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Pasteur Marco, goudougoudou et nous

vendredi 30 janvier 2015

Mercredi 27 janvier 2015. Une rumeur se répand. Elle est virale. On prête à « pasteur Marco » la prédiction qu’un séisme se produira à 4 heures p.m. L’intéressé, scandalisé, dément. Il le fait à la radio. Sur la Toile, des facebookers sont partagés sur le sort à infliger au pasteur, la prison ou l’asile de fou pour le maître de la piscine de Bethesda, faiseur de miracles aux yeux des simples d’esprit. « Le type m’a fait peur oui », poste une jeune femme qui ne voudrait pas revivre le calvaire du 12 janvier 2010. Pas de flash back, pas de souvenir quand on ne veut pas questionner la capacité de réponse des pouvoir publics si la terre, sous nos pieds, se remet à danser.

En fait, il n’y a pas de si qui tienne mais quand. Quand et aussi où le prochain séisme frappera ? L’ingénieur Claude Prépetit n’a cessé de le dire. « Il est trop tard pour avoir peur. Il ne faut avoir peur de faire peur quand les autorités ont adopté la carte de la résignation », avait balancé le scientifique, quelques jours avant les cinq ans de ce mardi noir, de ce mardi 12 janvier. La faille Enriquillo menace l’Ouest et toute la presqu’île du Sud,. Elle accumule de l’énergie et un segment peu rompre à tout instant. Pas de veine, ce n’est pas elle qui avait provoqué le dernier séisme qui avait ravagé la capitale. C’était la faille de Léogâne. Cap-Haïtien, deuxième ville d’Haïti, a des raisons de se faire du souci. Chaque jour rapproche le Cap du prochain séisme, après celui de 1842, particulièrement dévastateur qui s’est accompagné d’un tsunami. 80 % des sols du Cap amplifient les ondes sismiques. Les bâtiments sont vieux, les rues étroites. Lors du prochain séisme, le tableau, pour la cité christophienne, glace le sang.

Il y a un plan blanc en cas de séisme, avait confié au journal, il y a plusieurs mois, le docteur Jean Gracia Coq, directeur de l’hôpital Justinien du Cap-Haïtien. Plusieurs hôpitaux des départements devraient mobiliser personnels et matériels pour fournir des soins. « Si nous survivons, nous n’aurons pas d’autre choix que de servir, sauver des vies », avait expliqué ce médecin.
L’information a circulé sur la menace sismique et de tsunami au sein de la population. Partout dans la ville, il y a des panneaux indiquant les voies à emprunter pour aller dans les hauteurs, a expliqué à l’époque Bernardin Francisque de la Protection civile du Cap-Haïtien.

« Il ne suffit pas d’avoir des plans. Il faut de la simulation. La bonne réaction de la population et des services publics qu’il faut mobiliser n’ont jamais garantie », a souligné le docteur Philippe Desmangles qui a appartenu un temps à la structure chargée de gérer les urgences au niveau du territoire. « Le plan met en confiance. Dès que la catastrophe arrive, on fait avec ce qu’on peut », a ajouté Desmangles, qui croit qu’on est relativement mieux préparé qu’avant le séisme du 12 janvier. « Des réflexes ont été créés », a expliqué Philippe Desmangles.

Le plan et la réalité des catastrophes

La coordination stratégique de la réponse en cas de séisme a été établie. Les ministres, directeurs généraux savent, s’ils survivent au séisme, quoi faire pour, a expliqué en off un cadre de la Direction de la protection civile. Il y a un Centre d’opérations d’urgence (COU) national à Delmas 2, dans l’Ouest et 9 COU départementaux, 140 comités communaux de protection civile et 194 comités locaux de la Protection civile, a-t-il expliqué. Parallèlement aux stocks d’urgence positionnés dans tous les départements, plus de 3 000 volontaires ont été formés en secourisme, sauvetage et déblaiement. Ces volontaires sont aujourd’hui présents dans l’ensemble des communes du pays.

A côté de ces 3 000 brigadiers spécialisés en premier secours sur l’ensemble du territoire, 400 sapeurs-pompiers volontaires ont été formés, a-t-il indiqué. Avec nuance, une autre source auprès de la DPC avoue que « la réalité des plans et celle de la catastrophe à gérer ne sont jamais les mêmes ». Rien n’indique que ces ressources humaines seront disponibles. Il ne faut pas perdre de vue non plus les capacités limitées des autorités qui devront inévitablement lancer des appels à l’aide lors du prochain séisme. Plus de 220 000 morts et 300 000 blessés, et près de 3 700 000 personnes affectées par le séisme du 12 janvier 2010. Le nombre de morts causés par ce séisme est 10 fois plus élevé que la somme de toutes les victimes causées par toutes les catastrophes depuis 1963, a-t-il dit.

Les TPTC, le MSPP, le MICT, la PNH… et d’autres entités de l’Etat, en partenariat avec la Croix-Rouge, les antennes de Médecins sans frontières, seront sur pied de guerre pour sauver des vies et assister la population. La disponibilité de lits d’hôpitaux, de blocs opératoires sera connue après l’évaluation des dégâts provoqués par le séisme, a-t-il ajouté.

Personne, pour le moment, ne peut garantir le niveau d’efficacité opérationnelle des policiers (plus de 10 000 sur le territoire) dans des interventions à grande échelle pour sauver des vies. « Je sais que chaque policier a des notions en secourisme. Mais je reste perplexe quant à la mobilisation massive, aux côtés des structures sanitaires, pour sauver des vies. Si cela arrive, on verra », a expliqué un commissaire de police assez perplexe. Selon des informations obtenues de la police administrative, le corps des pompiers compte seulement 142 des sapeurs-pompiers au niveau de la zone métropolitaine. 99 sont à Port-au-Prince et le reste à la caserne des pompiers de Tabarre.

La Croix-Rouge se prépare

12 000 secouristes sont formés sur tout le territoire, a révélé Guyto Jean Pierre, président de la Croix-Rouge haïtienne. Une cinquantaine de personnes ont été formées en recherche et sauvetage en cas d’inondation et de séisme grâce au support de la Croix-Rouge panaméenne. Disposant actuellement de 6 ambulances contre les 37 disponibles au Centre ambulancier national dont les équipements et le personnel seront mobilisés en cas de catastrophe provoquant un nombre important de victimes, la Croix-Rouge haïtienne fera prochainement l’acquisition de 18 ambulances, a indiqué Guyto Jean Pierre. En termes de disponibilité de sang, la Croix-Rouge, pour chaque groupe sanguin, peut disposer en moyenne de 25 à 30 pochettes de sang. Ce qui ne sera pas suffisant en cas de séisme, reconnaît le président de la Croix-Rouge haïtienne. Pour pallier cette éventualité et comme cela a été le cas en 2010, il y a un accord avec la Croix-Rouge américaine pour mettre des stocks de sang à la disposition d’Haïti. Actuellement, grâce au Club 25, 6000 jeunes effectuent quatre dons de sang par an.

Prochain séisme, nouveau test

Le prochain tremblement de terre sera un test. Reste à savoir, dans l’Ouest, comme les maisons réagiront. « Après le tremblement de terre de 2010, le gouvernement haïtien et ses partenaires ont concentré leur travail sur la prise en compte systématique de la gestion des risques de désastres dans les efforts de reconstruction. La stratégie de reconstruction vise à minimiser la vulnérabilité du bâti tout en permettant aux populations exposées de s’adapter face aux risques de désastres naturels. La première action a été d’évaluer les bâtiments endommagés par le tremblement de terre afin de connaître le niveau de sécurité. Dans ce contexte, plus de 430 000 bâtiments ont été évalués en 2010 sous la direction du Ministère des Travaux publics, Transports et Communications (MTPTC). Cela a également permis de conscientiser les propriétaires et utilisateurs des bâtiments face aux risques auxquels ils étaient exposés », selon un document non officiel de la DPC.

Le gouvernement a développé un code de construction national qui fournit des normes et des mesures à prendre pour la construction de bâtiments sûrs. Dans le même temps, des documents de référence ont été mis à disposition de la population et des professionnels de la construction au MTPTC. Il s’agit par exemple du Guide de bonnes pratiques pour la construction de petits bâtiments en maçonnerie chaînée, du Guide pratique de réparation de petits bâtiments et enfin du Guide de renforcement parasismique et paracyclonique des bâtiments.

Le Dr Kit Miyamoto, PDG et président de la compagnie d’ingénierie structurelle anti-sismique, Miyamoto International et fondateur de la fondation Miyamoto Global Disaster Relief, avait confié au journal, il y a quelques mois, que des progrès ont été réalisés en Haïti. Cependant, il avait souligné qu’il y a encore beaucoup de mauvaises constructions.

Entre-temps, les scientifiques modélisent par rapport aux données collectées alors que les autorités publiques ont fait plus que lever le pied sur les programmes de sensibilisation aux bonnes pratiques en cas de séisme. Il a fallu de la rumeur sur le pauvre pasteur Marco pour rappeler au mauvais souvenir de plus d’un que le prochain séisme peut frapper à tout moment, que ce sujet ne peut pas être associé presque uniquement à la commémoration du 12 janvier 2010 quand il est certain que nos yeux pleureront sur d’autres dates, que nos cris de peuple mal préparé face à la menace sismique perceront encore le ciel…

AUTEUR

Roberson Alphonse

robersonalphonse@lenouvelliste.com


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