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25 août 1835. Découverte d’hommes chauves-souris sur la Lune, annoncée par le "New York Sun".

mardi 25 août 2015

C’est le premier grand canular de la presse : l’annonce de la découverte d’une civilisation lunaire par l’astronome sir John Herschel.
Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le 25 août 1835, en page 2 du New York Sun, les New-Yorkais découvrent un article intitulé "Découvertes célestes". Avec stupéfaction, ils apprennent que l’éminent astronome anglais sir John Herschel, disposant d’un tout nouveau télescope ultrapuissant, a observé sur la Lune des arbres, des océans bordés de plages, des chèvres, des bisons, des pélicans et même une ville peuplée d’hommes chauves-souris. On y aurait même vu François Hollande se planquer dans une grotte pour échapper à la honte planétaire...

Le quotidien s’arrache, les lecteurs ne peuvent croire à cette incroyable révélation. L’auteur de l’article explique qu’il a déniché son scoop dans un article publié par un journal scientifique d’Édimbourg. Son auteur, le docteur Andrew Grant, prétendrait avoir accompagné en janvier 1834 Herschel en Afrique du Sud, au cap de Bonne-Espérance, pour utiliser un nouveau type de télescope hyperpuissant.

Le New York Sun publie ainsi six articles qui multiplient les descriptions fantastiques. Notamment celle de chimères hommes chauves-souris. "Nous avons dénombré trois groupes de ces créatures, de douze, neuf et quinze chacun, marchant debout en direction d’un petit bois... Véritablement, elles ressemblent à des êtres humains, car leurs ailes ont maintenant disparu et leur attitude en marchant est à la fois droite et digne... Leur taille moyenne est de 1,20 mètre, elles sont recouvertes, à l’exception de leur visage, de poils brillants de couleur cuivrée et elles possèdent des ailes constituées d’une fine membrane, sans poils, reposant sur leur dos depuis le sommet des épaules jusqu’à leurs mollets. La figure, d’une couleur jaunâtre, est celle d’un orang-outang amélioré..."

Des bâtiments colossaux

D’après l’auteur, l’astronome aurait encore observé un temple bâti en saphir recouvert d’un toit jaune ressemblant à de l’or. Et ainsi de suite. Chaque jour, les lecteurs se précipitent sur la livraison quotidienne du Sun, complètement accros à l’histoire. Mais le septième jour, déception, ils apprennent qu’un incendie ayant endommagé le télescope, les observations ont cessé. On l’aura compris, cette histoire relève d’un merveilleux canular journalistique. Exactement un siècle avant celui d’Orson Welles qui décrit, à la radio, une invasion martienne de la Terre. L’auteur du canular pourrait être le journaliste Richard A. Lock, bien qu’il ne l’ait jamais avoué officiellement. Son intention première est probablement de publier une histoire sensationnelle pour augmenter les ventes du journal, mais il y a également une volonté de sa part de ridiculiser certaines théories astronomiques délirantes publiées à l’époque.

Comme la prétendue observation de bâtiments colossaux sur la Lune par un professeur d’astronomie de Munich. Ou encore celles du révérend Thomas Dick, se faisant appeler le "philosophe chrétien", ayant calculé que le système solaire abrite 21 891 milliards d’habitants, dont 4,2 milliards pour la seule Lune. S’il y en a un qui ne goûte pas le sel de la plaisanterie, c’est Edgar Allan Poe, qui accuse le "great moon hoax" (le grand canular de la Lune) d’être un plagiat de son propre canular publié deux mois auparavant dans le Southern Literary Messenger et intitulé Aventure sans pareille d’un certain Hans Pfaall. C’est l’histoire d’un jeune homme parti de Rotterdam en ballon pour débarquer sur la Lune parmi les Sélénites. Une nouvelle considérée comme l’un des premiers récits de science-fiction.

Une commission de Yale

Au début, l’astronome Herschel s’est amusé du canular en expliquant que ses observations personnelles ne pourraient jamais être aussi étonnantes. Mais à la longue, voyant que de nombreuses personnes tombaient dans le panneau, il a commencé à être ennuyé de voir son nom mêlé à cette plaisanterie. Plus amusant : une société de missionnaires se serait renseignée pour envoyer quelques-uns des siens sur la Lune. Une commission de scientifiques de Yale débarque un beau jour à New York pour demander au Sun de jeter un coup d’oeil sur les documents originaux. La direction la balade entre la rédaction du journal et l’imprimerie. Les savants finissent par rentrer à Yale, dégoûtés. Claude Allègre écrit au Sun pour demander à entrer en contact avec les Sélénites pour savoir s’ils souffrent, eux aussi, de l’effet de serre...

Les journaux rivaux, envieux du succès du Sun, se mettent à leur tour à publier des comptes rendus de l’observation scientifique, affirmant avoir eu, eux aussi, accès aux documents originaux. Menteurs ! Mais les voilà bien embêtés quand le New York Sun avoue la supercherie, le 16 septembre 1835. Aux dernières nouvelles, il paraît que le chômage aura disparu en 2025 et que la France rose inondera la Chine de sa production industrielle. Il n’y a pas que le Sun qui publie des bobards...


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