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15 décembre 1809. Napoléon fait dissoudre son mariage avec Joséphine faute d’héritier

lundi 15 décembre 2014

Le vainqueur d’Austerlitz n’a pas pu empêcher les larmes de couler en annonçant sa volonté de séparation à l’impératrice.

Le 15 décembre 1809, les époux Bonaparte demandent la dissolution de leur mariage après plus de treize ans de vie commune. Mais après tout, ils n’ont pas à rougir. Ils sont quand même restés ensemble bien plus longtemps que François et Valoche... Attention, il s’agit bien d’une dissolution de mariage et pas d’un divorce ! En effet, si le Code civil de Napoléon autorise le divorce, il l’interdit aux princes et princesses de la famille impériale. D’où la nécessité d’une dissolution. L’empereur en est réduit à cette extrémité car sa vieille épouse est incapable de lui donner un héritier pour assurer sa dynastie. La cérémonie se déroule dans le grand cabinet de l’empereur, au château des Tuileries. Il est 21 heures. Toute la smala corse est présente : Louis (roi de Hollande), Jérôme (roi de Westphalie), Caroline (reine de Naples), Pauline (princesse Borghèse). Les deux enfants de Joséphine, Eugène et Hortense sont également présents pour soutenir leur mère. Dans un coin de la pièce, le groupe I Muvrini assure le fond musical. La cérémonie, purement civile, est menée par le prince archichancelier Cambacérès.

"J’ai perdu l’espérance"

L’un après l’autre, les deux époux lisent une déclaration qui justifie leur séparation par consentement mutuel. Chacun fait l’éloge de l’autre. C’est beau comme de l’antique. Napoléon est le premier à parler : "L’intérêt et le besoin de mes peuples, qui ont constamment guidé toutes mes actions, veulent qu’après moi je laisse à des enfants, héritiers de mon amour pour mes peuples, ce trône où la Providence m’a placé. Cependant, depuis plusieurs années, j’ai perdu l’espérance d’avoir des enfants de mon mariage avec ma bien-aimée épouse l’impératrice Joséphine ; c’est ce qui me porte à sacrifier les plus douces affections de mon coeur, à n’écouter que le bien de l’État et à vouloir la dissolution de notre mariage." Et il en rajoute : "Dieu sait combien une pareille résolution a coûté à mon coeur, mais il n’est aucun sacrifice qui soit au-dessus de mon courage." Il rend un vibrant hommage à son épouse : "Je n’ai jamais eu qu’à me louer de l’attachement et de la tendresse de ma bien-aimée épouse : elle a embelli quinze ans de ma vie ; le souvenir en restera toujours gravé dans mon coeur. Elle a été couronnée de ma main ; je veux qu’elle conserve le rang et le titre d’impératrice, mais surtout qu’elle ne doute jamais de mes sentiments et qu’elle me tienne toujours pour son meilleur et son plus cher ami."

C’est au tour de Marie-Josèphe-Rose de prendre la parole : "Avec la permission de notre auguste et cher époux, je dois déclarer que, ne conservant aucun espoir d’avoir des enfants qui puissent satisfaire les besoins de sa politique et l’intérêt de la France, je me plais à lui donner la plus grande preuve d’attachement et de dévouement qui ait jamais été donnée sur la terre. Mais la dissolution de mon mariage ne changera rien aux sentiments de mon coeur : l’empereur aura toujours en moi sa meilleure amie. Je sais combien cet acte commandé par la politique et par de si grands intérêts a froissé son coeur ; mais, l’un et l’autre, nous sommes glorieux du sacrifice que nous faisons au bien de la patrie." Après de si belles paroles, l’empereur et l’impératrice signent le registre, en écrasant une larme. C’était une époque où les épouses de chefs d’état savaient être congédiées sans courir chez un éditeur pour se faire un paquet de fric...

Waterloo morne plaine

En 1809, Napoléon et Joséphine sont mariés depuis treize ans. Leur passion mutuelle s’est muée en Waterloo morne plaine depuis longtemps. Durant les premières années de leur mariage, le jeune général est fou amoureux de sa créole. Elle a beau accuser six ans de plus, il est le loup de Tex Avery, hurlant de désir à la lune. Elle, c’est autre chose. Barras, qui veut s’en débarrasser, la présente à Bonaparte. Ce n’est pas qu’il lui plaît, mais il semble promis à une grande destinée, alors elle prend. C’était lui ou Montebourg... Dès que son époux tourne le dos pour batailler en Italie, elle le trompe allégrement. Lui ne commencera vraiment à se consoler dans d’autres bras qu’une fois consul, puis empereur. Au début, elle s’en fiche, puis curieusement elle devient jalouse.

Un soir de 1803, alors qu’il rentre dans la nuit d’une prétendue réunion avec Talleyrand, elle lui tombe sur le râble : "Au moins est-elle jolie ?" Surpris, il finit par se fâcher : "Puisque vous le prenez ainsi, madame, couchez chez vous et moi dans ma chambre." De ce jour, l’impératrice met sa jalousie en veilleuse, car elle se sent sur un siège éjectable. Elle sait que le petit Corse désire par-dessus tout un héritier pour lui transmettre son empire. Or, elle en est physiologiquement incapable. Du coup, pour se l’attacher, elle n’hésite pas à jouer la mère maquerelle, comme la comtesse du Barry avec Louis XV. En 1808, elle pousse Virginie Guilbaud, sa lectrice, dans le lit de l’empereur. Pas dupe, celui-ci s’en trouve même dégoûté. Il s’en souviendra à Sainte-Hélène : "En me donnant une maîtresse, Joséphine espérait me retenir, et par là empêcher le divorce. Franchement, je ne fus pas content de cette conduite."

Napoléon veut faire dissoudre son mariage, mais il ne sait pas comment l’annoncer à Joséphine. Empereur ou pas, il est comme la plupart des hommes, lâches sur le terrain de l’amour. Fouché, croyant bien faire, prend l’initiative en novembre 1807 d’inviter l’impératrice à demander elle-même le divorce. Elle l’envoie paître. Cependant, elle demande conseil à son fils Eugène, qui l’incite à jouer sur le sentimentalisme de son époux. Peut-être qu’en tenant le rôle de l’épouse obéissante elle parviendra à suffisamment l’attendrir pour qu’il renonce à son projet. Alors, Joséphine va trouver l’empereur : "Quand vous m’ordonnerez de quitter les Tuileries, j’obéirai à l’instant. Je suis votre femme, j’ai été couronnée par vous en présence du pape ; de tels honneurs valent bien qu’on ne les quitte pas volontairement. Si vous divorcez, la France entière saura que c’est vous qui me chassez, et elle n’ignorera ni mon obéissance ni ma profonde douleur." Pas mal joué.

Napoléon ne parvient toujours pas à trancher dans le vif. Un soir d’avril 1808, il craque même. Avant de se mettre au lit avec son épouse, il la presse sur sa poitrine en sanglotant : "Ma pauvre Joséphine, je ne pourrai point te quitter !" C’est elle qui doit le consoler et ramener à un comportement plus digne le vainqueur d’Austerlitz. Ségolène lui a appris que, dans une telle situation, il faut passer au vouvoiement : "Sire, sachez ce que vous voulez, et finissons de telles scènes !"

"La France entière veut le divorce"

Joséphine prend soin, dorénavant, d’adopter un comportement irréprochable. Elle ne sort plus, elle ne s’amuse plus, elle ne s’affiche plus avec Villepin, qui ne cesse de la poursuivre... Elle écrit : "Le coeur de l’empereur est tout pour moi. Si je dois le perdre, j’ai peu de regret à tout le reste. Voilà ma seule ambition, et mon coeur tel qu’il est. Je sais bien que ce n’est pas avec cette franchise qu’on réussit, et si je pouvais, comme beaucoup d’autres, n’être qu’adroite je m’en trouverais beaucoup mieux, mais je préfère conserver mon caractère. J’ai du moins l’estime de moi-même..." À la cour, dans tout le pays, on prend fait et cause pour l’impératrice.

Napoléon tergiverse à n’en plus finir. Il téléphone au prince Charles pour savoir comment il s’y est pris pour jeter Lady Di avant de rejoindre Camilla. Un meurtre ? Non, merci... S’il hésite à dissoudre son mariage, c’est qu’il a un gros doute sur sa fertilité. Et si c’était lui qui n’était pas capable d’avoir des enfants ? Joséphine le lui a laissé entendre plusieurs fois. À quoi bon divorcer et se remarier dans ce cas-là ? Il commence à se rassurer quand, en 1806, sa maîtresse, la très jeune Éléonore Denuelle de La Plaigne, lui donne un enfant, le futur comte Léon. Mais la jeune fille, très volage, a d’autres amants... Le doute n’est pas entièrement levé.

À l’automne 1809, la comtesse Marie Walewska lui annonce qu’elle est enceinte. Comme il sait être le seul coupable possible, il en conclut ne pas être stérile. Son sperme est parfaitement efficace. Youpi ! Voilà qui le rassure et lui donne suffisamment de courage pour quitter Joséphine. Il faut le lui dire, maintenant. Le 30 novembre 1809, il fait son annonce au cours du dîner. Elle se doute de quelque chose, l’atmosphère est tendue. Sans grande délicatesse, l’empereur délivre le boulet dévastateur. Elle répond par une crise nerveuse dont elle a le secret, avant de tomber évanouie. Le lendemain, Napoléon confie à sa belle-fille : "Mon parti est pris. Il est irrévocable. La France entière veut le divorce ; elle le demande hautement. Je ne puis résister à ses voeux. Aussi, rien ne me fera revenir, ni larmes ni prières." Hortense baisse les yeux avant de répondre : "Ma mère se soumettra, j’en ai la conviction, et nous nous en irons tous, emportant le souvenir de vos bontés."

Ce "Nous nous en irons tous" est sa dernière arme. Elle sait que l’empereur est très attaché à elle et à son frère. Napoléon balbutie : "Quoi ! Vous me quitterez tous, vous m’abandonnerez ! Vous ne m’aimerez donc plus ?" Et de s’effondrer en larmes. Lui, le vainqueur d’Eylau, de Friedland, d’Iéna et de Rivoli, chiale comme une gonzesse... Mais malgré ses pleurs, il ne reviendra pas sur sa décision.

Un aiglon qui ne règne que quelques jours

Le 15 décembre, la dissolution du mariage est donc prononcée aux Tuileries. Le lendemain, à 11 heures du matin, le Sénat adopte le sénatus-consulte signé par les deux époux. Le même jour, Joséphine déménage avec Hortense à Malmaison.

Reste à régler l’aspect religieux de l’annulation du mariage. C’est Cambacérès qui s’en charge. Il fait sa petite enquête auprès de l’empereur. Certes, Napoléon et Joséphine se sont mariés civilement en 1796, mais en 1804, pour autoriser le sacre, le pape avait exigé un deuxième mariage religieux. Napoléon s’était bien exécuté, mais en organisant une cérémonie bâclée, célébrée par son oncle le cardinal Fesch en l’absence de témoin. Le pape s’en était contenté, mais, le 12 janvier 1810, une commission réunie par l’Église conclut à la nullité du mariage religieux entre l’empereur et l’impératrice.

Le 11 mars 1810, Napoléon Ier peut donc épouser l’archiduchesse Marie-Louise. Comme le mariage est effectué par procuration, l’empereur ne profite de sa nuit de noces que le 27 mars. Elle lui donne effectivement un héritier, le 20 mars 1811, mais le malheureux aiglon ne régna pas bien longtemps : une première fois trois jours, du 4 au 6 avril 1814, et une deuxième fois du 22 juin au 7 juillet 1815. Cela valait-il la peine de divorcer pour cela ?

C’est également arrivé un 15 décembre

2000 - Quatorze ans après l’explosion du réacteur n° 4, la centrale nucléaire de Tchernobyl est définitivement fermée.

1989 - Après 16 ans de régime militaire, retour à la démocratie au Chili.

1988 - James Brown est condamné à six ans de prison pour une course-poursuite avec la police.

1972 - Sortie du film Le dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci avec Marlon Brando et Maria Schneider.

1966 - Décès de Walter Elias Disney, père de Mickey.

1962 - Création de la pièce d’Eugène Ionesco Le roi se meurt.

1961 - Adolf Eichmann, ex-colonel SS, est condamné pour crime de guerre.

1954 - Davy Crockett paraît pour la première fois dans la série télévisée de Walt Disney.

1948 - Naissance de Zoé, première pile atomique française.

1923 - Première de la pièce Knock de Jules Romains avec Louis Jouvet.

1916 - La France sort victorieuse de la bataille de Verdun.

1890 - La police indienne abat Sitting Bull, 59 ans.

1709 - Les troupes françaises reprennent Rome


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