devient obligatoire en France pour tous les véhicules.

1936 - La Century Fox fait signer un contrat de 50 000 dollars par film à Shirley Temple, âgée de sept ans.

1933 - Le Reichstag - parlement allemand - est incendié. Hitler accuse les communistes pour faire arrêter 4 000 responsables du parti.

1897 - Madagascar devient française après l’arrestation de la reine Ranavalona III par Joseph Gallieni.

1879 - Découverte de la saccharine par l’Américain Constantin Fahlberg de l’université Johns Hopkins de Baltimore.

1848 - Pour lutter contre le chômage, la IIe République fonde les Ateliers nationaux chargés des grands travaux.

159 4- Sacre d’Henri IV à Chartres, car Reims relève des Guise, ses ennemis.


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