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22 septembre 1909. Le Christ apparaît au poète Max Jacob ami de Picasso, à Montmartre.

lundi 22 septembre 2014

Picasso et les autres amis du poète attribuent sa vision à l’éther dont il abuse. Même le curé refuse de le croire.

Le 22 septembre 1909, Max Jacob cherche ses chaussons dans l’effarant capharnaüm du gourbi qu’il habite au 7, rue Ravignan, à deux pas du Bateau-Lavoir où crèche son ami Picasso. Il se met à genoux, jette un coup d’oeil sous son lit, se relève. C’est à ce moment précis que le Christ lui apparaît. À Montmartre, au fils d’une Bretonne et d’un juif ! Christine Boutin se dit que c’est injuste, n’est-elle pas plus méritante qu’un misérable drogué... Les voies du Seigneur sont vraiment impénétrables. Max, lui, est sonné. Que Madonna apparaisse à son tour brandissant un crucifix ne le stupéfierait pas davantage. Le poète se signe, prie et s’habille pour aller annoncer la nouvelle à ses amis de la Butte. Inutile de dire que ceux-ci, rapins et écrivains pour la plupart, ricanent. Il l’accusent de s’être encore enfilé trop d’éther, le pauvre Max ! Dans ses Mémoires, Roland Dorgelès raconte : "Le jour où il a raconté que le Christ lui était apparu pendant qu’il était à genoux en train de chercher ses pantoufles sous le lit, tout le monde a cru à une mystification, à commencer par le vicaire de Saint-Jean-l’Évangéliste... Le pauvre juif dut attendre des années et une seconde vision - celle au cinéma où le Christ en robe blanche, raconta-t-il, s’assit près de lui - pour trouver un prêtre qui le juge sincère et prépare sa conversion."

Lors de sa vision, Max a 33 ans. Cela fait onze ans qu’il arpente misérablement la capitale après s’être enfui de Quimper. Il rêvait de devenir un "vrai" peintre, un "vrai" poète ou encore un "vrai" musicien. Il sera tout cela à la fois, mais aussi un amuseur. Max est homo, mais il le cache. Max est éthéromane, mais il le cache. Pas si libre que cela, Max... À Paris, il devient critique d’art, mais, très vite, il est viré pour trop de fantaisie. Il repart la queue basse pour Quimper, avant de revenir dans la capitale quelques mois plus tard. C’est qu’il est de la race des Sarkozy, ne jamais rester sur un échec... Il enchaîne les emplois misérables, crève de faim, s’installe à Montmartre pour fréquenter les chansonniers, les journalistes, les rapins. Il écrit un livre pour enfants, se met à peindre. Il touche à tout avec génie, mais ils sont peu à s’en rendre compte. Max découvre Picasso en visitant sa première exposition chez Ambroise Vollard, en 1901. C’est une révélation, un éblouissement. Il tombe en extase devant le génie créatif du petit Espagnol. Il le recueille même quelques jours dans sa chambre. "Il dessinait toute la nuit et, quand je me levais pour aller au magasin, il se couchait pour se reposer." Max accepte des petits boulots rien que pour nourrir son poteau Pablo. C’est l’amour entre les deux personnages. Entre le poète et le peintre.

"Je vous le jure, monsieur le curé, je l’ai vu"

Quand Picasso s’installe dans ce curieux immeuble aux longs couloirs de la place Ravignan, c’est Jacob qui le baptise du nom de Bateau-Lavoir. Dans l’atelier de son ami, il rencontre Apollinaire, André Salmon, Vlaminck, Derain, Van Dongen, Juan Gris, Utrillo, Valadon, Modigliani, le Douanier Rousseau et bien d’autres artistes. Il les charme tous avec son extraordinaire bagout... Le poète est un feu follet enchaînant pirouettes, blagues et histoires. Il ne s’arrête pas de parler, de blaguer, de faire assaut d’esprit. C’est plus fort que lui, il lui faut séduire. "Il avait le génie du comique. S’il rapportait la dernière discussion de sa concierge avec la dame du second, cela devenait une farce énorme qui dépassait en vérité burlesque les meilleures scènes d’Henri Monnier... Une fois lancé, il pouvait, à lui seul, improviser tout un spectacle. Il déclamait, chantait, imitait tour à tour la cantatrice du Trianon, son épicière refusant crédit", rapporte Dorgelès. Fabrice Luchini en est vert de jalousie...

En 1907, pour se rapprocher de Picasso, Max loue un cabanon au fond de la cour de l’immeuble du 7 de la rue Ravignan. Dorgelès y décrit un capharnaüm : "À ma première visite, je ne savais où m’asseoir : des habits sur le lit, des bouquins sur les chaises. La table était encombrée de fioles, de godets, de tubes, d’ustensiles de ménage. Des chaussures contenaient un sac de marrons grillés et une gouache séchait devant le poêle. Ce désordre avait même gagné les murs, où les signes du zodiaque se mêlaient à des maximes bizarres et des adresses de copains." C’est donc cet endroit si accueillant que le Christ choisit pour faire une apparition. Chez ce petit juif déjanté à l’esprit souvent embrumé d’éther. Curieusement, Jésus se montre en robe jaune avec des parements bleus. "Je vous le jure, monsieur le curé, je l’ai vu comme je vous vois", affirme-t-il au vicaire de Saint-Jean-l’Évangéliste. Celui-ci se permet de douter, même quand son curieux paroissien se jette à ses pieds en pleurant. Il faut dire que le prêtre l’avait croisé maintes fois en joyeuse compagnie dans le quartier. Désespéré, Max retourne chez lui, il trace sur le mur un cercle à la craie bleue, là où sa "vision christique" lui est apparue le 22 septembre 1909.

Max Jacob a une seconde vision du Christ, le 16 décembre 1914, pendant une séance de cinéma. Cette fois, le prêtre auquel il s’adresse le croit. Peut-être parce qu’il décrit Jésus habillé de blanc. Va savoir. Désormais, Max le juif peut poursuivre son éprouvant chemin de croix vers le catholicisme. Le 18 février 1915, il est baptisé au couvent de Sion, rue Notre-Dame-des-Champs à Paris, avec Picasso comme parrain. Enfin, en juin 1921, Max se retire à Saint-Benoît-sur-Loire, à l’ombre de l’abbaye bénédictine. C’est là qu’il sera arrêté par la Gestapo en février 1944, avant d’être déporté au camp de Drancy où il meurt le 5 mars 1944. Cette fois, son copain barbu le laisse bel et bien tomber...
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