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Panama Papers : François Hollande promet des enquêtes

lundi 4 avril 2016

Après la divulgation de documents sur des avoirs dans les paradis fiscaux, le président a salué les lanceurs d’alerte et la presse.

Source AFP

C’est un petit coin de paradis en Amérique centrale. Un paradis pour les touristes, mais aussi pour ceux qui souhaitent échapper à la fiscalité traditionnelle. Et depuis hier, c’est un enfer pour les 140 responsables politiques ou personnalités de premier plan présents sur un listing dévoilé par une centaine de journaux. Le président de la République François Hollande a réagi promettant des « enquêtes » fiscales et des « procédures judiciaires ». « Toutes les informations qui seront livrées donneront lieu à des enquêtes des services fiscaux et à des procédures judiciaires », a déclaré le chef de l’État lors d’une visite d’entreprise à Boulogne-Billancourt. Il a par ailleurs remercié les « lanceurs d’alerte et la presse » pour ces révélations qui vont, selon lui, permettre de nouvelles « rentrées fiscales ». « Ce que je peux vous assurer, c’est qu’à mesure que les informations seront connues, toutes les enquêtes seront diligentées, toutes les procédures seront instruites et les procès éventuellement auront lieu », a assuré François Hollande.

« Si je peux dire, c’est une bonne nouvelle que nous ayons connaissance de ces révélations parce que ça va nous faire encore des rentrées fiscales de la part de ceux qui ont fraudé », a affirmé le président, soulignant que « rien que pour l’année 2015, 20 milliards d’euros ont été notifiés à ceux qui avaient fraudé » et que sur ces 20 milliards, l’État avait « déjà repris 12 milliards d’euros ». « Donc, je remercie les lanceurs d’alerte, je remercie la presse qui s’est mobilisée et je ne doute pas que nos enquêteurs sont tout à fait prêts à étudier ces dossiers et ces cas pour le bien d’abord de ce qu’on peut penser être la morale, et aussi pour le bien de nos finances publiques », a-t-il poursuivi. « C’est grâce à un lanceur d’alerte que nous avons maintenant ces informations. Ces lanceurs d’alerte font un travail utile pour la communauté internationale, ils prennent des risques, ils doivent être protégés », a encore dit le chef de l’État.

Des proches de Poutine mis en cause

11,5 millions de documents, regroupés sous la dénomination « Panama Papers » proviennent du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, qui a estimé que leur publication était un « crime » et une « attaque » contre le Panama. Le gouvernement du Panama a, lui, assuré dimanche qu’il « coopérera vigoureusement » avec la justice en cas d’ouverture d’une procédure judiciaire. On y retrouve des membres de l’entourage de Vladimir Poutine, mais aussi dans le monde du sport. Des sociétés liées à la famille du président chinois Xi Jinping, qui affiche volontiers sa détermination à combattre la corruption, apparaissent également dans les documents révélés dimanche, tout comme le président ukrainien Petro Porochenko.

La manière dont les documents ont filtré n’est pas connue. Ils ont d’abord été obtenus par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a ensuite réparti le travail d’exploitation, qui a duré environ un an, entre les publications membres. L’ICIJ précise sur son site internet que 370 journalistes de plus de 70 pays y ont participé. Plus de 214 000 entités offshore sont impliquées dans les opérations financières dans plus de 200 pays et territoires à travers le monde, selon le consortium. Parmi les personnalités mentionnées dans les millions de documents figurent notamment des associés du président russe Vladimir Poutine, qui auraient détourné jusqu’à 2 milliards de dollars avec l’aide de banques et de sociétés-écrans, selon l’ICIJ. « Des associés de Poutine ont falsifié des paiements, antidaté des documents et obtenu de l’influence occulte auprès des médias et de l’industrie automobile russes », le consortium sur son site internet.

Le plus grand coup contre les paradis fiscaux

Le président argentin Mauricio Macri, qui a été membre du directoire d’une société offshore enregistrée au Bahamas, selon le quotidien argentin La Nación membre du consortium, n’a « jamais eu de participation au capital de cette société », a assuré dimanche le gouvernement argentin, précisant que Mauricio Macri avait seulement été « directeur occasionnel » de cette société. « Je n’ai jamais caché d’avoirs », a de son côté affirmé le Premier ministre islandais, Sigmundur David Gunnlaugsson, soupçonné d’avoir dissimulé des millions de dollars aux Iles vierges britanniques.

« Les documents montrent que les banques, les cabinets d’avocats et autres acteurs opérant dans les paradis fiscaux oublient souvent leur obligation légale de vérifier que leurs clients ne sont pas impliqués dans des entreprises criminelles », affirme l’ICIJ. « Cette fuite sera probablement le plus grand coup jamais porté aux paradis fiscaux à cause de l’étendue des documents » recueillis, estime Gérard Rylé, le directeur de l’ICIJ cité par la BBC. « Ces révélations montrent à quel point des pratiques nocives et la criminalité sont profondément enracinées dans les places offshore », selon Gabriel Zucman, un économiste de l’université de Californie à Berkeley cité par le consortium basé à Washington.

Platini, Messi et des proches de Chávez visés

Le monde du football, déjà ébranlé ces derniers mois par plusieurs scandales touchant les dirigeants de la Fifa, n’est pas épargné : quatre des 16 dirigeants de la fédération internationale auraient ainsi utilisé des sociétés offshore créées par Mossack Fonseca. Les documents du cabinet d’avocats font aussi apparaître les noms d’une vingtaine de joueurs vedettes, évoluant notamment à Barcelone, au Real Madrid ou encore au Manchester United. Parmi eux le multiple ballon d’or Lionel Messi. Avec son père, ce dernier serait propriétaire d’une compagnie au Panama, dont la mention apparaît pour la première fois dans les documents de Mossack Fonseca le 13 juin 2013, le lendemain de leur mise en examen pour fraude fiscale en Espagne, toujours selon l’ICIJ.

Michel Platini aurait, lui, eu recours aux services du même cabinet d’avocats en 2007, l’année où il été désigné président de l’UEFA, pour administrer une société au Panama. Dans un communiqué à l’AFP, il a renvoyé vers « l’administration fiscale suisse, pays dont il est résident fiscal depuis 2007 ». Outre le football, d’autres sports comme le hockey et le golf sont également concernés, ajoute l’ICIJ.

Les révélations, qui couvrent une période de près de 40 ans allant de 1977 à 2005, mentionnent encore des affaires réalisées dans les paradis fiscaux par le père aujourd’hui décédé de l’actuel Premier ministre britannique David Cameron, ou par des fonctionnaires proches d’Hugo Chávez, l’ancien président vénézuélien, mort en 2013. Elles rappellent celles de WikiLeaks, site spécialisé dans la diffusion de documents secrets créé en 2006. « La plus grande fuite de l’histoire du journalisme vient de voir le jour, et elle concerne la corruption », a commenté de son côté Edward Snowden, principal lanceur d’alerte sur les activités du renseignement américain.


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