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24 mars 1998. Deux gosses déguisés en Rambo prennent d’assaut leur école dans l’Arkansas

mardi 24 mars 2015

Sujets aux moqueries, Drew, 11 ans, et Mitch, 13 ans, abattent trois fillettes et un professeur de leur école de Jonesboro, dans l’Arkansas.

Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le mardi 24 mars 1998, Drew et Mitch, revêtus de treillis militaires, abattent trois fillettes et une professeur d’anglais de leur école de Jonesboro, dans l’Arkansas. Planqués dans un bois à une vingtaine de mètres des bâtiments, ils tirent sur les élèves rassemblés comme s’ils jouaient à Killzone sur leur PlayStation. La petite Britney Varner, 11 ans, est la première à s’effondrer. Elle a juste le temps de s’accrocher à une camarade pour l’implorer dans un murmure, "Whitney, Whitney", avant de mourir. Un prof touché à l’abdomen crie aux élèves de s’enfuir. C’est la panique. Certains se jettent à terre, d’autres s’échappent à toutes jambes. Les enfants hurlent. Une professeur d’anglais, Shannon Wright, se jette devant une élève pour la protéger de son corps. Pour le prix de son courage, elle reçoit une décharge mortelle avant de rouler sur le sol. Couverte de sang, elle a juste le temps d’articuler avec peine : "Dites à Mitchell (son mari) et à Zane (son fils) que je les aime beaucoup... et dites à Mitchell de prendre soin de notre Zane." En moins d’une minute, les deux Rambo tirent 27 balles avec lesquelles ils descendent quatre personnes et en blessent une dizaine d’autres. C’est quand même plus amusant que de se bouffer des talibans sur un jeu vidéo ou d’aller à la chasse avec grand-père.

Le plus effrayant dans cette histoire, c’est que les deux gamins n’appartiennent pas à un gang des rues et ne présentent pas de graves troubles mentaux apparents. Ce sont simplement deux jeunes garçons habitant un trou de l’Arkansas où toute la population se retrouve à l’église ou au temple chaque dimanche. Andrew Golden est le fils d’un couple de postiers. Il adore son grand-père Doug, qui collectionne les armes à feu comme d’autres des timbres-poste. Il l’accompagne souvent chasser le canard. Malgré son jeune âge, Drew possède sa carabine. Son grand-père a promis de lui faire abattre son premier cerf à 12 ans !

Embuscade

Quant à Mitchell Johnson, il est élevé par une mère divorcée venue d’un autre bled de l’Amérique profonde. Au début, c’était un gentil garçon fréquentant l’église, mais il est vite devenu hargneux, agressif. Devant ses petits camarades, il se vante d’appartenir à un gang (ce qui est faux), de prendre de la drogue. Il aime s’infliger des blessures avec un couteau sur les bras. Les deux garçons, qui ont fait connaissance dans le bus scolaire, aiment agresser leurs camarades en leur assénant quelques bonnes vérités de leur cru : "Que t’es moche avec tes lunettes." Ou encore : "Espèce de bâtard, je vais te péter la gueule."

L’idée de l’embuscade revient, semble-t-il, au plus jeune des deux. La veille de Noël, Drew propose à son ami Mitch d’organiser un petit événement sympa pour terroriser les élèves et les profs qui ne les aiment pas. Pourquoi ne pas piquer des flingues pour tirer au-dessus de leurs têtes ? Son copain, pris de court, refuse tout net. Drew ne désarme pas pour autant. Il revient à la charge vers la mi-mars. Cette fois, Mitch trouve l’idée géniale, car il meurt d’envie de buter plusieurs de ses professeurs l’ayant puni récemment. Et puis il y a cette "petite salope" qui l’a largué comme un bouffon. Les deux garçons établissent leur scénario comme des pros. Ils imaginent de se poster dans un bois derrière l’école, puis de déclencher l’alarme anti-incendie pour obliger tous les élèves à sortir. Il n’y aura plus qu’à les tirer comme des lapins. Drew se charge des armes et Mitch de piquer la Dodge de sa mère pour s’enfuir. Ils prévoient également de se vêtir en treillis, d’emporter des vêtements de rechange, de la bouffe, des sacs de couchage pour se planquer durant plusieurs semaines en forêt.

Arsenal

La veille de leur opération spéciale, ils ne peuvent pas retenir leur langue dans le bus qui les mène à l’école. "Demain, vous saurez si vous devez mourir ou vivre." Mitchell précise : "Tous ceux qui me détestent et tous ceux que je n’aime pas vont mourir." Et encore : "Toutes celles qui ont cassé avec moi, je les tuerai demain." Les autres mômes prennent ces menaces pour une blague. Mais quels idiots ! N’ont-ils pas entendu parler de la jeune Brenda Ann Spencer, qui a canardé une école le 29 janvier 1979, tuant deux adultes, parce qu’elle n’aimait pas les lundis ?

Le lendemain, le mardi 24 mars, Drew et Mitch passent à l’action. Ils ont réglé leur affaire au quart de poil. Mitch part à l’école avec son petit frère, mais revient chez lui, expliquant à sa mère qu’il a raté le bus scolaire. Qu’elle ne s’inquiète pas : son beau-père, qui n’est pas encore parti, le déposera à l’école. Mensonge. Le jeune garçon repart au volant de la grosse Dodge familiale. À 13 ans, il sait déjà conduire. Il retrouve son complice près de chez lui. Tous deux s’introduisent alors chez Drew pour voler des armes, mais celles-ci sont enfermées dans un coffre qu’ils n’arrivent pas à fracturer. Qu’importe, ils vont emprunter celles du grand-père Doug, absent de chez lui. Les fusils sont reliés les uns aux autres avec un câble d’acier, mais l’enfant sait où est cachée la clef. Les deux gamins repartent avec un véritable arsenal : quatre pistolets et trois fusils, dont un à lunette télescopique, sans oublier les munitions. Mitch roule alors jusqu’à une petite route secondaire derrière l’école. Pendant qu’il transporte les armes sur le lieu choisi pour ouvrir le tir, Drew court à l’école pour se glisser dans sa classe.

Vers 12 h 30, Drew demande la permission de se rendre aux toilettes. Accordée. En fait, il déclenche l’alarme anti-incendie avant de rejoindre au pas de course son camarade planqué dans les sous-bois. Ils observent les classes sortir les unes après les autres. Les élèves patientent alignés les uns à côté des autres. Comme des pros, les deux petits salopards attendent que la porte de secours se referme. C’est alors qu’ils ouvrent le feu, oubliant de tirer au-dessus des têtes. Comme s’ils actionnaient la manette de leur console de jeu, ils visent méthodiquement leurs victimes. Quelques minutes après le début de la fusillade, la police débarque sirènes hurlantes. Deux flics se lancent à la poursuite du commando qui s’enfuit vers la Dodge. Ils rattrapent les deux gamins qui, après avoir hésité une fraction de seconde, laissent tomber leurs armes. Ils ont réintégré la réalité. Quelques mois plus tard, ils seront condamnés à la peine maximale prévue par l’Arkansas pour des mineurs meurtriers : emprisonnement jusqu’à la majorité, à 21 ans. Drew effectuera 10 ans de peine, contre 8 pour Mitch. Pas cher payé.


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