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Malaisie : 700 millions de dollars s’égarent dans les poches du Premier ministre

dimanche 9 août 2015

Blanchi dans son pays, Najib Razak n’en a pas fini avec la justice suisse, tandis qu’en France, une enquête est en cours sur la vente de deux sous-marins.

En début de semaine, l’Agence malaisienne anticorruption annonce que le Premier ministre n’a rien à se reprocher. Les 700 millions de dollars retrouvés sur ses comptes bancaires personnels n’ont pas été détournés de la société publique 1Malaysia Development Berhad (1 MDB), créée à son initiative après son arrivée au pouvoir en 2009. Il s’agit de… dons. L’agence anticorruption omet toutefois de préciser l’identité des généreux donateurs. Il est vrai que Najib Razak ne met guère de gants pour se débarrasser de ses éventuels contradicteurs. Fin juillet, il a limogé Muhyiddin Yassin, son vice-Premier ministre, qui osait lui demander des explications, et Abdul Gani Patail, le procureur général, qui avait eu l’outrecuidance d’ouvrir une enquête sur cette affaire, révélée par le Wall Street Journal, et par une publication locale, Sarawak Report.

Pour le Premier ministre malaisien, les ennuis risquent de venir… de la Suisse. Longtemps paradis pour tous les dirigeants cleptomanes de la planète, la Confédération veut tourner la plage. Le Ministère public est entré « en contact avec les autorités malaisiennes et avec le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent », et « examine soigneusement » les transferts financiers liés à cette affaire. Certaines opérations passaient par Tortola, dans les îles vierges britanniques, et par la banque Coutts à Zurich, si l’on en croit un courrier strictly private and confidentiel, que Le Point.fr a pu se procurer. 1MDB (endettée à hauteur de 11 milliards de dollars) traitait avec la filiale aux îles Cayman de PetrauSaudi Holdings. Pourquoi de l’argent si honnêtement perçu était-il obligé d’emprunter des circuits si complexes ?

Une mort suspecte

Autres ennuis en perspective pour Najib Razak : le banquier suisse Pascal Najadi remue ciel et terre pour faire la lumière sur l’assassinat de son père, Hussain Ahmad Najadi en juillet 2013.« Mon père, fondateur de l’Arab Malaysian Development Bank à Kuala Lumpur, a été assassiné pour tenter d’étouffer les scandales de corruption qui éclaboussent le Premier ministre de Malaisie. Comment expliquer que le commanditaire de ce meurtre, connu par la justice, a pu s’enfuir, d’abord en Australie, puis en Chine ? » s’insurge Pascal Najadi, à la tête de la société Najadi & Partners, domiciliée dans le canton de Zoug.

Le banquier suisse est entré en contact avec l’avocat parisien William Bourdon, conseil de Suaram, une ONG malaisienne spécialisée dans la lutte contre la corruption. Celle-ci mène toujours des investigations concernant la vente par la France de 2002 de deux sous-marins à la Malaisie. Ce contrat de 1,1 milliard d’euros aurait donné lieu à des pots-de-vin, estimés à 150 millions d’euros, versés à deux sociétés malaises dirigées par Razak Baginda, un proche collaborateur de… Najib Razak, alors ministre de la Défense.

Comment payer des pots-de-vin

Beaucoup moins médiatisé que l’affaire de Karachi et celle des frégates de Taiwan, ce dossier n’est pas pour autant enterré. Une enquête préliminaire a été lancée à Paris en 2010. Dans un rapport de synthèse, les policiers de la division nationale d’investigations financières et fiscales (DNIFF) écrivent que ce contrat a « vraisemblablement permis de corrompre des décideurs locaux, en l’occurrence le Premier ministre malaisien en place actuellement ». « Certaines choses bougent au tribunal de grande instance de Paris », se contente de déclarer William Bourdon. Le dossier étant entre les mains des juges Roger Le Loire et Roger Tournaire.

Auteur de Marchands d’armes (*), paru en 2014, Bernard Cheynel explique que depuis 2000, il est interdit aux entreprises françaises de corrompre des agents étrangers pour décrocher des contrats. « Comment faire quand un ministre malais vous réclame de l’argent pour conclure un contrat ? On est contraint de passer des accords financiers avec des sous-traitants locaux, qui offrent, en fait, des prestations fictives », explique-t-il. Cette opération a provoqué la mort de « Tuya », la maîtresse de Razak Baginda, le plus proche collaborateur de Najib Razak. Après l’avoir tué de plusieurs balles à bout portant, ses assassins, des membres des services secrets malaisiens, ont fait exploser son corps


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