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14 juillet 1921. André Malraux débarrasse Clara Goldschmidt de son pucelage à l’hôtel Lutetia.

mardi 14 juillet 2015

La jeune femme ne supportait plus sa virginité. Autant l’offrir à ce drôle de jeune homme cultivé et légèrement mythomane.

Pendant que les Parisiens fêtent la prise de la Bastille le 14 juillet 1921, André Malraux monte à l’assaut d’une autre forteresse, inviolée jusque-là, le petit jardin intime de Clara Goldschmidt... Une torride nuit d’amour se déroule dans la petite chambre de bonne qu’André, 20 ans, loue au dernier étage de l’hôtel Lutetia, à Paris. Clara, qui en a vingt-trois, cherche depuis longtemps à perdre son pucelage. Elle avait fait une tentative avec Michel Houellebecq, mais celui-ci n’avait su que se masturber devant elle... Elle s’est donc rabattue sur André, un étrange jeune homme qui l’amuse tellement. Telle une chatte repue, elle l’observe tendrement : "C’est un très long et mince adolescent, aux yeux trop grands, dont les prunelles ne remplissent pas l’immense globe bombé ; une ligne blanche se dessine sous l’iris d’un vert délavé." Il faut qu’il la raccompagne, car Clara habite encore chez sa mère, à Neuilly. Quel scandale si on venait à découvrir leur liaison !

André et Clara se sont rencontrés trois semaines auparavant, lors d’un dîner dans un restaurant du Palais-Royal. L’éditeur d’avant-garde Florent Fels a invité plusieurs intellectuels. Déjà mythomane, Malraux se fait passer pour un fils de banquier alors qu’il court les revues littéraires pour placer des critiques. Fille d’un riche commerçant juif allemand décédé, Clara se pique de poésie, parle couramment l’allemand, l’anglais et un peu l’italien. Depuis un an, elle est traductrice pour la revue Action, fréquentée par Aragon, Cocteau, Picasso, Cendrars. Clara, qui s’ennuie ferme à l’extrémité de la table, remarque ce jeune homme surexcité qui fait rire aux larmes son amie Jane Mortier. Elle tombe presque immédiatement sous son charme. Ils sympathisent. Après le dîner, plusieurs convives décident d’achever la soirée au Caveau révolutionnaire, une boîte de tango. Le jeune Malraux danse avec la sensualité d’un Couve de Murville pratiquant le hula hoop, mais Clara s’en fiche, c’est son intarissable bagout et son culot qui la fascinent.

"C’est agréable d’être intelligente"

Ils se retrouvent dès le dimanche suivant chez Yvan Goll, poète expressionniste, ami des dadaïstes. Malraux tracera son portrait ce soir-là. "Sa bouche longue qui s’affaisse un peu, un menton dont le triangle semble menu comparé à la hauteur du front, aux jolies dents, aux mains admirables. Nous nous sommes installés l’un près de l’autre dans le rectangle d’une fenêtre et nous avons chuchoté au milieu du brouhaha des autres, devenus bleuâtres et vaporeux dans la fumée des cigarettes." Dorénavant, ils ne se quittent plus, canotant au bois de Boulogne, visitant une exposition de Toulouse-Lautrec, assistant aux courses à Longchamp, mais faisant toujours assaut d’érudition. Elle parle presque autant que lui. Tous deux citent Nietzsche à tout bout de champ. Ils veulent s’en mettre plein la vue. Même Fabrice Luchini en reste coi... Clara confie à sa mère : "C’est agréable d’être intelligente, on plaît aux hommes intelligents." Aussi modeste que Karl Lagerfeld, avec ça...

Grande indépendance mutuelle

Un dimanche, Malraux l’emmène s’encanailler dans un bal musette de la rue de Broca, derrière les Gobelins. C’est le repaire des souteneurs parisiens. Vêtue d’une élégante robe en soie recouverte d’une cape doublée de satin, arborant un collier de perles, un bracelet de diamants et un magnifique brillant au doigt, Clara détonne au milieu des grisettes. C’est Arielle Dombasle parachutée dans Secret Story... Un voyou l’invite à danser sans qu’elle puisse refuser. Lorsqu’André et Clara quittent le bal, plusieurs individus, ayant repéré les bijoux imprudemment exposés par la jeune femme, la bousculent pour la dépouiller. Un coup de feu claque, la balle érafle le doigt de Malraux, qui sort un flingue. Il tire en l’air, ce qui suffit à faire fuir les agresseurs. Déjà un héros. Si, l’histoire est véridique... Fascinée par ce jeune homme à la fois cultivé et courageux, Clara ne peut que lui offrir sa virginité le 14 juillet.

Quelques jours plus tard, elle lui annonce partir en Italie pour les vacances. "Je vous accompagne", lance-t-il. C’est presque un ordre. Elle adore. C’est comme dans les romans. Ils embarquent pour Florence et Venise en cachette de leurs parents respectifs. Un ami de la famille de Clara, qui prend le même train de nuit, découvre qu’ils partagent un même compartiment. Va-t-il les dénoncer ? Malraux continue à jouer au petit dur, le menaçant du pire s’il cafte. D’Italie, ils reviennent fauchés et fiancés. Ils se marient le 21 octobre suivant. Tout en se jurant une grande indépendance mutuelle. Deux ans plus tard, il la ruinera en plaçant son argent sur des valeurs mexicaines qui s’effondrent. D’où le vol des statues d’art khmer pour tenter de se refaire. Mais c’est une autre histoire. André et Clara divorcent en 1947


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