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Pourquoi Netanyahou tient-il à Israël comme "État juif" ?

mercredi 24 juin 2015

Dans le droit international, l’adjectif qualificatif n’est pas un genre très prisé. Il y a des notions, nettes, précises, mais on évite de tomber dans les 50 nuances de… Pourquoi dès lors entendre Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, marteler de plus en plus cette notion ?

Ça a commencé dans les meetings : "La nature d’Israël est d’être un État juif". À chaque fois, le Premier ministre était sûr de son effet, devant un auditoire conquis. Puis l’idée est arrivée sur la table du Conseil des ministres jusqu’à devenir un projet de loi présenté devant le Parlement. Une partie de la gauche s’y oppose au nom du respect des valeurs démocratiques d’Israël mais Netanyahou n’en démord pas. Israël, État créé "pour les juifs" deviendrait un "État juif". La finalité deviendrait sa nature. Glissement qui n’est pas que sémantique et qui perturbe la région.

D’abord il y a le principe. Dans les relations internationales, on reconnait des États. Pas des régimes. Un État est un État, sans qualificatif apposé. Démocratie, monarchie, République islamique ou populaire, il n’en reste pas moins vrai que l’Iran reste l’Iran, l’Egypte reste l’Egypte et la Russie reste la Russie. Les soubresauts de l’histoire ne changent rien à cela. Ensuite il y a les crispations avec les voisins. Les palestiniens en font une ligne rouge. Ils ont déjà reconnu un État israélien, pourquoi devraient-ils aujourd’hui reconnaitre un nouvel État qui aurait changé de nature ? Si Israël est un État juif, cela reviendrait à abandonner l’idée d’un retour des réfugiés palestiniens dans leurs villages d’origines. Sans parler des Arabes israéliens, qui ne sont pas juifs, mais représentent 20% des Israéliens. Devront-ils quitter le pays ? Le sujet est de la dynamite.

Certains y voient une manœuvre de Netanyahou. Un bon moyen pour ne pas entrer dans des négociations avec les Palestiniens et laisser le temps jouer en faveur d’Israël. Autre vision, celle du roi de la négociation. Revendiquer un truc énorme pour ensuite pouvoir lâcher et ainsi préserver ce qui compte vraiment. Enfin, on peut aussi voir une manière de donner le change aux partis religieux qui sont dans sa majorité et pèsent de plus en plus dans la vie politique israélienne. Il ne faut jamais minimiser le talent politique de Netanyahou et son art de la négociation. Mais il y a autre chose de plus profond qui explique cette position.

Depuis longtemps, l’inquiétude des Israéliens n’est pas la terre mais la démographie. Elle est plus forte chez les Arabes que chez les Israéliens. Du coup, tout est possible y compris le fait qu’un jour Israël, "État comme un autre", soit à majorité non juive. Netanyahou veut donc sanctuariser le principe du "foyer national juif en Palestine". Principe énoncé par la Déclaration Balfour et qui est à la base de l’existence de ce pays, son essence même, son ADN. C’est la singularité d’Israël. Cet État a été créé après la Seconde Guerre mondiale par la communauté internationale. Pas seulement autour de frontières et de populations comme les autres, mais aussi avec une vocation, une mission. Celle d’être un refuge pour les juifs de la planète qui pourraient un jour être de nouveau persécutés pour ce qu’ils sont. On peut le critiquer, le regretter, peu importe, c’est trop tard. De par son acte de naissance, Israël est "de facto" un État à part.

Cette singularité ne lui donne pas plus de droit que les autres et sûrement pas celui de contraindre par la force ses voisins à accepter sa vision des choses. La communauté internationale, à commencer par les États-Unis, devrait avoir moins de complexe à le lui rappeler et à le sanctionner comme un autre État. On ne peut pas tout se permettre au nom de la sécurité. Reconnaitre une différence et exiger le respect de la règle commune est absolument compatible. Mais pour autant, le faire de rentrer totalement dans une norme n’aurait pas de sens non plus. La communauté internationale aurait mauvaise grâce à demander à Israël de changer aujourd’hui ce qu’elle-même a voulu hier. Entre les deux, il y a ce que l’on appelle la négociation et une ligne simple et juste. Deux États (différents) pour deux peuples (différents).


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