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Regards citoyens, l’asso qui fait plus que le gouvernement

samedi 8 novembre 2014

Depuis cinq ans, des bénévoles se battent pour améliorer la démocratie. Transparence, déontologie : le bilan de leur premier "quinquennat" est impressionnant.
Par Guerric Poncet

"Je me suis demandé ce que j’avais vu de mieux pendant mes années au service de l’État, et c’est Regards citoyens", nous glisse une ancienne cadre ministérielle, qui donne désormais un "coup de main" à l’association. Et elle a bien raison : c’est tellement rare de voir des citoyens s’impliquer, avec modestie et avec succès, pour l’amélioration de la République, qu’on a presque envie de leur confier un ministère de la transparence. Il y a cinq ans, les bénévoles de Regards citoyens étaient perçus comme des terroristes par certains députés. Ils venaient de lancer le site NosDéputés.fr, qui rassemble les données publiques concernant nos élus pour "mettre en valeur le travail parlementaire". Et, accessoirement, pour voir, graphiques à l’appui, qui travaille beaucoup et qui travaille moins. Le site s’est finalement imposé comme la référence pour le citoyen curieux. Il est même meilleur que celui de l’institution elle-même, qui ne présente pas toujours ses données de façon lisible.

Cinq ans plus tard, soit le temps d’un quinquennat, le bilan de Regards citoyens ferait pâlir n’importe quel gouvernement. Certes, les dix administrateurs bénévoles, qui prennent toutes leurs décisions de manière collégiale, n’ont pas avancé seuls. Mais, grâce à leur persévérance, les progrès ont été largement accélérés. Outre le succès de NosDéputés.fr et de NosSénateurs.fr, l’association réussit à faire entendre sa voix auprès des autorités. En 2011, alors que Regards citoyens milite pour l’accès aux données publiques en France, le gouvernement Fillon crée Étalab, l’organisme chargé de diffuser les données de l’État français, des transports à la culture en passant par l’économie, l’éducation ou le logement. Matignon ouvre le site data.gouv.fr dans la foulée.

Le lobbying à la loupe

Dans le même temps, après des protestations répétées de Regards citoyens et à la suite du rapport Trojette sur l’ouverture des données publiques, l’accès aux fichiers devient gratuit. Modestes, les bénévoles martèlent qu’ils ne sont "vraiment pas les seuls" à avancer dans le bon sens : ils travaillent au quotidien avec des parlementaires, de hauts fonctionnaires et d’autres associations, notamment. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de se demander à quel point les choses auraient été ralenties ou oubliées sans leur acharnement constructif.

L’association s’attaque aussi à la question très polémique du lobbying, qui "alimente beaucoup de fantasmes du fait de l’opacité qui l’entoure". Là encore, le but n’est pas de nuire mais de permettre au citoyen de comprendre. "Il est normal et crucial que le Parlement comme l’exécutif consultent la société civile, privée, publique comme associative", explique Regards citoyens, qui exige avec Transparency International la création de registres des activités de lobbying à l’Assemblée et au Sénat. Et ça fonctionne, là encore, avec le soutien de certains parlementaires. De tels registres sont créés à l’Assemblée et au Sénat et sont même accompagnés par un code de déontologie, qui n’est pas que symbolique. De même, les rapports de l’Assemblée doivent désormais obligatoirement comporter une liste des personnes auditionnées. Un énorme progrès, alors que le lobbyisme est un sujet tabou en France.

Des milliers d’internautes ont aidé

Modeste par son nombre de membres, l’association sait faire appel aux internautes. Lorsque les gouvernants ont rempli leurs déclarations d’intérêts avant l’été, c’était à la main, avec un stylo, sur du papier. Impossible de réutiliser ces données facilement... Qu’importe : Regards citoyens a organisé sur son site une opération "numérisation", durant laquelle plus de 8 000 internautes ont tapé sur leur clavier le texte qu’ils lisaient sur les pages scannées. La méthode participative avait déjà été rodée lorsque Bercy avait publié la réserve parlementaire (l’argent que les élus peuvent allouer librement à des projets) de 2013 dans un format inexploitable, obligeant l’association à tout exporter manuellement dans un fichier ouvert.

En plus de souffler les bonnes idées aux institutions, Regards citoyens fait donc le boulot des institutions... Un travail de fourmi qui fait mouche, y compris auprès des élus, dont plusieurs étaient présents à la fête hébergée gracieusement par l’éditeur de logiciels libres Mozilla, mercredi soir à Paris. La secrétaire générale de l’Assemblée, Corinne Luquiens, était là aussi : "C’est tout un symbole", nous glisse Tangui Morlier, l’un des bénévoles, selon lequel les relations avec les élus et les administrations se sont "assez vite" et "largement" améliorées depuis 2009. On attend désormais que l’État mette en oeuvre les dix mesures de l’appel publié par l’association à l’occasion de son cinquième anniversaire.

Lire aussi Transparence, déontologie : 10 mesures pour améliorer la démocratie

Les principaux projets de Regards Citoyens :

- NosDéputés.fr, pour s’informer sur les élus de l’Assemblée nationale.

- NosSénateurs.fr, pour s’informer sur les élus du Sénat.

- La Fabrique de la loi, pour comprendre le processus législatif.

- Le suivi du lobbying, avec Transparency International France.

- Nos finances locales, pour tout savoir sur les dépenses de chaque commune.

- Une étude sur le redécoupage électoral.

- NosDonnées.fr rassemble des jeux de données très variés.


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